L’envoyée spéciale du président de la République, ancienne Première ministre, de septembre 2013 à juillet 2014, et ancien garde des Sceaux, était l’invitée de l’émission dominicale ‘’Grand Jury‘’ sur la Rfm. Elle s’est livrée sur les récents développements de l’actualité politique et judiciaire entre autres questions.
L’ex-chef du gouvernement Aminata Touré s’est montrée pragmatique quant à la massification de la mouvance présidentielle. Elle a soutenu la migration politique du leader de l’Union pour le renouveau démocratique (URD), Djibo Leity Ka. Invitée de l’émission Grand Jury d’hier, elle a rangé cette transhumance dans le cadre de la marche normale de la politique. ‘‘Ce n’est pas une spécialité du Sénégal. Tant qu’il y aura de la politique, il y aura des alliances, des mésalliances, des « ré-alliances.’’ La politique est ce qu’elle est ; elle est dynamique. Un parti cherche à gagner des élections. Il a des tactiques des contre-tactiques, il veut déstabiliser le pouvoir ou l’opposition. Ça, c’est le jeu des politiques en France, aux Etats-Unis, dans les pays arabes’’, s’est-elle justifiée au micro d’Antoine Diouf.
Quid de l’éthique en politique ? Mimi Touré s’est montrée très réaliste. ‘‘Dans la vie, chacun est responsable de sa propre éthique. Il ne faut pas que l’on soit moraliste pour rien. J’ai eu 26% au premier tour, j’aimerais bien avoir 51% aux prochaines élections, donc il faut des stratégies d’alliance, de participation. Ce sont des affaires privées de politiciens’’, s’est-elle défendue, se gardant de tout commentaire sur l’arrivée de DLK ; et celle murmurée de Ousmane Ngom.
L’envoyée spéciale du président de la République a réussi à déplacer cette question éthique sur un autre front en dénonçant ‘‘une certaine indignation sélective’’. ‘‘Lorsqu’un responsable politique vient dans le pouvoir, on estime que c’est une mauvaise pratique. Mais lorsqu’il a été invité dans un gouvernement, et se retrouve sur la place publique- parce qu’il a perdu son titre-, à divulguer les secrets d’Etat, à calomnier le Président qui lui avait fait confiance, personne ne crie à la violation de l’éthique. Il faut que l’on sache si c’est une éthique pour tout le monde ou si c’est une éthique sélective. On a eu dans le passé des PM qui enregistraient le PR en secret et divulguaient des propos. Ce sont aussi des questions d’éthique importantes’’, s’est-elle justifiée. A la place d’un assainissement moral politicien, Aminata Touré plaide pour ‘‘la moralisation du mode de gouvernance et des fonds publics que nous avons. C’est là où nous devons mettre l’accent’’, fait-elle remarquer.
L’ancien Pm qui dit refuser ‘‘le diktat de la classe politique sur la marche du pays’’ pense que le durcissement de ton de l’opposition n’a rien d’inédit en soi. ‘‘Ce sont des incantations qu’on entend depuis longtemps. Ils sont dans leur rôle. Ils continueront à réclamer la libération de Karim, on continuera à leur expliquer que la chose a été jugée, l’ordre sera maintenu et il n’y aura pas de grands problèmes’’, prévient-elle. Quant à un éventuel remaniement ministériel, Mimi s’est montrée très prudente. Elle demande de laisser cette prérogative au président pour qu’il décide ‘‘du timing, du moment, et du choix de ses hommes’’.
Avancées dans la justice
D’ailleurs en ce qui concerne l’internationalisation de l’affaire Karim Wade, Mimi Touré, qui était ministre de la Justice au moment du déclenchement des poursuites, trouve normal que les avocats de Wade-fils se saisissent des opportunités de la justice internationale. ‘‘Si les avocats de l’Etat souhaitent apporter de l’information complémentaire je n’y vois aucun mal. La chose a été jugée au Sénégal, je considère le procès juste et équitable’’, a-t-elle déclaré. ‘‘La traque des biens mal acquis est une expression journalistique. C’était la première fois que cette approche existe donc il y a eu beaucoup de dramatisation et d’émotion. Evidemment il y a une contre-communication qui s’est déroulée. Mais au fil des années, ça rentrera dans le commun des activités de tout Etat qui veut bien gouverner’’, estime l’envoyée spéciale du président de la République.
La médiation pénale d’Abdou Latif Coulibaly (évoquée par ce dernier dans son récent ouvrage) qu’elle aurait fait échouer est une exagération, selon elle. ‘‘On en dit beaucoup plus qu’il ne se passe, c’est un bon ami, un bon écrivain’’, dit-elle. Se proclamant globalement satisfaite des avancées de la justice depuis trois ans, l’ex-garde des Sceaux déplore toutefois la lenteur des procédures qu’elle attribue au sous effectif dans la justice : 500 magistrats pour tous les contentieux au Sénégal.
Quant à l’autre dossier judiciaire, concernant l’ancien président tchadien Hissein Habré, Mimi Touré trouve que c’est un bond en avant. ‘‘C’est une bonne avancée pour la justice internationale, la justice africaine notamment. C’est un bon point pour la justice internationale, un bon point pour le Sénégal’’, estime-t-elle.
S’agissant de la révocation des trois avocats commis d’office, par Hissein Habré ; Aminata Touré pense que les conditions d’un procès juste et équitable sont réunies. ‘‘Celui qui garantit un procès juste et équitable, c’est l’Etat qui organise. Tous les droits de l’accusé ont été respectés. C’est son choix de se comporter comme il le fait. Nous sommes dans le cadre d’un procès qui répond au standard international. C’est une bonne chose dans cette nouvelle Afrique qui veut se hisser au niveau de tous les autres pays et continents du monde’’, estime-t-elle, rappelant que ce procès se fait sur instruction de l’Union Africaine (UA).