Dakar, 10 sept 2015 (AFP) - Un ancien membre du gouvernement tchadien a décrit jeudi "un pouvoir absolu, tribal" sous le régime de Hissène Habré (1982-1990), devant le tribunal spécial africain qui juge le président déchu à Dakar.
Comme depuis l’ouverture des débats, le prévenu refuse de s’exprimer devant ce tribunal qu’il récuse, seuls ses trois avocats commis d’office, avec lesquels il refuse tout contact, tentant d’assurer sa défense.
"J’étais dans une prison à ciel ouvert parce que suivi par la DDS (Direction de la documentation et de la sécurité, police politique du régime, NDLR) partout. Tous mes mouvements, tous mes déplacements étaient enregistrés", a témoigné Faustin Facho Balaam, secrétaire d’État au Plan et à la Coopération de 1988 à 1990.
"En Conseil des ministres, les questions de fond n’étaient pas discutées. On ne contestait rien. Une fois que le président a dit +ça+, c’est +ça+", a expliqué M. Facho Balaam, membre d’une formation d’opposition, entré au gouvernement après l’accord de réconciliation signé à Bagdad en 1988 et
actuellement réfugié politique en France.
"Il y avait un mépris total des collaborateurs", a souligné l’ancien secrétaire d’État, se demandant si "Habré ne se considérait pas comme un demi-dieu. On avait affaire à un pouvoir absolu, tribal".
"On a tué dans tous les groupes ethniques. C’est une période terrifiante qui nous marque et qui marque encore les Tchadiens", a-t-il souligné.
Le procès devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), tribunal spécial créé en vertu d’un accord entre le Sénégal et l’Union africaine (UA), s’est ouvert le 20 juillet et a été ajourné de 45 jours dès le lendemain pour permettre aux avocats commis d’office pour assurer la défense de prendre
connaissance du dossier.
En détention depuis deux ans au Sénégal, où il a trouvé refuge en décembre 1990 après avoir été renversé par l’actuel président tchadien Idriss Deby Itno, il est poursuivi pour "crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture". S’il est reconnu coupable, il encourt jusqu’aux travaux
forcés à perpétuité.
La répression sous son régime a fait 40.000 morts, selon les estimations d’une commission d’enquête tchadienne.
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