Kégné Kégné Bato manque de tout. Et pourtant, la zone regorge d’énormes potentialités halieutiques, horticoles et agricoles. Elles pourraient sortir la localité de sa torpeur économique mais le village, créé vers les années 1960, est laissé pour compte. D’où le cri de détresse de ses habitants.
Reportage
Situé en bordure du fleuve Casamance, le village de Kégné Kégné Bato, dans la commune de Saré Yoba Diéga, n’est distant que de 29 km de Kolda, sa capitale régionale. Et pourtant, on s’y croirait au bout du monde. Malang Kidiéra, chef du village, est celui qui explique le mieux la situation. « Nous sommes confrontés à un manque d’eau potable, de routes praticables. Il n’y a pas d’écoles, ni d’électricité, encore moins de case de santé. Cette contrée est laissée à elle-même », regrette-t-il.
A partir de la commune de Saré Yoba Diéga, il faut emprunter une piste latéritique pour aboutir au dit village. L’emprunter constitue un véritable parcours du combattant, surtout en cette période de pluies. Sur ce trajet, le visiteur peut avoir un aperçu de la végétation dense. Dans cette zone paisible, peuplée de Mandingues et de Manjaques, les principales activités sont la pêche, l’agriculture, le maraîchage et la riziculture. Tout ce que les populations demandent, c’est d’articuler ces différentes possibilités. C’est pourquoi elles regrettent que les élus locaux, les ONG et l’Etat n’aient pas jeté leur dévolu sur cette localité, afin de la sortir de sa torpeur économique.
Manque d’eau potable
Tout est prioritaire à Kégné Kégné Bato. Les habitants ont soif et n’ont pas où étancher leur soif. L’unique puits est gagné, en ce moment même, par les eaux de pluies. Bien que l’eau soit devenue impropre à la consommation, les habitants continuent à l’utiliser, du fait qu’elles n’ont pas le choix. « Cette pénurie d’eau est un coup dur pour les habitants », regrette Liguel Fadéra, habitante du village. La recherche d’eau potable est devenue la seule activité quotidienne des femmes qui, abandonnées à elles-mêmes, ne savent plus à quel saint se vouer. « Le village ne bénéficie d’aucun forage. Nous utilisons l’eau du puits. D’ailleurs, en cette période, l’eau du puits se confond avec l’eau des pluies. Nous l’utilisons avec les risques de maladies que cela comporte », soutient Mara Faty, habitant du village, trouvé au bord du puits.
Selon Sourouwa Diassy, présidente du groupement des femmes du village, le village dispose d’un robinet qui est toujours en panne. « Voilà plus de six mois qu’il ne fonctionne pas. Et nous n’avons pas les moyens de le réparer », regrette-t-elle.
Manque d’électricité
A la tombée de la nuit, les populations de ce village situé en pleine forêt sont dans le noir. Avec les hautes herbes de cette période de l’année, il est quasiment impossible de se mouvoir. « Cette zone est une mine d’insécurité », souligne Yéro Faty. Il fait référence « à la recrudescence des attaques à main armée, des vols de bétail et des affrontements entre les éléments supposés appartenir au MFDC et l’armée ». D’ailleurs, les habitants attendent toujours du maire qu’il tienne sa promesse d’électrifier Kégné Kégné Bato, afin de sécuriser les populations et leurs biens et d’améliorer leur qualité de vie. « Nous continuons de réclamer de l’électricité au maire, parce que nos enfants ont besoin de se connecter, de faire des recherches sur internet pour augmenter leur savoir et apprendre. En dehors de cela, l’électricité nous permet aussi de suivre les informations à travers le monde, grâce à la télévision », souligne Malang Kidiéra, le chef du village.
Des routes impraticables
En plus, le village est privé de pistes de production. A cause de la texture du sol qui est farineux et sablonneux, cet isolement est un frein à l’écoulement des fortes productions et pose problème pendant les évacuations sanitaires. « Si elle est goudronnée, il y aura un boom économique extraordinaire, parce que c’est une zone qui présente des potentialités énormes. Malheureusement, les productions pourrissent et se détériorent ». De cette situation, ce sont les femmes qui paient le plus lourd tribut lors des accouchements.
« Nous avons des problèmes pour nous mouvoir. Notre village est presque une île. Le visiteur qui quitte Saré Yoba, Saré Walon ou encore Saré Mory doit obligatoirement traverser l’eau, avant de fouler le sol de Kégné Kégné Bato. L’Etat doit agir », explique le président de l’association des jeunes, Landing Diafoune.
A en croire les habitants, l’isolement est tout simplement cruel, car il dure des mois. L’eau bloque tout accès à ce village qui manque de tout. D’autant qu’il commence à pleuvoir fin mai et début juin. « Dès l’installation de l’hivernage, le village est coupé du reste pays », révèle Sékou Kidiéra. Les élèves du village poursuivent leurs études à l’école élémentaire et au CEM de Saré Yoba Diéga, puis à Kolda ou ailleurs, loin de leurs parents.
A cela s’ajoute un manque criard de structures sanitaires de base. Pas de case de santé. D’ailleurs, la jeunesse a purement et simplement déserté le village pour aller vers d’autres cieux plus cléments, à la recherche d’emplois.