Vingt quatre heures seulement ont suffi pour que la situation évolue vite au Burkina Faso et en défaveur du Général Gilbert Diendéré et de ses frères d’armes du Régiment de sécurité présidentielle (Rsp), auteurs du coup d’Etat du jeudi 17 septembre dernier. Hier, des colonnes de l’Armée burkinabè provenant de l’intérieur du pays ont convergé vers la capitale, Ouagadougou.
La ville était donc encerclée par plusieurs détachements venus de Dédougou, Bobo Dioulasso, Kaya et Fada N’Gourma, après que le chef d’Etat-major, le général Zagré, les a enjoints de faire mouvement vers Ouagadougou. Objectif : désarmer pacifiquement les soldats du Rsp à qui les chefs de corps des Forces armées nationales ont demandé de «déposer les armes».
Mais aux dernières nouvelles, les soldats loyalistes et les putschistes auraient discuté entre eux vers minuit. Travaillant à la préservation de la cohésion de l’Armée burkinabè, le Général Zagré veut éviter des affrontements armés dans la capitale, même si quelques tirs ont été entendus hier.
Auparavant, le Général Gilbert Diendéré, qui était introuvable hier soir, s’était rendu en fin d’après-midi chez le chef coutumier des Mossis, Moro Naba, où des centaines de personnes s’étaient rassemblées, pour crier leur hostilité aux putschistes. Au finish, Diendéré, devenu très impopulaire, a pu quitter discrètement les lieux, pour rentrer au camp. En début de soirée, à travers un communiqué, il déclarait avoir accepté «en signe d’apaisement», de libérer le Premier ministre du gouvernement de transition, Isaac Zida.
Projet d’accord de la Cedeao compromis
Aujourd’hui, les regards sont aussi tournés vers Abuja, la capitale nigériane où se tient un sommet extraordinaire des pays membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Un conclave des chefs d’Etat des pays membres de l’organisation sous-régionale qui doit examiner le projet d’accord proposé, ce dimanche à Ouagadougou, par les médiateurs Macky Sall (président en exercice de la Cedeao) et Thomas Yayi Boni (président en exercice de l’Union africaine). Un projet d’accord compromis, puisqu’étant dépassé par l’évolution rapide de la situation au Burkina Faso.
Kafando à la résidence de l’ambassadeur de France
Dans un tweet, l’ambassadeur de France au Burkina, Gilles Thibault, annonçait hier soir : «Je confirme, avec l’autorisation du Président Kafando, qu’il est bien à la résidence de France.» Se sentant menacé, d’après une source diplomatique, le Président Kafando avait demandé son exfiltration.
Interrogé en milieu de journée par Rfi, le Président de la Transition se disait «très réservé» sur cet accord auquel il déclare «ne pas avoir été associé». «Je peux vous dire simplement que, la veille, samedi, j’ai reçu la visite des deux médiateurs, c’est-à-dire le Président Macky Sall et le Président Yayi Boni qui sont venus me rendre visite. Nous en avons profité pour discuter de la situation. Après leur départ, je n’ai plus été recontacté», tient à préciser Michel Kafando. Qui poursuit en annonçant : «Ce n’est d’ailleurs que ce lundi matin (Ndlr : hier) que j’ai reçu une copie de ce projet d’accord proposé par les médiateurs de la Cedeao.»
A l’endroit de la jeunesse de son pays, il avertit : «Ce que je voudrais simplement dire c’est que la population et notamment les jeunes se rassurent, car en ce qui concerne l’avenir de ce pays -notamment après cette tragédie que nous avons connue- rien ne pourra se faire qui ne prendra en compte l’intérêt du Peuple burkinabè.»
Revers diplomatique
Telle que la situation se présentait dans la nuit d’hier au Burkina, la médiation de la Cedeao, conduite par le Président Macky Sall, était en train de connaître un cinglant revers. Il n’a pas fallu 24 heures pour que l’accord qui semblait acquis et acté, soit totalement remis en cause. La rue ouagalaise s’est jointe à la fronde menée par les populations des villes de l’intérieur, Bobo Dioulasso, Koudougou, Banfora et autres Yako, le village natal de Gilbert Diendéré, dont la maison familiale a été la proie d’un incendie volontaire, de la part des manifestants remontés contre l’action du Régiment de sécurité présidentielle (Rsp).
La tension est montée d’un cran quand les dirigeants de l’Armée régulière ont appelé les éléments du Rsp, commandés par Diendéré, à se rendre au camp Sangoulé Lamizana pour y déposer leurs armes et trouver refuge avec leurs familles. Mais le plus gros revers pour Macky Sall et Yayi Boni, a été la déclaration du Président de la Transition burkinabè, Michel Kafando, qui a affirmé n’avoir pris connaissance du projet d’accord proposé par la médiation, que dans la journée d’hier, et n’avoir rencontré les médiateurs qu’une seule fois durant leur séjour.
Dans des circonstances de ce genre, la question que tout le monde en vient à se poser est de savoir avec quels protagonistes Macky Sall a alors conduit les négociations ? C’est vrai que la Présidence du Sénégal a démenti le Président Kafando, mais le mal était fait et la crédibilité des négociations de Macky en a pris un coup. D’autant plus que Chérif Sy, le président du Cnt, le Parlement de Transition, n’avait jamais approuvé ledit accord. Facile à comprendre car, déjà, lors de son annonce avant-hier, le projet d’accord semblait avoir été écrit sous la dictée du général putschiste, dirigeant autoproclamé du Palais de Kosyam, mais qui ne contrôlait pas la rue. L’évolution de la situation a montré que les dirigeants de la sous-région qui ont mandaté Macky Sall, étaient, soit animés d’intentions inavouables de sauver la peau de ce général dont on dit qu’il est en très bons termes avec tous ces dirigeants de la sous-région et même au-delà, soit que ce dernier a totalement manipulé le médiateur en chef.
Quoi qu’il en soit, la diplomatie sénégalaise ne peut pas se bomber le torse de ce qui a été obtenu à Ouaga. Et l’on peut se poser la question de savoir quelle partie de l’accord le Sommet d’aujourd’hui à Abuja pourra sauver, si Diendéré venait à parvenir à survivre à la nuit d’hier. Le pataquès de Ouaga vient s’ajouter à la situation ridicule connu au hangar à pèlerins de l’aéroport Sédar Senghor, avec plus de 100 pèlerins privés de visa pour la Mecque, du fait de fonctionnaires incompétents. Il y a encore du chemin à faire pour redorer notre blason.