Après l’accalmie notée au début de l’hivernage, les inondations sont revenues de plus belle dans la banlieue dakaroise. Les populations qui vivent cette situation depuis 2005 sont très remontées contre les pouvoirs publics. Ils accusent ces derniers de non-assistance à des personnes en danger.
Depuis quelques jours, de fortes pluies s’abattent sur Dakar, avec leur cohorte de désagréments. En effet, la banlieue a renoué avec les inondations. Une grande partie des villes de Pikine et de Guédiawaye sont sous les eaux. Les communes de Thiaroye sur mer, Tivaouane Diack Sao, Diack Sao et Diamaguène ne font pas exception. Les habitants de ces localités ont fait l’actualité, ces derniers jours, en barrant la route nationale n°1 pour manifester leur colère, après les fortes précipitations tombées sur Dakar.
Samedi encore, les eaux stagnantes constituaient le décor, dans ces localités précitées. D’ailleurs, compliqué de trouver un chemin pour circuler dans ces rues et ruelles. L’essentiel des routes sont impraticables. Par endroit, des briques alignées au milieu des eaux noirâtres servent de point de passage. De cette boue se dégage une odeur nauséabonde. Au milieu de ce chaos, seules les charrettes tirent leur épingle du jeu. Ainsi, elles se sont substituées aux moyens traditionnels de locomotion, pour rallier certains quartiers.
17 heures à Tivaouane Diack Sao, chez un délégué de quartier. Dans cette maison remplie d’eau, le drapeau national flotte au milieu de la cour. Pour rejoindre les pièces qui se trouvent à une quinzaine de mètres de la porte d’entrée, il faut passer par des briques superposées qui servent de passerelle. Ici, les coupables ou responsables du calvaire des populations sont vite identifiés : l’Etat et les autorités municipales. Dans cette localité coincée entre l’autoroute à péage et la nationale 1, les habitants sont très remontés contre eux.
Dans son salon, Aliou Sow, le délégué du quartier, est devant son poste téléviseur écran plat. Il en veut aux autorités municipales et l’Etat central qu’il accuse de garder un silence coupable face à leur situation. « Nous sommes face à une situation très difficile. Nous n’avons pas l’appui des autorités municipales, ni celui du gouvernement. Nous utilisons nos propres moyens pour évacuer les eaux », informe Sow. Depuis le début des inondations, l’ombre du maire de la localité n’a été vue. Son téléphone sonne dans le vide. Les populations se sentent laissées à elles-mêmes. L’arrivée d’un journaliste leur permet de laisser éclater leur colère et mécontentement.
‘’…300 motopompes achetées par l’Etat ! On n’a rien vu’’
La banlieue est aujourd’hui le symbole de toutes les misères du pays. Habitée en majorité par des populations qui joignent difficilement les deux bouts, les inondations viennent augmenter les charges. Certains chefs de famille, au lieu d’aller chercher la dépense quotidienne, sont obligés de rester dans les maisons pour évacuer les eaux. Teint clair et de taille moyenne, le frère du délégué de quartier est très virulent contre les gouvernants. Cheikh Tidiane Sow ne comprend pas qu’on soit au 21ème siècle et qu’on vive cette « humiliation ». Selon lui, les autorités publiques considèrent la banlieue comme une poubelle, ce qui est loin d’être le cas. « Il faut qu’on arrête ce cinéma. On nous parle de 300 motopompes achetées par l’Etat. On n’a rien vu. Nous évacuons l’eau avec des seaux. C’est inacceptable ! », se révolte Sow. Il explique que les quelques machines qui sont là sont l’œuvre des bonnes volontés qui les ont mises à leur disposition. Pour le carburant, ils se cotisent pour l’acheter. Cette localité se dit oubliée dans le programme de lutte contre les inondations entrepris par le régime en place. « Où sont les 70 milliards que l’Etat dit avoir consacrer à ce problème ? » s’interroge notre interlocuteur.
Entre les odeurs nauséabondes, l’insalubrité et les moustiques, les habitants sont exposés aux maladies. Malgré ce triste décor, les rues et ruelles remplies d’eau sont pleines de monde, en cet après-midi. Des enfants insouciants jouent à proximité, parfois même dans les eaux insalubres. Chez la famille Sadio, la situation est alarmante. Le niveau de l’eau dépasse 50 centimètres de hauteur. La première chose qui vient à l’esprit est de se demander : comment on peut vivre dans une telle maison ? Pourtant les Sadio continuent d’occuper leur domicile. Dans la cour, on aperçoit sous les eaux les briques qui faisaient office de pont entre le portail et le bâtiment. Le chef de la famille Bourama Sadio est très révolté contre l’édile de sa commune. «Ça fait deux semaines que cette eau est là. Quand on appelle le maire Fatou Bintou Ndiaye, elle ne répond jamais », explique-t-il, le visage crispé. Notre interlocuteur d’ajouter : « Je suis même malade, à cause de cette évacuation de l’eau. »
L’Apix pointée du doigt
La situation est partout identique. Certaines victimes veulent attendre les prochaines échéances électorales pour sanctionner ceux qui sont actuellement au pouvoir. Dans cette perspective, les autorités municipales semblent être les premières cibles. « Si Macky Sall obtient un second mandat, ça me surprendra », lance un vieux, très en colère devant sa maison remplie d’eau. Son voisin Ibrahima Coundoul accuse lui l’Apix d’être en partie responsable de leur malheur. En effet, il pointe du doigt le bassin créé, lors de la construction de l’autoroute à péage, à hauteur de leur quartier.
Selon lui, les responsables en charge de la construction de cette autoroute leur avaient promis que c’était un bassin provisoire, mais jusqu’à présent rien n’a été fait pour le fermer. « Toutes les eaux de pluie de Sips et de Dick Sao évacuées par l’autoroute à péage viennent dans le bassin. Quand il est plein, il se déverse dans nos habitations. La devanture de ma maison n’avait jamais été envahie par l’eau. Mais, depuis que le bassin est là, ma maison est inondée. Trop, c’est trop. Il faut qu’on barre l’autoroute à péage. Créer un scandale. Après, ils vont nous écouter », menace-t-il. En attendant une solution à leur problème, les populations de la banlieue continuent de vivre dans des conditions non enviables.