Le Président Macky Sall l’avait proposé, avant de «revenir» sur sa décision, en exprimant le désir de le voir «ressusciter». D’aucuns avaient interprété son geste comme une manœuvre visant à caser une clientèle politique. Des voix s’étaient élevées pour opposer leur veto. Si la proposition de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) est adoubée par le chef de l’Etat, les «contestataires» auront gain de cause et pourront dormir tranquillement. Dans son rapport soumis avant-hier à l’appréciation du chef de l’Etat, la Cnri propose le monocaméralisme. Ou, en termes plus basiques, la suppression du Sénat et le passage du Parlement bicaméral à celui monocaméral. En clair, la Cnri penche pour le maintien de la première Chambre qu’est l’Assemblée nationale et la dissolution pure et simple de la deuxième Chambre qu’est le Sénat. La proposition, qui doit d’abord recevoir l’onction du chef de l’Etat avant d’être adoptée, est appréciée diversement par les membres du parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (Apr) et de l’opposition, notamment le parti démocratique sénégalais. Si Pape Maël Thiam de l’Apr avoue se conformer à la décision de son chef de parti, Macky Sall, Babacar Gaye du Parti démocratique sénégalais n’émet pas sur la même longueur d’onde. Le responsable libéral défend : «J’ai vu qu’on propose au Président un système monocaméral. Par rapport à notre vision de la démocratie et de la participation des populations à l’exercice du pouvoir, une deuxième Chambre semble évidente. Le Sénat est une nécessité dans une démocratie dynamique pour permettre aux élus locaux et aux représentants de la société civile (secteur privé, sages etc.) d’être présents dans les instances de décision. Ces personnes pourront donner des avis techniques avisés et pertinents sur les politiques publiques. Je ne connais pas un pays ayant une démocratie moderne qui n’ait pas une Chambre Haute. La chambre Haute, comme c’est inscrit dans notre programme fondamental de 1976, est une instance moins politique que l’Assemblée nationale, la première Chambre, qui est constituée des représentants des partis politiques. Les membres du Sénat devraient jouer un rôle moins conflictuel et plus responsable que les représentants des partis politiques qui, en général, défendent des intérêts de camp. C’est cela l’avantage du Sénat. Si le Sénat doit servir à caser des responsables politiques, il perd tout son intérêt et je pense que le Sénégal gagnerait à avoir une Chambre Haute pour l’équilibre de nos institutions. Le Pds n’est pas pour la suppression du Sénat, parce que pour nous, c’est une question de valeur idéologique et ce sont des convictions fortes que nous avons exprimées depuis 1976.» Très «prudent» et soucieux d’accorder son violon à la mélodie du chef d’orchestre de l’Apr, Pape Maël Thiam confie : «Ma réaction est conforme à la vision du président de la République, qui est le président de l’Apr et qui a jugé, à un moment donné, par rapport à la conjoncture actuelle, de supprimer le Sénat. On ne gère pas un pays sur des dogmes qui ne tiennent pas compte de la dynamique des populations. Je prends acte de cette proposition. Néanmoins, il ne faudrait pas confiner le chef de l’Etat et vouloir le menotter sur des positions figées, au risque de réduire ses marges de manœuvre si d’aventure les circonstances exigeaient des décisions contraires.» Pour sa part, Mansour Sy Djamil, tête de file de «Bess du Nakk», n’a pas voulu s’épancher sur la question, arguant vouloir d’abord «s’approprier les propositions de la Cnri».