Alors qu’on n’a pas encore fini d’épiloguer sur le différend entre l’Etat du Sénégal et la société Saudi bin Laden Group, voilà que la société allemande Fraport s’invite au débat, en se retirant de l’exploitation de l’Aéroport international Blaise Diagne.
Nouveau coup de théâtre dans le dossier de l’aéroport inter- national Blaise Diagne : la société allemande Fraport, chargée de l’exploitation de l’infrastructure aéro- portuaire, a jeté l’éponge. En effet, c’est à travers un courrier reçu avant- hier par les autorités de l’Aibd que les allemands qui détenaient 51% des droits d’exploitation ont manifesté leur désir d’abandonner la piste. “Fraport a demandé plutôt que l’on négocie à l’amiable pour son retrait. On avait confié à cette société allemande l’ex- ploitation de l’aéroport. C’est ainsi qu’elle avait créé au niveau national une société dénommée Daport. Mais cette entreprise n’avait que 10% du capital, contre 90% pour le privé”, explique une source proche du dos- sier. Cette dernière s’empresse de rap- peler que la société Daport faisait par- tie des sociétés poursuivies par la Cour de répression de l’enrichissement illi- cite (Crei) dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis. Toujours est-il que la convention entre
Aibd et Daport date de 2006. Mais selon certaines indiscrétions, la direc- tion de l’Aibd n’a cessé depuis lors de négocier avec les Allemands pour un plus d’équilibre dans les clauses du contrat. “Cette négociation a duré des années sans que l’on ne puisse arriver à un accord”, informe un ancien ministre du Tourisme.De l’avis des autorités, ce retrait de l’entreprise allemande n’a rien à voir avec le contentieux qui oppose en ce moment l’Etat du Sénégal au constructeur Saudi Bin Ladin Group. “On a reçu la lettre de négociation avant-hier, nous ne l’avons pas encore analysée au niveau du gouvernement. Les négociations étaient dans l’impasse. En vérité, avec la décision prise par l’Etat de réduire la taxe aéropor- tuaire afin de booster le secteur du tourisme, Fraport s’est rendu compte que le contrat d’exploitation n’était plus rentable. Surtout que le partage des redevances n’avait pas fait l’objet d’un consensus”, croit savoir un res- ponsable de l’Aibd sous le couvert de l’anonymat.
Notre interlocuteur de poursuivre : “Le Sénégal n’avait aucun pourcentage dans le montage original. C’était 0%. Les 10% étaient pour Fraport et les 90% pour une autre société allemande, mais on avait réussi à prendre 49% et nos partenaires allemands devaient avoir les 51%. Il restait à faire la répartition des redevances aéroportuaires.” Dans les faits, les redevances d’at- terrissage sont perçues par l’Asecna (56%) et le gestionnaire ADS (44). “Alors que Fraport voulait avoir les 56% et donner à l’Asecna les 44%, ce que l’on n’a jamais accepté”, ren- seigne un responsable des ADS.
Il s’y ajoute que les taxes et redevances aéroportuaires passagers et frets ont été réduites de moitié. Ce sont tous ces facteurs qui expliquent donc, selon nos sources, le retrait de Fraport. En tout cas, même si la société allemande appelle à une négo ciation à l’amiable, cela ne l’empêche pasderéclamer1milliond’euros soit 655 000 000 de francs Cfa à titre de dommages. “Les Allemands n’ont jamais parlé d’irrégularités. Ils ont plu- tôt évoqué des taxes qui ont été réduites. Leur retrait est simplement dû à des questions économiques”, renseigne le Directeur général de l’Aibd. Quoi qu’il en soit, c’est l’impasse totale au niveau de l’Aibd.
Car, après Saudi Bin Laden qui réclame un ave- nant de plus de 63 milliards de F CFA pour poursuivre les travaux, c’est au tour de Fraport de se retirer de l’ex- ploitation. L’aéroport international Blaise Diagne serait-il donc maudit ? Que non ! rétorque son directeur géné- ral Abdoulaye Mbodj. “La vérité, c’est qu’il y a un mauvais montage à l’ori- gine pour l’ensemble de ces conven- tions. Nous pensons véritablement que les négociations n’étaient pas bonnes. Quand les choses s’annon- cent clairement, elles s’écrivent aisé- ment et la mise en œuvre devient beaucoup plus facile. Ce qui n’était pas le cas avec ce projet. Vous avez vu comment Daport a été au devant de la scène dans le cadre de la traque des biens mal acquis. La Crei l’avait mise dans le patrimoine de Karim Wade avant que le juge ne dise le contraire. Cet aéroport n’est pas maudit. Il est d’une importance capitale et le Sénégal fera tout pour le terminer”, croit ferme M. Mbodj.