Chacun des sept centres de détention mis en place par l’ex-président tchadien faisait en moyenne cinq morts par jour, a déclaré, mardi, à Dakar, le président de la "Commission nationale d’enquête sur les crimes et détournements reprochés à Hissène Habré" au Tchad, Mahamat Hassan Abakar.
"A Ndjamena, il y avait sept centres de détention, d’après les témoignages. On avait cinq morts par jour et par centre de détention", a-t-il affirmé devant le tribunal jugeant l’ex-président tchadien pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de torture.
"Mais, on s’est dit que cela était exagéré. On a calculé avec 13 morts par jour, pour l’ensemble des centres de détention. Cela faisait, pour toute la durée du régime de Hissène Habré, 37.960 victimes. On a arrondi à 40 mille victimes, en tenant compte des morts survenues en province", a expliqué M. Abakar, ancien magistrat devenu avocat.
"D’après la documentation trouvée sur place, il y avait 122 morts tous les sept jours, du 22 mars au 1er mai 1986", a-t-il ajouté, en parlant de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), considérée comme la "Police politique" du régime de Hissène Habré.
Mahamat Hassan Abakar rapporte, au deuxième jour de sa déposition devant le tribunal, que "lorsque la DDS arrêtait une personne, elle expulsait en même temps sa famille et pillait tous ses biens, avant que les militaires viennent occuper sa maison".
La "Commission nationale d’enquête sur les crimes et détournements reprochés à Hissène Habré" s’est aussi intéressée aux relations qu’entretenait l’ex-président avec les dirigeants de certaines grandes puissances.
"Les Etats-Unis ne pouvaient ignorer ce qui se passait au Tchad. Le siège de la DDS était en face de celui de l’USAID (Agence des Etats-Unis d’Amérique pour le développement international), pendant le magistère de Habré. Les Etats-Unis devaient être au courant de ce qui s’y passait. Un pick-up faisait des va-et-vient, pendant toute la journée, pour transporter les morts", a soutenu Mahamat Hassan Abakar.
Il déclare que le régime de M. Habré "a été soutenu (…) par Ronald Reagan (le président américain de l’époque, Ndlr)".
"D’autres pays, dont la France, l’Egypte et l’Irak, soutenaient également Habré et participaient à la formation des agents de la DDS", a ajouté M. Abakar, ancien premier substitut du procureur de Ndjamena, qui dit avoir démissionné de la commission, à la fin des enquêtes, pour ouvrir un cabinet d’avocat.