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Refus de comparaître: Hissein Habré amené de force à la barre
Publié le mercredi 9 septembre 2015  |  Enquête Plus




Les 45 jours de suspension de son procès n’ont pas altéré la détermination de Hissein Habré à ne pas participer à son procès. Hier, le président des Chambres Africaines Extraordinaires (CAE) a dû demander qu’on l’amène de force pour sa comparution à la barre.



Suspendu depuis le 21 juillet dernier, le procès Hissein Habré a repris hier, sous l’œil vigilant des forces de l’ordre qui ont pris position très tôt le matin, au niveau du Palais de Justice de Dakar. En effet, à l’ouverture du procès, les avocats constitués par l’ancien président tchadien ne s’étaient pas présentés à la barre, sur demande de leur client. Ainsi, la Cour lui avait commis des avocats d’office pour sa défense et avait suspendu le procès pour 45 jours, afin de permettre aux robes noirs de s’imprégner du dossier.

Vu le contexte tendu dans lequel se déroule ce procès, hier, à l’intérieur de la salle 4 où se tient le procès de l’ancien chef d’Etat du Tchad, la vigilance était de mise. Les gendarmes ont pris possession des lieux, avant même 8h du matin. Les entrées étaient filtrées et les instructions claires. Pas d’enregistrement, ni de prise d’images pour les journalistes, sauf ceux de la télévision nationale (RTS).

C’est dans cette ambiance pesante que le président des Chambres africaines extraordinaires (CAE) Gberdao Gustave Kam, ses assesseurs et le parquet général dirigé par Mbacké Fall, ont fait leur apparition. Après la présentation des avocats des deux parties (11 pour les parties civiles et 3 pour la défense), le juge burkinabé, étonné de l’absence de Hissein Habré, a lancé au parquet général : ‘’M. le Procureur général, nous vous avions demandé l’extraction de l’inculpé, mais nous voyons que sa chaise est vide. Est-ce que vous pouvez nous donner quelques explications ?’’ Mbacké Fall de lui répondre : ‘’L’ordre a été délivré et il a été exécuté. L’accusé se trouve à la cave, on attend vos instructions pour le faire comparaître.’’ ‘’Donc faites-le entrer’’, a dit Gberdao Gustave Kam.

Mais à la grande surprise du Procureur général, le directeur de la prison du Cap Manuel lui a fait comprendre que l’accusé refusait de comparaître. Mbacké Fall en a informé à son tour le président de la Chambre. Après concertation avec ses assesseurs, le juge a pris l’initiative de demander l’avis des avocats. Ceux de la partie civile ont plaidé pour qu’on amène Habré par la force sans disproportion. ‘’Parce que force doit rester à la loi’’, a dit Me Assane Dioma Ndiaye. D’autres sont allés plus loin, en demandant qu’il comparaisse tout en ôtant son turban. Ils ont été suivis dans leur logique par le procureur général. Quant aux avocats de Habré, ils n’ont pas émis d’opinion, en s’en rapportant.

C’est ainsi que Gberdao Gustave Kam a commis l’huissier Me Malick Sèye Fall pour servir une sommation à comparaître ‘’immédiate’’ à Hissein Habré. Tout en précisant qui si ce dernier refuse de s’exécuter, il sera cueilli par la force. Ensuite, l’audience a été suspendue pour une vingtaine de minutes. Mais la reprise s’est faite une heure après, sans l’accusé qui a décidé de rester à la cave. Mais, c’était sans compter avec la détermination de la Chambre qui a tenu parole en donnant l’ordre aux gardes pénitentiaires de l’amener de force à la salle d’audience.

Après quelques minutes de silence de cathédrale, ce calme qui précède la tempête, Habré a fait une entrée fracassante. ‘’Laissez-moi, personne ne peut m’obliger’’, s’est-il mis à vociférer, solidement tenu par des gardes pénitentiaires. Furieux, ses partisans dont son fils et son neveu ont laissé éclater leur colère. ‘’Arrêtez cette mascarade’’, ont-il crié avec rage. L’un a même réussi à tromper la vigilance des gendarmes et s’est dirigé vers les juges. Il a été imité par quelques-uns de ses compatriotes. Mais ils ont très vite été maîtrisés à coup de matraque électrique. Contraint de s’asseoir, l’ex-Président tchadien a continué à se débattre. Le président Kam a tenté de le raisonner en lui disant : ‘’Que vous soyez consentant ou non, c’est nous qui devons vous juger. Vous connaissez l’adage : force reste à la loi.’’ L’inculpé qui conteste la légitimité des CAE, de lui lancer : ‘’Mercenaires ! Dégagez ! Un organisme hors-la-loi !’’ Pendant ce temps, ses partisans étaient déchaînés dans la salle, comme s’ils voulaient sauver Habré des griffes des forces de sécurité. Sans succès, la plupart d’entre eux ont été évacués de la salle.

Vêtu de blanc, l’ancien président tchadien fut finalement cloué sur sa chaise par ses gardes, même s’il a gardé toujours son turban. Il a tenté parfois de se défaire de cette emprise, sans succès. Les hommes qui le tenaient n’ont rien à envier aux lutteurs. ‘’C’est inhumain. Ils sont en train de le maltraiter’’, s’est écriée une jeune fille qui a été à son tour expulsée avec d’autres jeunes. Ensuite, le calme est revenu. Mais dès que la lecture de l’ordonnance de renvoi a démarré, Habré est revenu à la charge. ‘’Taisez-vous ! Mensonges !’’ n’a-t-il cessé de dire, tentant de saboter la lecture faite tour à tour par deux greffiers. C’est sur ces entrefaites qu’une pause a été observée à 12h 30mn.

L’audience a repris à 14 h, mais cette fois-ci, Habré s’est tenu coi. Lors d’une petite suspension, il s’est levé, les mains en signe de victoire pour s’adresser à ses proches : ‘’Nous gagnerons contre les mercenaires, les traîtres et les corrompus !’’ Ses proches de scander : ‘’Vive Président !’’. A part cela, les agents de sécurité n’ont pas eu besoin de le tenir. Ils sont restés debout devant lui, scrutant ses moindres gestes. A 17 h 30, Gberdao Gustave Kam a suspendu l’audience pour reprendre aujourd’hui à 9 h. Dopé par ses partisans qui criaient ‘’président ! président !’’ Habré levait ses mains en signe de victoire tout en disant : ‘’Nous gagnerons !’’

Le procès reprend avec la poursuite de la lecture de l’ordonnance de renvoi. Rédigée en 187 pages, 97 ont été lues hier.

COMPARUTION FORCEE DE HISSEIN HABRE

La défense sur la même longueur d’ondes que les avocats des parties civiles

Les avocats des victimes du régime de Hissein Habré ont donné leur avis sur le fait que l’ancien président tchadien soit contraint de comparaître à la barre. ‘’C’est la décision de la Cour. Elle veut montrer que tout justiciable doit être devant ses juges. Il a le droit de ne pas être là. Il a le droit de se défendre tout seul’’, déclare Georges-Henri Beauthier. Toutefois, l’avocat belge émet des réserves sur la décision prise par la Chambre de le forcer à comparaître.

‘’Humainement, nous verrons dans quelle mesure nous allons rester dans ce cadre-là. Quand les témoins seront là, il se passera des choses beaucoup plus concrètes’’, affirme-t-il. Et de conclure : ‘’Nous ne sommes pas enclins à voir la mort du pécheur. Nous demandons un procès équitable et que les choses se passent dans de bonnes conditions’’. Me Assane Dioma Ndiaye pense que si Hissein Habré en est arrivé là, c’est à cause de son attitude de défiance vis-à-vis de la juridiction. ‘’Il pouvait comparaître et garder le silence, mais jamais il ne devait dire que même si vous venez me chercher par la force, je ne viendrai pas. Ça, c’est un défi qu’on ne peut pas opposer à la loi’’, dit-il.

Même s’il n’approuve pas la comparution forcée de leur client, Me Mbaye Sène de la défense considère que la loi a été appliquée. ‘’Je n’ai pas aimé cette image. Elle ne me plaît pas. Un accusé a le droit de ne pas comparaître, mais c’est la loi qui permet au président de recourir à la force’’, soutient-il. Par ailleurs, l’avocat commis d’office désapprouve le silence adopté comme système de défense par l’ex-Président tchadien. ‘’Les charges sont costauds. Il y a à manger et à boire, mais c’est défendable, car il s’agit d’accusations corroborées par aucun élément de preuve, mais c’est dommage qu’il ne coopère pas’’, souligne Me Sène.
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