Les médiateurs africains Macky Sall et Yayi Boni ont entamé hier des négociations de longue haleine pour convaincre tous les protagonistes de la crise burkinabè de faire des compromis pour trouver une solution qui sauve l’essentiel. Si rien ne s’était encore définitivement dessiné hier dans la soirée, Le Quotidien a néanmoins pu voir les éléments de solution vers lesquels tous semblaient converger.
On ne saura jamais ce que visait le général Gilbert Diendéré, en décidant de mettre fin de manière brutale à la transition entamée par son pays depuis le mois de novembre de l’année dernière. L’homme est secret et peu causant, comme son mentor Blaise Compaoré. Toutefois, à l’un comme à l’autre, tout le monde reconnait une très bonne lecture de la géopolitique de leur pays et de la sous-région. Et Gilbert Diendéré devait savoir que son coup de force n’allait pas passer. Donc, comme le soupçonnent certains analystes, il devait viser un minimum, quitte à faire croire que c’est le pouvoir qu’il visait. Et le minimum possible, Diendéré est en passe de l’obtenir.
Toute la journée d’hier, dès l’arrivée des présidents Thomas Yayi Boni du Bénin et Macky Sall du Sénégal, par ailleurs président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), des négociations serrées se sont poursuivies, avec des médiateurs faisant la navette entre les différents protagonistes. Le tout, sur un fond d’insécurité profonde dans la capitale Ouagadougou et dans certaines villes. En effet, si les éléments du Régiment de sécurité présidentielle (Rsp) se faisaient visibles dans certaines artères sensibles de la ville, pour montrer que ce corps d’armée contrôlait la situation, tout le monde savait que la situation était très volatile. Déjà, dans plusieurs villes de l’intérieur, des mouvements de révolte se faisaient jour, avec parfois des rapprochements entre des éléments des autres corps d’armée et la population. A Ouagadougou même, des barricades s’élevaient parfois dans plusieurs coins, pour réduire la mobilité des éléments du Rsp qui prétendaient contrôler la ville. Et la mise à l’écart des autres corps de l’Armée, qui n’avaient pas montré un appui franc envers le coup d’Etat, ne présageait rien de bon à long terme. Face à tous ces éléments, Gilbert Diendéré et ses hommes ont entendu les propositions des deux chefs de l’Etat, et fait les leurs. Si rien de définitif n’était encore sorti des pourparlers ; l’entourage des dirigeants venus en médiation était optimiste. Il se disait même hier, dans l’entourage du chef de l’Etat sénégalais, que Macky Sall et Yayi Boni ne se voyaient pas quitter le pays des hommes intègres sans un accord en bonne et due forme, approuvé par toutes les parties. Selon les proches médiateurs africains, «tous les protagonistes burkinabè savent qu’ils doivent mettre de l’eau dans leur vin, car il ne pourrait y avoir un seul vainqueur dans cette histoire». En effet, les mouvements citoyens et les membres de la société civile, malgré toute leur légitimité, n’avaient pas la force pour imposer leur point de vue.
Et, comme dit plus haut, Diendéré et ses hommes n’avaient reçu aucun soutien sincère et franc en dehors du Cdp, le parti de Blaise Compaoré, pour conforter leur action. Et la mise au ban de l’Union africaine qui venait d’être décidée, ajoutait une pression supplémentaire sur les putschistes. Si en effet, l’Uemoa et la Cedeao décidaient de prendre des sanctions contre les militaires, alors que le pays est déjà paralysé par une grève générale décrétée par les syndicats, au moment où les caisses de l’Etat sont si vides que l’on se demande si les salaires de ce mois pourraient être payés, toutes les mitrailleuses du Burkina ne pourraient pas garantir le pouvoir au Rsp, avec ou sans Diendéré.
Rétablissement de la légalité constitutionnelle
Il s’agissait donc, dans la journée d’hier, et probablement ce matin, de mettre au point un scénario de sortie de crise. Et parmi les hypothèses les plus probables, il y avait d’abord, le rétablissement de la légalité constitutionnelle, avec la remise en selle du Président Kafando et de son gouvernement, dirigé par Isaac Yacouba Zida. Soit dit en passant, ce dernier semble focaliser une forte haine de la part de ses anciens compagnos d’armes du Rsp, qui ne sont pas loin de le considérer comme un traître, et l’un des responsables de la situation actuelle.
Ensuite, il faudra s’attendre à ce que le processus électoral soit repoussé, et que l’on cherche à réintégrer les anciens partisans de Blaise Compaoré dans le jeu électoral. C’est dans ce sens qu’il faudrait comprendre l’audience qui avait été accordé aux membres de la Commission de réforme du processus électoral par les médiateurs. Le Président Macky Sall et certains de ses pairs de la sous-région, n’ont jamais caché leur déplaisir de voir certains ténors du camp de Compaoré écartés du jeu politique par les dirigeants de la Transition. Leur retour, dont d’ailleurs Diendéré s’est servi comme prétexte, sera certainement l’un des plus importants points de négociation. Cela aura pour conséquence, bien entendu, de prolonger la Transition, et donc, de repousser les dates des élections présidentielle et législatives.
Avenir de Diendéré
Du fait de l’animosité qu’il suscite, il ne faudrait pas s’étonner que Isaac Yacouba Zida ne restât pas longtemps à la tête du gouvernement, mais il serait peu probable que ce fut un autre militaire qui le remplace. On s’acheminerait plutôt vers la composition, vers la fin de l’année, d’un gouvernement uniquement composé de civils.
Et si un accord était trouvé sur tous ces points, qui seraient garantis par la communauté internationale, la question serait de savoir alors ce qu’il faudrait faire des putschistes. Le sort du Rsp ne sera probablement pas réglé avant l’élection du prochain président de la République. “Les autorités de la transition n’ont pas assez de légitimité » ni de temps pour trancher cette question. Néanmoins, le sort du Putschiste en chef, l’Ombre de Blaise, Gilbert Diendéré, lui ne pourrait plus attendre.
Tant qu’il restera à Ouagadougou, ou ailleurs dans le pays, cet homme ferait peser une menace sur les autorités de la transition. Il est plus probable que des dirigeants de la sous-région ne lui offrent un exil doré dans l’une des capitales des pays environnants, le temps pour lui de se faire oublier un tout petit peu…
Sanctions de l’Union africaine
Les putschistes interdits de voyage et leurs avoirs gelés
L’Union africaine a annoncé vendredi 18 septembre la suspension du Burkina Faso de ses instances après le coup d’Etat opéré mercredi par les hommes du général Gilbert Diendéré. L’institution a également prononcé des sanctions à l’encontre des instigateurs du coup d’Etat militaire qui a donné un coup d’arrêt aux élections présidentielle et législatives prévues le 11 octobre. Ils sont interdits de voyage et leurs avoirs à l’étranger sont gelés.