La sortie des jeunes marabouts Mbacké Mbacké défiant par la même occasion l’Etat et Touba n’a pas laissé indifférent le nouveau porte-parole du Parti de la vérité pour le développement (Pvd). Gaspard Camara, de passage hier dans les locaux de EnQuête, estime qu’il est indécent de demander la réouverture des écoles publiques françaises à Touba. L’ex-secrétaire général du parti Forces nouvelles se prononce également sur la situation du pays qu’il juge difficile, avant de décliner sa feuille de route pour une restructuration et une redynamisation des instances du parti d’Ahmadou Kara Mbacké. Entretien.
Vous venez d’être nommé porte-parole du Parti pour la vérité et le développement. Pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?
Je dirigeais une formation politique qu’on appelait Forces nouvelles (Fn). Aujourd’hui, j’ai décidé de venir prêter main forte à Serigne Modou Kara Mbacké qui m’a fait l’honneur de me nommer porte-parole du Pvd nouveau.
Pourquoi avez-vous décidé de quitter votre parti pour rallier le Pvd ?
Mon adhésion au Pvd est le fruit d’une discussion d’une semaine au cours de laquelle Serigne Modou Kara Mbacké et moi avons échangé sur l’actualité et sur la politique en général. A l’issue de cet entretien, nous avons vu que nous avons des points de convergence notamment dans le domaine du développement. Nous partageons également le même sentiment de dégoût de la façon dont la politique est actuellement pratiquée au Sénégal, c'est-à-dire la politique politicienne. C’est donc au terme de cette discussion que Serigne Modou Kara Mbacké m’a dit : ‘’Viens gonfler les rangs du Pvd, je suis dans une dynamique de restructuration, je vais laisser le Pvd de manière un peu plus autonome et me concentrer sur mes activités de guide religieux parce que j’ai une envergure nationale et internationale. Je veux plus me concentrer sur ma mission de paix dans le monde.’’
Donc vous avez dissous votre parti dans le Pvd ?
J’ai fait plus que dissoudre mon parti dans le Pvd. Vous savez moi, quand je m’engage, je le fais entièrement et totalement. Je suis venu en tant que porte-parole. Mes bases, mes partisans, mes amis et tous les gens qui pensent de la même manière que moi m’ont rejoint sur le champ, d’autres sont encore en négociation pour savoir, parce que nous sommes en politique, dans quelles conditions nous allons aller ensemble.
Quelle est aujourd’hui votre feuille de route en tant que nouveau porte-parole du Pvd ?
Notre objectif premier, c’est d’abord de restructurer le Pvd autour de gens qui sont déjà là, je veux parler des membres fondateurs, des militants et des anciens de la première heure. Mais également des nouveaux adhérents essentiellement issus de la société civile. Déjà, nous avons créé le Comité d’initiative des cadres du Pvd qui est une nouvelle structure qui regroupe l’éminence grise du parti avec des membres comme Jérôme Diouf qui est catholique, et plein d’autres personnes qui constituent une sorte d’éminence grise, qui vont réfléchir en fonction de leurs compétences, sur des problèmes de la société. Faire des propositions aussi bien à l’opposition qu’au gouvernement en place, renforcer le Pvd, réveiller toutes ses bases et lui donner surtout une nouvelle communication.
On a comme l’impression qu’au Pvd, l’on a du mal à séparer la politique du Mouridisme…
Serigne Modou Kara Mbacké est un Mouride. Il est descendant de Serigne Touba. Il ne peut pas refaire l’histoire, c’est un militant du Mouridisme et tout le monde le sait. C’est aussi un militant de la cohésion sociale. C’est le premier marabout qui est allé nettoyer des cimetières catholiques, qui a dédié une nuit de prières à Jésus. Au-delà de cette casquette d’homme publique, je ne dirais pas religieux, Serigne Modou Kara a également une casquette politique. Il est chef de parti et est à l’initiative du Pvd. Mais je pense que dans ce nouveau Pvd, il y aura des réflexions politiques, des analyses politiques, des actions et des offres politiques. Ce ne sera plus un parti où il y a la mainmise des idées de talibé ou de partisan sans logique.
Récemment, Serigne Modou Kara Mbacké a été élevé au rang d’ambassadeur de la paix par le chef de l’Etat. Y-a-t-il aujourd’hui une alliance politique entre les deux hommes ?
Le problème au Sénégal, c’est que dès que quelqu’un est reçu par le président de la République, on pense qu’il a soit adhéré dans la mouvance présidentielle, soit noué une alliance politique. Serigne Modou Kara Mbacké est une personnalité publique. Donc c’est parfaitement normal et logique qu’il soit reçu par le président de la République. Mais il n’y a pas d’alliance entre le Pvd et l’Alliance pour la République (Apr). Il y a simplement une relation entre Serigne Modou Kara Mbacké et Macky Sall qui date d’avant l’avènement de la deuxième alternance, comme il a eu des relations avec les autres chefs de partis et les ex-chefs d’Etat. Tout dernièrement, il a eu le titre d’ambassadeur de la paix mais il l’a été dans le passé. En réalité, le président Macky Sall a juste validé un titre que Serigne Modou Kara avait déjà.
Comment comptez-vous participer aux prochaines joutes électorales ?
La vie d’un parti politique est ponctuée d’évènements marquants dont les élections. Mais pour l’instant, notre objectif premier, c’est d’achever la restructuration, redynamiser le parti et œuvrer pour une meilleure visibilité, que ce soit au niveau national ou international. Nous avons une démarche de développement. Nous sommes plus du côté de la vérité que du côté du pouvoir ou de l’opposition. Au Sénégal, les gens ont tendance à penser qu’un parti est forcément de l’opposition ou du pouvoir alors qu’on peut participer à la vie politique sans forcément être des deux côtés. On pense qu’être du pouvoir, c’est applaudir à tout bout de champ sur tout ce que le président de la République fait, que ce soit bien ou mauvais. On pense qu’être de l’opposition, c’est dire que tout ce que le président fait est mauvais. Cela n’est pas la position du Pvd. Pour l’instant, nous nous limitons à la restructuration et à la redynamisation du parti. Le moment venu, nous allons décider en bureau politique des prochaines orientations du parti.
Est-ce que le Pvd n’est pas aujourd’hui dans une dynamique de soutenir la candidature du président Macky Sall ?
Chaque chose a son temps. Pour l’instant, nous n’en sommes pas encore là.
Comment appréciez-vous la récente sortie des jeunes marabouts Mbacké Mbacké ?
Moi je considère que ce n’est pas une sortie de jeunes marabouts Mbacké Mbacké. C’est une sortie de jeunes citoyens sénégalais qui ont librement choisi d’être des hommes politiques. Je l’analyse simplement comme une sortie de jeunes politiciens dont le nom de famille est Mbacké.
N’avez-vous pas l’impression qu’à travers cette sortie, ils ont défié l’autorité du Khalife général des Mourides qui les avait pourtant exhortés à retourner aux champs ?
Ce n’est pas parce qu’on est Mbacké Mbacké qu’on va forcément aller au champ ou qu’on est forcément marabout. Etre descendant de marabout ne fait pas de vous un marabout. Si vous avez fait l’option d’être étudiant, c’est pour avoir une pensé intellectuelle et l’exprimer. Si vous avez fait l’option d’être marabout, vous allez avoir des champs et avoir des daara.
Quand Serigne Assane Mbacké demande la réouverture des écoles françaises à Touba, ne pensez-vous pas qu’il sape l’autorité du Khalife ?
Ce que je retiens, c’est que ces écoles avaient été fermées par Serigne Saliou Mbacké. Et je ne comprends pas, par respect pour la mémoire de Serigne Saliou Mbacké, qu’un petit-fils de Serigne Touba demande la réouverture de ces écoles. Je ne comprends pas, je ne connais pas leurs motivations. Mais je pense que pour la mémoire de Serigne Saliou Mbacké, il est indécent de demander la réouverture de ces écoles à Touba.
Comment appréciez-vous la situation du pays ?
Je l’apprécie comme tout le monde. Le pays pourrait aller beaucoup mieux. Ça ne marche toujours pas et j’ai comme l’impression qu’on a du mal à trouver la bonne formule. On bricole mais ça ne marche toujours pas.
Quelle est l’offre du Pvd pour sortir le pays de sa situation actuelle ?
Nous sommes en train de travailler sur des pistes et des modèles de développement que nous proposerons aux Sénégalais. Nous n’allons pas attendre les élections pour dire voici notre programme. Nous ne sommes pas un parti élitiste. Nous devons aider et participer à l’effort de développement à travers la réflexion. Les nouveaux cadres qui ont intégré le parti sont en train de travailler par domaine de compétence et proposeront leurs visions qui seront la vision globale du Pvd.