Avocat de l’Etat dans le dossier Karim Wade qui a épuisé toutes les voies de recours sur le plan judiciaire, Me Yérim Thiam se trouve à Genève en Suisse dans le cadre d’une rencontre d’explication avec le groupe de travail des Nations unies, un organisme regroupant des experts des droits des humains. Comme pour assurer les prolongations dans une affaire qui se transforme de plus en plus en enjeu de communication, l’avocat de l’Etat s’attaque à l’Avis rendu au début du mois de juin dernier, tout en égratignant Karim Wade.
Vous êtes présentement à Genève et une rencontre est prévue entre les représentants de l’Etat du Sénégal et le Groupe de travail des Nations unies sur les détentions arbitraires à propos de l’affaire Karim Wade…
(…) Ce qui se passe ici, ce sont des choses simples. Nous avons déjà dit que nous ne sommes pas venus à Genève pour demander quoi que ce soit. J’ai vu des déclarations malheureuses (…) mais il faut d’abord savoir que le groupe de travail des Nations unies a donné un avis. Et ce n’est pas une décision judiciaire, qui s’imposerait à l’Etat du Sénégal. D’ailleurs, même sur le plan de la procédure, cet avis doit suivre un certain circuit au niveau de l’ONU qui est long, parce qu’il ne peut pas prendre moins d’un an. Donc, il n’y a rien qui s’impose à l’Etat du Sénégal.
Simplement l’Etat du Sénégal, en se fondant sur les règles qui gouvernent l’Onu, la coopération entre Etats et les Institutions etc., estime qu’il a été traité d’une façon qui n’est pas acceptable. D’abord, comme vous le savez, on a dit que nous avons déposé notre réponse hors délai. Mais si vous mettez deux juristes ensemble, ils ne seront pas d’accord sur la façon de calculer un délai. Bref, au moins une chose est sûre, le groupe de travail a toujours accepté des réponses d’Etats données hors délai. Les membres du groupe l’ont accepté pour la France, les Etats-Unis, pour tous les Etats, sans aucune exception. Alors l’Etat du Sénégal se pose la question de savoir pourquoi il constitue la seule exception. Et pourquoi c’est à propos de l’affaire de M. Karim Wade. Ce sont des questions qu’on se pose bien légitimement.
Vous semblez insinuer une conspiration contre l’Etat du Sénégal ? Vous soupçonnez un coup monté ?
Un Etat ne peut pas dire : il soupçonne. Un Etat dit : nous ne comprenons pas pourquoi quand il s’agit de l’Etat du Sénégal qui est d’ailleurs à l’origine de la création de ce groupe de travail, qui a toujours collaboré avec ce groupe, qu’on fasse ainsi exception à la jurisprudence, précisément pour M. Karim Wade. Nous nous posons des questions. On ne va pas leur demander de changer quoi que ce soit parce que la situation qu’ils ont examinée est dépassée. Je vous rappelle que le groupe de travail a été saisi de la situation, sauf erreur de ma part, autour de juin 2014, c’est-à-dire avant même le début du procès de la CREI. Mais cette situation est dépassée. Entre-temps, le CREI a apprécié plusieurs demandes de liberté provisoire, ensuite la CREI a condamné Karim Wade, ensuite la Cour suprême les a déboutés. Donc nous avons dépassé cette situation. Nous ne demandons pas au groupe de travail de faire quoi que ce soit ou de changer quoi que ce soit. Nous sommes là pour montrer que l’Etat du Sénégal est un Etat indépendant. Et quand il a des choses à dire, il le dit. L’Etat du Sénégal avait à dire que la façon dont il a été traité est une façon exceptionnelle. Et l’Etat du Sénégal a dit par ma voix, qu’il n’accepte pas d’être cerné par la corruption. Je ne dis rien de plus…
D’être cerné par la corruption, cela veut dire quoi au juste ?
Mais non ! Vous imaginez quelqu’un qui s’est enrichi au détriment du peuple sénégalais et qui utilise l’argent qu’il nous a pris pour aller monter des Ong de gauche à droite ! Nous avons entendu une Ong à Dakar qui disait n’importe quoi alors que pendant 12 ans, ils n’ont pas élevé la voix pendant que Talla Sylla se faisait tabasser ou les étudiants agresser. Et brusquement on se met à dire que l’Etat du Sénégal est un Etat voyou. Nous sommes donc allés relever la tête de l’Etat du Sénégal. Voilà pourquoi nous sommes ici à Genève.
Vous semblez insinuer des pratiques de corruption, mais est-ce que vous avez des preuves ?
C’est-à-dire ?
Vous parlez de corruption et d’Ong.
Je ne vous ai pas parlé de corruption et d’Ong. Je vous ai parlé séparément de corruption d’une part et d’Ong d’autre part. Voilà un monsieur qui s’est enrichi de façon illégale – et c’est la justice qui le dit de façon définitive –, qui utilise l’argent qu’il a acquis illégalement pour remuer ciel et terre. C’est de cela dont je parle. On peut l’utiliser sans corrompre les gens. Je ne sais pas de quelle façon il l’a utilisé. Je n’ai pas dit qu’il a corrompu qui que ce soit. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de Sénégalais qui sont ‘’fils de’’ condamnés pour des délits moins graves que ceux pour lesquels Karim Wade a été condamné. Mais ils n’utilisent pas leur argent pour salir leur pays à l’étranger. S’il a des droits, on les respectera. Mais s’il utilise son argent pour venir nous salir, nous ferons front. Nous serons en face de lui.
Faire front, cela veut dire quoi exactement ?
Nous ferons front. Nous serons en face de lui chaque fois que besoin sera. Là, nous sommes venus parler au groupe de travail sur leur façon de penser, leur façon de travailler. Mais j’insiste, il faut bien comprendre que la situation pour laquelle le groupe de travail a été saisi date de juin 2014. Il n’est saisi d’aucune autre requête, pour une situation postérieure ou antérieure. Donc le groupe de travail ne peut pas s’autosaisir après juin 2014. Pour le moment, il n’est saisi que d’une situation qui est complètement dépassée.
Donc, nous ne sommes pas venus pour leur demander quelque chose. Nous ne leur demandons rien. Nous sommes simplement venus leur dire notre façon de penser sur la façon dont ils ont travaillé. Rendre comme cela en catimini, sans nous prévenir, un avis sans tenir compte des éléments que l’Etat du Sénégal a donnés. Donc, ils n’ont tenu compte que des éléments que les avocats de Karim Wade ont mis à leur disposition. Lorsque je serai à Dakar, je pourrai vous détailler ce que nous leur avons dit et ce qu’ils ont pu nous dire. Il est de la responsabilité de l’Etat du Sénégal, d’expliquer à l’Onu si nous ne sommes pas d’accord sur la façon dont le groupe a travaillé. L’Etat du Sénégal ne se laissera pas faire. Comment le fils d’un ancien Président, qui fut de surcroît ministre d’Etat, qui utilise ce qu’il a pris pour secouer des Ong, peut dire que l’Etat du Sénégal est un Etat voyou ? Aucun citoyen sénégalais ne peut d’ailleurs accepter cela.
Au-delà des procédures que vous dénoncez, vous semblez aussi vous intéresser aux membres qui composent le Groupe de travail ?
Si je vous disais non, je ne vous dirais pas la vérité. Nous nous y intéressons, mais aujourd’hui, je ne peux pas vous en dire plus.
Même pas sur l’identité des personnes qui vous intéressent au sein de ce Groupe ?
Dès la semaine prochaine je serai à Dakar, je vous dirai des choses plus précieuses. Mais aujourd’hui, je ne peux pas vous en dire plus. Vous savez que je ne connais pas la langue de bois.