A Hann Marinas, tous les esprits sont actuellement tournés vers l’explosion des cuves d’ammoniac de l’usine de la Sonacos à Yarakh en 1992. Si les résidents s’en rappellent, c’est parce qu’il y a un entrepôt rempli d’urée dans le quartier en ce moment. La cohabitation de ce produit avec l’eau, pouvant créer un grand danger, les populations demandent avec insistance que l’urée soit déstockée, avant que l’eau des pluies ne vienne le dissoudre. Ce qui peut provoquer… une Sonacos bis.
Le quartier huppé de Hann Marinas à Yarakh ne respire plus la forme. Depuis quelques jours en effet, l’air pur qui se dégageait de la mer d’à côté, a cédé la place à une odeur pestilentielle, qui s’échappe d’un entrepôt, rempli d’urée. Celui-ci, grand de plusieurs hectares est contigu au quartier et devient encombrant aux yeux des riverains, qui redoutent une catastrophe similaire à l’explosion des cuves d’ammoniac de l’usine de la Sonacos à Yarakh en 1992.
Vingt trois (23) ans après cette tragédie, l’ammoniac hante toujours le sommeil des habitants de Hann Marinas. Convaincus que le mélange de l’eau et de l’urée peut produire de l’ammoniac, certains résidents de Hann Marinas ne dorment plus les poings fermés. A l’image du chef de quartier Malang Badiane, qui dit s’inquiéter surtout durant cette période d’hivernage. «On ne serait jamais restés ici, pour discuter si vous étiez venus en début de semaine, tellement l’air était irrespirable dans le quartier», nous assure-t-il, à quelques mètres de l’entrepôt.
Pointant du doigt l’entrepôt, il regrette les lenteurs dans le déstockage de l’urée qui peut être assiégée à tout moment, par les eaux de pluie, comme ce fut le cas le week end dernier. Mody Diop, également résident de Hann Marinas a manifesté ses inquiétudes, révélant que depuis lundi d’ailleurs, plusieurs familles ont déménagé des lieux, pour se mettre à l’abri. «Des gens ont fui, parce que ce n’est pas sûr ce qui se passe dans cet entrepôt, d’autant plus qu’à Hann Marinas, les gens ont toujours la hantise de l’ammoniac», raconte-t-il, le visage dégoulinant de sueur.
Ce jeune homme de près de 40 ans a indiqué au Quotidien où se trouve exactement l’entrepôt et nous servait en quelque sorte de guide, en nous désignant toutes les personnes ressources de ce quartier, jadis très paisible. Parmi celle-ci justement, il y a Mamadou Bocar Thiam qui, en plus d’être de Hann Mariste est un conseiller municipal et membre d’une association de protection de l’environnement.
Pour M. Thiam, il ne fait aucun doute que leur vie dépend aujourd’hui des conditions climatiques. «Si ça pleut abondamment, Dieu seul sait, ce qui va advenir de nos vies», dit-il, visiblement indigné. Une indignation collective qui se lit sur tous les visages à Hann Marinas où la plupart des résidents préfèrent se terrer chez eux, attendant que l’urée soit enlevée de ce lieu.
Hamidou Wone, chef d’exploitation de la Sntt
«Nous sommes en train d’évacuer l’urée des lieux»
La Société nouvelle pour le transit et le transport (Sntt), qui exploite l’entrepôt où est stocké une importante quantité d’urée à Yarakh, est en train d’évacuer le produit agricole des lieux. C’est du moins, l’assurance de son chef d’exploitation, le nommé Hamidou Wone, que nous avons joint hier par téléphone. Il indique au bout du fil, que déjà, pour montrer toutes leurs dispositions à sécuriser les populations, ils ont mis à contribution des camions hydro-cureurs, pour vider l’eau des pluies de l’entrepôt. «Nous n’avons pas eu attendu qu’on nous demande d’enlever les eaux. Vous n’avez pas trouvé de l’eau sur les lieux, n’est-ce pas ?», a-t-il réagi.
Dans l’entrepôt, les récentes traces des eaux de pluies sont encore visibles sur les lieux. Mais cela n’exclut pas le danger, qui peut arriver à tout moment, car nous sommes en période d’hivernage, comme l’ont fait remarquer des résidents de Hann Marinas.
M. Wone s’est par ailleurs désolé que la Sntt soit obligée aujourd’hui, de déstocker un produit, qui n’aurait pas dû être encore sur les lieux. «L’urée devait être livrée depuis longtemps, parce qu’elle est destinée à des paysans. Au moment où je vous parle, elle devait être utilisée dans les champs. Nous-mêmes, on ne s’explique pas encore, pourquoi ses propriétaires ne sont pas venus la récupérer. Mais retenez que nous ne sommes ni propriétaires ni vendeurs», se défend-il, suite à la question, relative au danger que courent les résidents de Hann Marinas.
De visu, les camions allaient et revenaient à un rythme très fréquent, certainement pour enlever l’urée, comme assuré par Hamidou Wone, mais ce qu’il n’a pas dit, c’est que c’est la gendarmerie de Hann, qui a sommé la Sntt, à déstocker le produit dans les meilleurs délais. La Brigade de l’Environnement, qui a antérieurement fait une descente sur les lieux, après saisine des autorités municipales en début de semaine, a fait un rapport circonstancié à la gendarmerie qui, pour plus de sécurité, a tout bonnement demandé l’enlèvement du produit.
La question que l’on se pose, c’est qu’est ce que ces sacs d’urée où on peut lire : «Campagne agricole 2015», font dans cet entrepôt à cette période de l’hivernage. Le produit consiste en effet, à incorporer par arrosage une solution d’urée au fourrage grossier sec et à recouvrir l’ensemble avec les matériaux étanches localement disponibles.