Pour sa déposition, le juge d’instruction belge à l’origine du mandat d’arrêt international contre Hissein Habré en 2005, Daniel Fransen, était à la barre de la Chambre africaine extraordinaire d’assises, hier jeudi 17 septembre. Rapportant des témoignages de supposées victimes, il a fait état d’indices qui chargent Hissein Habré.
Dans sa déposition à la barre, le juge belge à l’origine du mandat d’arrêt international contre Hissein Habré en 2005, Daniel Fransein, à l’image du rapport de la Commission d’enquête sur les détournements et crimes d’Hissein Habré, a rapporté des témoignages qui attesteraient l’implication d’Hissein Habré dans les crimes commis au Tchad pendant son magistère. Le témoin, restituant les propos d’une victime, a soutenu qu’Hissein Habré se présentait souvent à la Direction de la documentation et de la sécurité (Dds) pour interroger des détenus. Daniel Fransein indique, par ailleurs, que des expertises de médecins légistes faites sur des témoins ont confirmé l’usage de techniques «tortionnaires» telles que «l’arbatachar».
Toujours selon Daniel Fransein, les plaintes déposées en Belgique visaient plus Hissein Habré que d’autres autorités de son régime. Répondant aux questions de l’avocate des victimes, Jacqueline Moudeina, le juge d’instruction a estimé que les tortures, la mauvaise alimentation, le manque de soins étaient à l’origine des nombreux décès des détenus.
D’autre part, affirme Daniel Fransen, Hissein Habré était souvent avec ses hommes dans les lieux de combats en période de guerre. Evoquant sa visite à Ndjamena, suite aux dépôts de plaintes en Belgique, Daniel Fransen a qualifié de «nombreux» les centres de détention érigés au Tchad pendant le règne d’Hissein Habré. Par rapport toujours aux témoignages des victimes évoqués par le juge belge, l’ancien président tchadien dirigeait souvent les tortures. A l’origine du mandat d’arrêt international lancé contre Hissein Habré en 2005, Daniel Fransein a estimé avoir eu des indices suffisants contre Hissein Habré. Mieux, trouve-t-il, il n’est pas le premier juge à avoir retenu une charge contre Hissein Habré.
Assurant la défense d’Hissein Habré, les avocats commis d’office se sont mis à récuser les témoignages tenant Hissein Habré pour responsable des sévices supposés commis par les agents de la Dds. Abdou Gningue a évoqué l’audition de l’ancien coordonateur de la Dds, Mahamtat Djibrine dit El Djonto disant qu’il a été affecté a ce centre de détention par un détachement du ministre de l’Intérieur.
S’adressant au juge belge Daniel Fransen, Me Mbaye Sène a demandé si, à défaut d’une expertise médicale, les témoignages d’un supposé ancien prisonnier peuvent prouver que des restes humains trouvés dans un cimentière étaient ceux d’anciens détenus politiques. Selon Mbaye Sène, le fait que le témoin trouve impressionnant le nombre de centres de détention à Ndjamena est injustifié car des pays européens comme la Suisse en ont plus.
Mounir Ballal, quant à lui, s’est intéressé à l’absence de médecin légiste dans l’équipe du juge belge partie au Tchad pour la commission rogatoire. Cette absence est due, répond Daniel Fransen, au fait qu’un médecin légiste n’était pas nécessaire surtout qu’il fallait au préalable exhumer les corps. Revenant sur la visite du juge belge au Tchad, l’avocat commis d’office a voulu avoir plus d’information sur leur passage à la Direction de la documentation et de la sécurité.
Pour rappel, des poursuites contre Hissein Habré ont été engagées en Belgique, en application de la loi dite de compétence universelle. Ainsi un mandat d’arrêt international, assorti d’une demande d’arrestation immédiate, délivré par la justice belge le 19 septembre 2005, est transmis aux autorités sénégalaises. Hissein Habré est arrêté le 15 novembre et placé en garde à vue. Il est libéré quelques jours après, la justice sénégalaise s’étant déclarée incompétente pour le juger. L’affaire est ainsi portée à l’Union africaine qui, avec le Sénégal, décide de la création des Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises chargées de connaitre des allégations de crimes commis au Tchad sous le règne d’Hissein Habré.
AUDITION DES TEMOINS DU PROCES D’HISSEIN HABRE : Le chamboulement du calendrier fâche la défense
Les changements dans l’ordre de passage des témoins du procès d’Hissein Habré ne plaisent pas aux avocats commis d’office. Hier, jeudi 17 septembre à l’interrogatoire du juge belge et auteur du mandat d’arrêt international contre Hissein Habré en 2005 Daniel Fransen, Me Abdou Gningue a interpellé le président de la Chambre africaine d’assises, Gberdao Gustave Kam sur les motifs de la non comparution de l’ex-agent de la Direction de la documentation et de la sécurité (Dds), Bandjim Bandoum. Gberdao Gustave Kam de répondre que l’ancien agent de la Dds n’a pu regagner Dakar à temps faute d’un visa d’entrée au Sénégal.
Et Mounir Ballal de demander ainsi au président de la Chambre africaine extraordinaire d’assise de rappeler à chaque fin d’audience, le prochain témoin appelé à comparaitre. Une requête approuvée par le juge Gberdao Gustave Kam qui annonce par ailleurs que Bandjim Bandoum est arrivé dans la capitale sénégalaise. Cependant à la fin de l’audience, après que le Procureur général a notifié aux différentes parties que le témoin de ce jour, vendredi 18 septembre, est l’analyste sur le taux de mortalité dans les centres de détentions, Patrick Ball, Mounir Ballal s’est insurgé de nouveau contre les changements de calendrier qui repoussent le passage de l’ancien agent à la Dds, Bandjim Bandoum.
Le Procureur général, Mbacké Fall, a rappelé ainsi que le calendrier des audiences est prévisionnel et souvent les modifications sont dues à l’arrivée tardive des témoins dans la capitale sénégalaise. Pour rappel, l’ancien agent de la Dds, Bandjim Bandoum fait parti de la liste des témoins retenus dans le procès de l’ancien président tchadien, Hissein Habré. Actuellement, il vie en France. La Dds est parmi les centres de détention les plus incriminés dans les exactions supposés commis par le régime d’Hissein Habré. Plusieurs témoins ont rapporté avoir été victimes de sévices dans ce lieu.