L’éventualité d’une interdiction au Sénégal du port de la burqa (voile couvrant intégralement tous le corps des musulmanes) a suscité des réactions divergentes chez les religieux de ce pays à plus de 90% musulman.
Les actes terroristes perpétrés par de jeunes femmes munies d’explosifs sous leurs burqas ont poussé certains pays africains à interdire le port de ce voile intégral.
On n’en est pas encore à ce stade au Sénégal, le pays n’étant pas en proie à des attaques terroristes de ce genre. Mais le débat sur une éventuelle interdiction du port de la burqa est déjà posé. Les réactions restent divergentes chez des religieux intervenus dans la presse.
Dans une émission à la télévision privée Sen Tv, le vice-président de l’ONG islamique Jamra, Mame Mactar Guèye, a considéré qu’"aucun pays ne peut se glorifier d’être totalement à l’abri du terrorisme".
"Le débat sur le port de la burqa mérite d’être posé, les initiatives n’ont pas pour ambition de combattre l’islam", a-t-il soutenu.
"Aucun pays ne peut prétendre pouvoir faire face seul (au terrorisme). Tous les pays doivent prendre des mesures", a-t-il suggéré et d’estimer que "les pays qui ne sont pas encore touchés comme la Guinée et le Sénégal doivent conjuguer leurs efforts et surtout solliciter la compréhension des populations".
Interrogé par le journal Le Quotidien, l’imam et député Mbaye Niang, a soutenu de son côté qu’"on ne peut pas interdire à quelqu’un de se couvrir comme le lui demande l’islam. C’est une atteinte à la liberté religieuse des gens, qui est garantie par notre Constitution".
Toutefois, a-t-il précisé, "l’islam n’oblige pas à la femme à couvrir son visage" et d’ajouter que "le visage et les mains doivent être découverts. On ne peut pas se permettre de se promener dans la rue tout en ayant le visage couvert. Les individus doivent être identifiés".
"On ne doit pas permettre à quelqu’un de couvrir tout son corps comme le font les terroristes. C’est une tradition de certains pays qui n’a rien à voir avec l’islam", a-t-il relevé avant d’estimer que "si les terroristes utilisent cette méthode, c’est qu’ils veulent porter atteinte à la religion".
L’islamologue et chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noire, Khadim Mbacké, a fait remarquer pour sa part qu’"au Sénégal, le port du voile intégral est très faible chez les femmes. Raison pour laquelle il ne faut pas se précipiter pour le proscrire".
"Il n’y pas d’attentats et je ne vois pas l’utilité d’une telle mesure au Sénégal", a-t-il noté.
"Les pays qui ont déjà adopté ces initiatives sont en proie aux attentats terroristes. La mise en place d’une telle mesure créerait une instabilité sociale au Sénégal", a-t-il averti.
Toutefois, a-t-il soutenu, "l’Etat a le droit et le devoir de prévenir parce que gouverner, c’est prévoir" et de noter qu’"il y a une ligne délicate entre les mesures préventives et le respect des libertés individuelles et de culte".
"Je pense qu’il y a un équilibre à avoir pour que les citoyens ne se sentent pas lésés dans leurs droits", a-t-il conclu.
Le prêcheur Iran Ndao est quant à lui farouchement opposé à une éventuelle interdiction du voile intégral. Pour lui, "la question du terrorisme ne peut prospérer pour faire interdire le voile".
"Ce sont des tentatives de dévaloriser l’islam. Le terrorisme n’a rien à voir avec l’islam. Les terroristes sont des personnes mal intentionnées", a-t-il affirmé.
Enfin, l’historienne Penda Mbow est d’avis que "si le port de la burqa s’identifie à la dissimulation de bombes pour être utilisées dans la guerre terroriste, il faut être absolument vigilant".
"Quand il y a derrière l’habillement un phénomène politique, une utilisation surtout des enfants comme des bombes humaines, il y a lieu de réagir", a-t-elle estimé.
"A une provocation politique, il faut absolument une réponse politique appropriée", a-t-elle enfin soutenu.