Le diplomate tchadien Jean Alingué Bawoyeu, appelé à témoigner devant le tribunal spécial jugeant l’ex-président Hissein Habré, a livré jeudi un témoignage à charge contre la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), qui est présumée avoir fait de nombreux morts au Tchad.
M. Bawoyeu a répondu aux questions des membres du tribunal chargé de juger M. Habré pour "crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de torture", des délits que l’ancien chef d’Etat aurait commis en dirigeant le Tchad de 1982 à 1990.
"La DDS a joué un rôle dans la répression, sous l’autorité de Habré. Pour moi, la DDS est un organe sécuritaire qui a joué le rôle qu’on a voulu" lui confier, a déclaré l’ambassadeur du Tchad aux Etats-Unis, de 1974 à 1976.
Le diplomate doublé d’homme politique, devenu opposant, puis allié de Hissein Habré de 1986 au départ de ce dernier du pouvoir, en décembre 1990, a concentré son témoignage sur la DDS, une "police politique" de sinistre réputation.
Il soutient que des membres de sa famille ont été victimes d’"exactions" commises par la DDS, qui était sous la tutelle de l’Etat tchadien. "J’ai deux parents qui ont été assassinés par la DDS lorsque j’étais en exil, parce que simplement ils étaient mes parents", a témoigné Jean Alingué Bawoyeu, ancien président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel du Tchad.
"C’est trop dire", a-t-il répondu au parquet du tribunal spécial jugeant Hissein Habré, lorsqu’il lui a été rappelé le rôle d’"homme du système Habré" qu’il aurait été.
"Tout le monde craignait la DDS, qui travaillait avec le président de la République. J’étais au courant de son existence, mais j’ignorais tout de son fonctionnement", a poursuivi M. Bawoyeu, qui est âgé maintenant de 78 ans.
Il a par ailleurs dit au tribunal que, le 30 novembre 1990, peu avant son départ précipité du pouvoir, Hissein Habré a reçu "près de 3,5 milliards de francs CFA du Trésor public" tchadien, en plus d’"autres prélèvements".
Jean Alingué Bawoyeu sera encore interrogé à la prochaine audience prévue vendredi, à 9h. Il va surtout répondre, cette fois-ci, aux questions des avocats de la défense.