Il existe encore d'importants goulots d'étranglement faits de barrages, de prélèvement de taxes indues, de faux frais et d'extorsions qui rallongent considérablement les délais pour atteindre les marchés et augmentent les prix des moutons. C’est la conviction d’Enda Cacid (Centre africain pour le commerce, l’intégration et le développement) qui a mené une enquête sur une partie du corridor Dakar-Bamako.
Des bêtes pas énormes, nombreuses mais pas forcément accessibles. Malgré un ravitaillement correct, et tardif, du marché en moutons, les prix restent assez élevés. Enda Cacid a mené sa petite enquête pour savoir de quoi il en retournait. Après une mission d'observation menée par cette structure du 15 au 19 septembre 2015, elle est venue à la conclusion que la cherté des bêtes est due à la survivance des tracasseries de toutes sortes malgré les mesures prises pour faciliter leur acheminement dans les principaux points de vente.
Enda Cacid a noté qu'en dépit des mesures gouvernementales destinées à supprimer les obstacles à la circulation des moutons et à lever les tracasseries sur les routes, il subsiste encore d'importants goulots d'étranglement faits de barrages, de prélèvement de taxes indues, de faux frais et d'extorsions qui rallongent considérablement les délais pour atteindre les marchés et augmentent les prix des moutons. L’étude réalisée sur une partie du corridor Dakar-Bamako estime que des tracasseries sont notées tout au long du trajet de Kidira à Dakar. Plus de 43 postes de contrôle sont notés entre Kidira et Diamniadio.
Selon un représentant d'un syndicat des transporteurs rencontré, ‘’l’enregistrement est gratuit au niveau de la police frontière, mais les chauffeurs déboursent toujours 1 000 francs. A partir de 21h à Tambacounda, à l’entrée comme à la sortie, l’agent demande 5 000 F au propriétaire des moutons et 2 000 F au chauffeur sinon le camion ne passe pas’’. Pour illustrer ses propos, il montre la photo de dix-huit moutons morts (valeur estimée à 900 000 F) dans un camion, sous l’effet de la chaleur, suite à son refus de payer les faux frais demandés. Ainsi donc, pour un faux frais de 7 000 F CFA, l’opérateur a perdu 900 000 F CFA. Le paiement d'une taxe d’enregistrement de 1 000 F CFA et parfois de 2 000 F CFA a été confirmé par tous les camionneurs interrogés.
Ces tracasseries en terre sénégalaise font suite à celles subies au Mali. La même situation y est notée, notamment entre Kayes et Diboli. Les commerçants mauritaniens qui ont transité par le Mali pour entrer au Sénégal ont rencontré les mêmes difficultés de circulation et supporté des surcoûts similaires. L'un d'entre eux, transportant 180 moutons à destination du Sénégal, a payé 100 000 F CFA rien que pour le camion et perdu 9 jours à rechercher l’autorisation de sortie du territoire malien. Les opérateurs mauritaniens affirment avoir déboursé entre 50 000 et 65 000 F Cfa malgré un document délivré par le Bureau d’Exportation Nationale du Mali, où il est bien notifié 5 000 F CFA comme montant de la taxe.
Des pratiques illégales qui vont à l’encontre des dispositions de la lettre circulaire du gouvernement sénégalais et des textes de la CEDEAO. Les besoins du Sénégal en moutons avoisinent les 700 mille têtes. Les statistiques d’Enda Cacid collectées dans la période du 08 août au 21 septembre indiquent 266 mille 972 moutons importés du Mali ; 1 776 camions transportant les moutons ; et 865 opérateurs économiques dont 511 Mauritaniens, 270 Maliens et 84 Sénégalais. Concernant les destinations des cargaisons à cette date, cette enquête a indiqué que Dakar a reçu 19,87% de ces importations contre 26,21% à Séwékhaye (site de Ngoundiane), et 26,12% à Kaolack. Mbirkilane 13,35%, Missirah4 27 % Sandiara 4,82%, Ziguinchor 3,32%, et Mbour 1,92% complètent cette répartition.
Avancées encourageantes
Avec la lettre circulaire n°027 83 PM/ CAB/CT.2ITA/PSS/kbm du 30 juillet 2015, le gouvernement avait pris d'importantes mesures pour garantir l'approvisionnement correct du marché sénégalais en moutons pour la fête de Tabaski. Des mesures qui portent notamment sur l’assouplissement du contrôle des camions transportant les moutons ; la réduction des postes de contrôle au strict minimum nécessaire ; l’exonération des droits et taxes ; et l’autorisation de présence à bord des camions ou de wagons de trois bergers chargés de la surveillance des animaux transportés. Elles s’appliquent au niveau des frontières, des axes de voyage, des zones d’attente et des points de vente de moutons, pour la période allant du 8 août au 8 octobre 2015.
L’étude d’Enda Cacid a été réalisée sur une partie du corridor Dakar-Bamako pour d’abord évaluer l'application de la décision du gouvernement du Sénégal visant à faciliter l'importation des moutons pour les besoins de la Tabaski, et ensuite, observer le respect des protocoles de la CEDEAO sur la libre circulation des marchandises et des personnes. Malgré ces manquements relevés par l’enquête, des efforts notoires sont enregistrés en termes de respect de la lettre circulaire, précise le communiqué. Un effort des corps de la Force publique pour adhérer à la volonté de rendre la fête accessible aux Sénégalais. Par exemple, la Douane de Kidira à confirmé s’être plié aux directives de la lettre circulaire en supprimant la TVA.
Ce qui a été confirmé par les opérateurs trouvés sur place. ‘’Nous exerçons simplement un contrôle de ciblage de moins de deux minutes sur certains camions pour nous assurer qu’à l’intérieur, il n’y a pas de produits frauduleux comme l’huile ou le gasoil’’, a confirmé le chef. La police informe qu’avant même la réception de la lettre circulaire, le Commissaire a briefé tous les éléments sur les enjeux de la Tabaski et a demandé de tout faire pour faciliter le passage des camions qui transportent les moutons en provenance du Mali. Au niveau de la poste frontière, le temps d’arrêt pour l’enregistrement est moins de deux minutes et souvent, moins d’une minute. Les collectivités locales participent aussi à l’effort. La mairie de Kidira, qui appliquait un droit de stationnement de 1 000 F CFA aux camionneurs, a levé cette taxe depuis la publication de la lettre circulaire.