Les 52 Sénégalais expulsés du Gabon sont rentrés à Dakar dans la nuit du mardi au mercredi. Ils sont arrivés en chair et en os mais sont marqués par les difficiles conditions de voyage et déçus d’être revenus les mains vides. Alors qu’ils étaient allés chercher fortune à Libreville. Les autorités leur ont demandé de tourner la page.
Le chemin fut long et difficile pour les 52 Sénégalais expulsés du Gabon. Ils sont arrivés à Dakar dans la nuit du mardi au mercredi après un voyage éprouvant, après avoir subi «des humiliations» lors de leur arrestation au Gabon. Les rapatriés ont été convoyés à bord d‘un bateau jusqu’au port de Kalaba situé au Nigeria. Et par la suite, ils sont arrivés au Bénin avant de prendre la route via le Burkina et le Mali avant de rejoindre le Sénégal dans la nuit du mardi. Ereintés. Ce fut 9 jours de souffrance. Selon les autorités gabonaises, ces étaient en situation irrégulière. Le Directeur des Sénégalais de l’extérieur Sory Kaba, apporte son réconfort à ses compatriotes «sous le choc» : «Voyager par la route pendant 8 jours ou 9 jours avant d’arriver au Sénégal, c’est plus que dur, plus que pénible. Le gouvernement du Sénégal a tenu à vous rencontrer pour que l’acte de rapatriement qui vous ramène au Sénégal ne soit pas fortuit et que l’opinion nationale et internationale retienne que ça intéresse et ça préoccupe le gouvernement du Sénégal au plus haut niveau.»
Durant ce moment de tristes retrouvailles, le directeur des Sénégalais de l’extérieur a tenu à exprimer les actes que l’Etat a posés pour faciliter leur retour au pays natal. «Lors de votre arrestation à Libreville, le gouvernement gabonais a refusé que l’ambassadeur vous rende visite. Mais, le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur a intervenu auprès de son collègue gabonais pour invoquer toutes les dispositions qui sont relatives au respect des droits qui sont les leurs et systématiquement le ministre a reçu l’ambassadeur et accepté qu’on vous rende visite là où vous étiez en détention», explique Sory Kaba.
Par ailleurs, Sory Kaba admet que la situation dans le monde a changé. «Il faut qu’on sache qu’aujourd’hui qu’il y a deux facteurs qui sont à l’origine de la complexification de la problématique migratoire. Le premier facteur, c’est la question de la sécurité des Etats. Le terrorisme est passé par là, un seul Etat au monde n’accepterait plus d’avoir dans son territoire des étrangers en situation irrégulière. Ça, c’est révolu», avance M. Kaba.
En écho, le porte-parole des rapatriés Mamadou Kâ rappelle qu’ils «ont tout fait pour se munir des cartes de séjour» évaluées à 800 mille F Cfa. «Ils (les policiers) nous ont dit qu’il n’y avait pas la possibilité d’en avoir. Ils ont dit que le Président fait une grâce pour que chaque personne qui n’est pas en situation régulière aille chercher une carte de séjour à plus de 800 000f Cfa. Cette fois-ci, tel n’était pas le cas», regrette Mamadou Kâ.
Aujourd’hui, les autorités demandent aux Sénégalais de conjuguer cette histoire au passé. «Il est important pour nous de voir comment faciliter votre réinsertion sociale et économique. Autrement dit comment vous offrir une perspective qui vous permet de vous valoriser qui vous permette de gagner paisiblement votre vie au point de ne plus penser à la migration si ce n’est que dans les conditions requises», demande Sory Kaba. Et pour leur permettre de rejoindre leurs familles après deux nuits passées au Cices, le chef de l’Etat a mis à leur disposition une enveloppe de 10 millions F Cfa. Ce n’était pas le retour rêvé pour ces personnes qui sont allées provoquer la chance au prix de leurs vies.
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Mamadou Kâ, porte-parole des rapatriés
«On a été gardés pendant 21 jours»
«Certains ont été arrêtés dans leur lieu de travail. On a vécu des moments extrêmement difficiles. La plupart ont fait toutes les démarches pour se mettre en règle et avoir une carte de séjour. Mais, les autorités nous disaient qu’il n’y avait pas de possibilités. On a été conduits manu militari à la Direction générale de la documentation et de l’immigration (Dgid). Certains sont maçons, d’autres ouvriers métalliques. On ne leur a même pas donné le temps de changer leur tenue de travail. Certains se douchaient quand on est venus les prendre. On ne leur a même offert le temps de se préparer. On nous a gardés à la Dgid pendant 21 jours sans aucune possibilité d’appeler nos parents. Pour manger, c’était difficile. C’est après l’intervention de l’Etat qu’on a pu avoir la possibilité d’appeler nos proches. On a vécu des moments extrêmement difficiles.»
Moussa Tall
«Je n’irai plus à l’aventure»
«C’est le dernier jour du mois de ramadan qu’on nous a arrêtés. Nous avons fait 19 jours en détention. On nous a gardés dans des conditions extrêmement mauvaises. Les matins, on nous donnait un demi pain au chocolat. Et jusqu’à 16 heures, nous ne mangions pas. A 16 heures, on vous amène un peu de riz et à 20 heures on vous donne encore un demi-pain et on nous embarque dans une salle. Sans lit, on dormait à même les carreaux. Et on empilait plus de 30 personnes dans une seule salle. Ils nous y enfermaient et les policiers montaient la garde dehors. Ils nous ont infligé cela durant au moins 19 jours. Quand on nous attrapait, on ne nous a même pas donné le temps de finir ce que nous faisions. Moi, je suis boutiquier et j’avais fermé ma boutique pour aller acheter des unités d’électricité. Ils m’ont pris en cours de route. Ils ne m’ont pas laissé le temps de retourner chez moi. Nous sommes jeunes et nous sommes revenus chez nous.
Moi, je ne pense plus à aller à l’aventure. Je veux rester ici, travailler ici, gagner ma vie. On ne te respecte pas là-bas. Tu es toujours un étranger à leurs yeux. On vous insulte, les policiers vous giflent, vous traitent de moutons, de chiens. Mais, on ne te respecte pas car tu es étranger. Au début de notre arrestation, nous étions fâchés contre l’Etat du Sénégal. On est restés plus de 7 jours sans voir l’ambassadeur du Sénégal. On avait dit même que l’Etat du Sénégal ne nous considérait pas. Mais, on s’était trompés. Car, les choses se sont bien passées par la suite. Et seuls les Sénégalais, parmi les détenus, avaient un représentant de l’Etat.»
Abdou Karim Thiam
«Ce fut 21 jours de galère»
«On m’a arrêté au premier jour de ramadan dans mon lieu de travail et je leur ai juste demandé de me donner une minute pour que j’appelle au téléphone pour aviser mes proches. Et les policiers ont refusé. Ils se permettent de nous dire qu’on va vous torturer pendant 2 semaines pour que quand vous rentriez, vous n’auriez plus envie de revenir. Quand on nous amène parfois le ceeb sénégalais, ce sont les policiers qui le mangent. On a fait 21 jours de galère et de misère. C’est inimaginable pour des gens qui étaient juste partis pour travailler. La plus petite cellule prenait 140 personnes et le 2e prenait 220 personnes et il y a une autre salle qui prenait plus de 300 personnes. Il y avait 10 nationalités différentes. Seuls les Centrafricains étaient là-bas sans séjour. Et un jour, je leur ai dit pourtant nous aussi nous sommes les fils de Senghor. Ils ont répondu : «On n’a pas besoin des enfants de Senghor mais c’est le cerveau de Senghor».