Le chef de l’Etat sénégalais, président en exercice de la Cedeao, est parvenu à imposer un accord aux différents protagonistes de la crise burkinabè. Un accord qui fait la part belle aux exigences de Diendéré et de son Rsp, et que plusieurs dirigeants de la Société civile rejetaient hier. Mais Macky Sall, qui va présenter le projet à ses pairs chefs d’Etat de la région, demain à Abuja, a voulu faire comprendre à tous que c’était le prix à payer pour la paix.
Le Général Gilbert Diendéré aura quitté le Palais présidentiel de Kosyam hier soir, à l’issue de ses discussions avec Macky Sall et Thomas Yayi Boni, et de l’accord finalisé au nom de la Cedeao. Pour autant, les choses au Burkina Faso, n’ont pas retrouvé le rythme qu’elles avaient avant le 17 septembre 2015. Bien sûr, le président de la Transition, Michel Kafando, a retrouvé son fauteuil et ses attributions, et les organes de ladite transition vont continuer à fonctionner. Mais le coup de force du Régiment de sécurité présidentielle (Rsp) a poussé les médiateurs de la Cedeao Macky Sall et Yayi Boni au nom de l’Union africaine à tenir compte de leurs revendications, malgré le bain de sang et la pagaille que ce corps d’armée aura causés.
Pour autant, dans l’ensemble, le projet d’accord sur lequel la majorité des différentes parties se sont mises d’accord, recoupe ce que Le Quotidien avait écrit dans son numéro 3789 du week-end dernier. Il s’agissait, outre la remise en selle du président de la Transition Michel Kafando, du retour dans le jeu électoral, des anciens proches collaborateurs de Blaise Compaoré, le chef de l’Etat déchu au mois d’octobre de l’année dernière, et dont une bonne partie milite au sein de l’ancien parti présidentiel, la Cdp. La date des élections a été repoussée, et la Transition prolongée de quelques mois, jusqu’au 22 novembre prochain.
Avant cette prochaine élection, et la prise de fonction du prochain Président, les médiateurs ont recommandé au Conseil national de transition (Cnt) de s’abstenir de légiférer sur le sort prochain du Rsp et de son chef, Gilbert Diendéré. Cela revient à accorder à ces putschistes une amnistie de fait et de droit, qui ne pourrait être levée que par les prochaines autorités légitimes du pays. Cette amnistie devrait d’ailleurs être actée au plus tard à la fin du mois de septembre. Cette partie du projet d’accord révolte les organisations de la Société civile, membres ou non du Cnt. Ces derniers, comme plusieurs observateurs, ont estimé qu’il n’était pas acceptable de laisser impunie la mort de 18 personnes abattues par le Rsp durant les 3 jours de violence, ou les exactions commises par les soldats de l’ancienne garde présidentielle. Mais, en prélude à la lecture du projet d’accord, Macky Sall avait donné le ton en demandant aux acteurs burkinabè de faire montre d’esprit «de pardon et de réconciliation pour préserver la paix».
En l’état actuel des choses, alors que Macky Sall a retrouvé Dakar hier dans la soirée et s’apprête à se rendre demain à Abuja, pour un sommet extraordinaire de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) censé entériner le projet d’accord et en assurer la mise en œuvre, on peut déclarer sans trop de crainte de se tromper, que le plus gros perdant de l’affaire est le Premier ministre Isaac Yacouba Zida. D’abord, alors que tous les prisonniers devaient être libérés, lui était encore en détention hier soir. Néanmoins, Macky Sall avait tenu à s’assurer de son intégrité physique et de sa sécurité. Et le chef de l’Etat sénégalais avait veillé à informer le Premier ministre sortant de la teneur de l’accord.
Malgré tout, M. Zida ne faisait plus partie du schéma, étant écarté d’office en tant que militaire. Or, vu la nature de ses relations avec Diendéré et ses anciens compagnons d’armes, on pouvait quasiment assurer qu’il ne pouvait plus être en odeur de sainteté auprès du Rsp. D’où des questions légitimes sur un avenir qui, dans son cas, se dessine assez sombrement.