Le ministre du Tourisme et des Transports aériens savait qu’il y aurait des mécontents, mais il ne s’attendait pas à ce qu’ils s’expriment par la politique de la chaise vide. Or, c’est ce qui lui est arrivé hier, et devant son chef, le Premier ministre. Il fallait alors faire bonne figure, et contrer en annonçant le rétablissement de l’Anpt.
Pour se donner une belle image, le ministre Oumar Guèye s’est empressé d’annoncer dans la soirée d’hier, la décision de faire renaître l’Agence nationale de promotion du tourisme (Anpt). C’était dans le vain espoir de brouiller les pistes et de faire oublier le camouflet. Car le désaveu a été cinglant. Tous les acteurs de poids du secteur touristique ont boycotté le conseil interministériel sur le secteur du Tourisme, présidé hier par le Premier ministre Aminata Touré. Même le patron du King Fahd Palace, où se tenait la rencontre, a brillé par son absence. Interrogé sur ses motifs, Mamadou Racine Sy, qui dirige également le syndicat des hôteliers, a indiqué : «Si j’y étais allé de moi-même, j’aurais été désavoué par mes collègues.» Une manière de dire que la décision a été unanime et ne relève pas de la spontanéité, le boycott s’étendant aux acteurs de l’ensemble du territoire national.
Car les membres du secteur touristique en ont gros sur le cœur et ne manquent jamais une occasion de le dire. Déjà, les 50 millions de francs Cfa gracieusement accordés à Youssou Ndour, ancien ministre de tutelle, en soutien à son dernier concert de Bercy, et qui ont été tirés du Fonds de promotion du tourisme, ne sont toujours pas passés, malgré les explications de Oumar Guèye.
A cela s’ajoutent les problèmes d’érosion marine, qui menacent d’emporter tout le littoral de Saly Portudal, sur la Petite-Côte. Les mesures de protection préconisées, annoncées depuis un certain moment, n’ont jamais connu de début de réalisation. Or, ce problème met en danger l’existence même de l’offre touristique au Sénégal, surtout avec l’instabilité de la Casamance qui a obligé la majorité des hôteliers de la zone à mettre la clé sous le paillasson.
Face à tous ces problèmes, les hôteliers, les tour-operators et tous les autres acteurs, n’ont jamais compris que le ministre de tutelle cherche à les prendre de haut. L’un d’eux déclare que le ministre Omar Guèye, depuis sa nomination, n’a jamais cherché à rencontrer une délégation du secteur, préférant des tête-à-tête. Cela s’est traduit, pour la rencontre d’hier, par des invitations envoyées quasiment au dernier moment. Et pour la plupart de ces patrons d’entreprises, cela est intolérable : «C’est nous qui apportons la valeur ajoutée du secteur. C’est vrai que le ministre est dédié à son secteur. Mais ce sont les acteurs qui embauchent du personnel, qui créent les conditions de travail, et qui offrent le cadre d’accueil des touristes. Le ministre ne peut donc pas nous traiter à la légère», souligne l’un de ces chefs d’entreprise qui ne s’est pas présenté hier.
Et il se félicite du fait que les membres du secteur qui comptent vraiment, ne se soient pas présentés. «Bien sûr, il y a eu quelques hôteliers et voyagistes, surtout des étrangers. Mais on ne peut vraiment faire la promotion du tourisme au Sénégal en mettant de côté le secteur privé sénégalais, d’autant plus que c’est nous qui sommes majoritaires dans le secteur.»
S’agissant de l’annonce du ministre Oumar Guèye de relancer l’Anpt, le président Mamadou Racine Sy a tenu à mettre en garde : «Nous voulons plus de précisions quant à la gestion du fonds de promotion. Nous n’accepterons pas qu’il reste au cabinet du ministre et soit géré selon la seule volonté de ce dernier. Après tout, c’est nos structures qui permettent de produire cette manne. De même, nous ne voulons pas que l’Agence revienne comme elle était avant, avec ses travers.» Le même indique que cette mesure aurait dû intervenir depuis un bon moment, étant donné que le chef de l’Etat avait promis, lors de son passage à Saly Portudal, qu’elle allait reprendre à la fin du mois de décembre. Et personne ne comprenait pourquoi les choses traînaient en longueur, ce qui poussait certains à parler même de sabotage des décisions présidentielles. Il semblerait donc que le ministre du Tourisme et des Transports aériens a fort à faire pour retrouver la confiance de ses premiers partenaires.