«L’Afrique ne peut pas rater le rendez-vous du numérique, en restant bras croisés et laisser les autres se perfectionner dans ce domaine. Ceci porterait un sacré coup à notre destin». Cette mise en garde est du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), qui animait jeudi dernier à Dakar, une table ronde de l’Institut sur la gouvernance démocratique 2015, axé sur la «cybersécurité, souveraineté et gouvernance démocratique en Afrique».
L’enjeu majeur de ce 21ème siècle pour tous les Etats est celui de la maîtrise, du contrôle et de la manipulation de l’informatique. Un outil irréversible, puisqu’il implique et nécessite l’emballement de tous, faute de quoi point d’Etat fiable et viable. Cet élan numérique aux lendemains démesurés, l’Afrique ne saurait rester bras croisés, alertent les chercheurs du Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria). C’était jeudi dernier, à Dakar, lors d’une table ronde dans le cadre de l’Institut sur la gouvernance démocratique 2015 axé sur: «Cybersécurité, souveraineté et gouvernance démocratique en Afrique».
Olivier Sagna, secrétaire général d’OSIRIS, directeur des Etudes, des politiques et de la Coopération à la direction générale de l’enseignement supérieur qui exposait sur «les défis de la souveraineté numérique pour l’Afrique», a estimé que l’Afrique en dépit de son retard numérique en termes de création et d’innovation dans ce volet ne peut manquer ce rendez-vous du Cloud numérique. Car, selon lui: «Il est inconcevable que nos informations soient gardées dans des logiciels ouverts basés au Etats-Unis dont on connait le code source permet d’y accéder et d’en faire un usage à son gré. Nos dirigeants doivent se trouver les moyens de s’acheter des logiciels propriétaires pour stocker des informations relevant des ministères particulièrement ceux des Forces armées, et des Affaires étrangères. Cette nécessité s’impose aux décideurs politiques, de lotir les agents de sécurité (police, gendarmerie, affaires étrangères, douanes … de moyens car ils (agents) ne doivent pas utiliser des comptes «Gmail» pour échanger des courriers électroniques». Aujourd’hui, poursuit-il «que ce soit les Usa, la Chine, la France, entre autres géants, qui ont injecté beaucoup de moyens dans ce domaine lisent tout ce qui s’y passe». Par conséquent, «il est tant que l’Etat prenne conscience de l’enjeu stratégique et tente de limiter les dégâts», a-t-il fait savoir.
Pour Mouhamadou Lo, président de la commission de protection des données personnelles (Cdp), «le risque est réel, car un simple clique peut déstabiliser un Etat. Et à cela, le faible risque qu’encourt le délinquant qui peut se situer partout dans le monde et échapper à la répression». Par conséquent, dira-t-il: «Il faut éviter le cloisonnement disciplinaire et corporatiste. Et penser à une stratégie commune et globale pour y faire face. Car la police à elle seule ne peut pas lutter contre la cybercriminalité».
Quand à Papa Assane Touré, magistrat, secrétaire général adjoint du gouvernement à la primature indique que «dans le passé le Sénégal avait décidé de stocker ses données à l’étranger parce que ne disposant pas de moyens pour le faire. Mais aujourd’hui il existe un «data center» à l’Agence de l’informatique de l’Etat (Adie) capable de stocker 100 fois l’équivalent de toutes les données du pays. Le reste est une question de décision politique pour que les données des ministères y soient gardées», a-t-il précisé.
Enfin, Abdoullah Cissé, avocat à la cour, professeur des universités et directeur de recherche pour cette présente session s’expliquant sur le portée du débat laisse entendre que «le constat est parti tout simplement fait que depuis l’avènement de la révolution numérique nos Etats vivent dans une zone d’incertitude marquée parfois par certains catastrophes. Et toutes ces menaces et risques ont un dénominateur commun qu’est l’usage des technologies de l’information et de la communication. Qui nous propulse dans une nouvelle civilisation numérique et qui interpellent nos décideurs et citoyens. Dès lors, la question qui se pose », s’interroge t-il est de savoir «comment redéfinir la place de l’Etat, (obligations, rôle) en matière de gouvernance démocratique dans un contexte marqué par l’utilisation fulgurante des Tic?». Mais aussi, poursuit-il «la dépendance de nos mode de vie, de sécurité, de développement vis-vis du cloud numérique (toile)».