Le maire de Ninéfécha, Dondo Keïta, appelle les pouvoirs publics à s’appuyer sur des partenaires pour "faire revivre’’ l’hôpital de cette commune de la région de Kédougou, au sud-est du Sénégal, à défaut de lui rendre tout son lustre d’antan.
Le gouvernement, les agents de santé, les ONG et les différents acteurs concernés doivent se concerter pour voir "comment faire revivre cet hôpital", a dit le maire de Ninéfécha, dans un entretien accordé à l’APS.
Cette infrastructure sanitaire dotée d’un plateau technique "très relevé", était le fruit d’un don du Conseil général des Hauts-de-Seine et de son président, Charles Pasqua, à la fondation Education Santé de l’ex-première dame, Viviane Wade.
L’hôpital de Ninéfécha avait été inaugurée en 2002 par l’ancien président Abdoulaye Wade, en compagnie de Charles Pasqua. Il a été fermé en 2013, au lendemain de sa perte du pouvoir. Il a été ensuite rouvert en août 2014 et fonctionne depuis sous la forme d’un poste de santé.
Jadis considéré comme un "joyau sanitaire", cet établissement sanitaire a repris du service en fonctionnant avec le minimum de son potentiel, une bonne partie des services n’étant toujours pas fonctionnels, faute de personnel.
Cette structure moderne est implantée dans ce hameau enclavé qu’est Ninéfécha, au grand bonheur de la minorité ethnique Bédik très présente dans la zone. Sur son parc automobile de sept véhicules, un seul marche, l’une des deux ambulances en l’occurrence.
"En ce qui concerne le matériel, je sais que nous sommes gâtés, mais c’est le personnel et le fonctionnement qui nous font défaut’’, a relevé M. Keïta. "Tout ce qui fonctionne en ce moment, ce sont les soins curatifs, la planification familiale, la maternité, le programme élargi de vaccination, la consultation générale et la consultation postnatale", a de son côté indiqué l’infirmière chef de poste, Marie-Noëlle Sène.
Le service de radiologie, le bloc opératoire, le service dentaire, la salle d’échographie et le laboratoire sont à l’arrêt, a-t-elle signalé.
Outre un bâtiment principal qui abrite, entre autres, le bureau de l’ICP, un autre, destiné à héberger de nouveaux bureaux, auquel il ne manquait plus que des portes et fenêtres, était en finition, quand les activités avaient cessé. Le reste du site est constitué de cases en toit de chaume, pour coller avec le décor du village. Construites en dur, ces cases sont équipées de lits et d’appareils très sophistiqués, aujourd’hui recouverts de poussière. Preuve qu’ils ne sont plus entretenus depuis fort longtemps.
‘’Au moment où l’hôpital fonctionnait, on avait moins de problèmes que maintenant, parce qu’on avait des moyens de déplacement’’, s’est souvenu Dondo Keïta. L’ambulance était utilisée pour évacuer et aller chercher les malades et le car assurait la liaison entre Kédougou et Ninéfécha, a ajouté l’édile.
‘’Mais depuis que l’hôpital est fermé, on est confronté à des problèmes, surtout avant qu’on ne rouvre l’hôpital en nous envoyant une infirmière’’, a poursuivi le maire de Ninéfécha.
Pendant cette période, les malades étaient évacués sur des motos vers Bandafassi ou Kédougou. Il raconte qu’un jour, alors qu’il amenait un enfant à l’hôpital, celui-ci décéda à Bandafassi, ce qui l’avait contraint à louer une voiture, ne pouvant plus transporter le corps à moto.
Même s’il y a ‘’du mieux’’ depuis la réouverture de la structure, le problème demeure, parce que quand il fonctionnait à plein régime, l’hôpital fournissait de l’électricité à certains habitants du village et permettait de distribuer de l’eau courante à partir d’un château d’eau installé sur place. Ce qui n’est plus le cas. Le groupe électrogène qui permettait de pomper l’eau, ne fonctionne plus, car sa batterie s’est détériorée.
‘’C’est madame (Viviane Wade) qui amenait le personnel d’entretien, maintenant on ne sait plus où les trouver’’, indique le maire, non sans regretter l’erreur selon lui commise, qui a été de ne pas former des agents de maintenance au niveau local, pour prendre en charge les installations après le départ de l’ancienne équipe.
Pour certaines analyses, des malades quittaient Kédougou pour Ninéfécha, tout comme certaines opérations y étaient référées, se souvient-il, nostalgique, ajoutant qu’en plus d’un matériel ultramoderne, des médecins militaires étaient sur place.
‘’Comme on était habitué à des choses modernes, on a des difficultés, parce qu’on n’a plus la confiance et la sécurité d’avant’’, a indiqué M. Keïta, selon qui l’infirmière chef de poste ‘’se débrouille, mais il y a des choses qui la dépassent’’.
‘’On aurait souhaité que même si ça ne redevient pas comme avant, qu’il y ait une différence seulement’’, a-t-il dit, admettant que ‘’ce sera difficile que ça redevienne comme avant’’.
Toutefois, il estime que ce serait du ‘’gâchis’’, si tous les bâtiments construits et équipés n’étaient plus utilisés, par manque de moyens de fonctionnement. ‘’D’autres diront peut-être que ce n’est pas la peine, c’est en brousse, mais moi, je dis que si on peut évacuer jusqu’à Tamba à 233 km, pourquoi ne pas évacuer ici à 40 km’’, a-t-il dit, mettant en exergue le coût du transport.
‘’L’essentiel, a-t-il souligné, c’est où on peut retrouver sa santé, que ce soit en brousse ou en ville’’. ‘’C’est déjà un acquis pour la région de Kédougou qui n’avait pas d’hôpital, un acquis qu’on pouvait préserver’’, a-t-il dit, relevant qu’à maintes reprises, l’ambulance de Ninéfécha a été amenée à Kédougou, pour remplacer momentanément celle qui y était utilisée, alors qu’elle était partie faire une évacuation.
‘’Ce qu’on peut dire à l’Etat, c’est que même s’il se dit que c’est l’autre régime qui l’avait mis en place, qu’il sache que c’est pour les Sénégalais qu’il a été (construit). Le coup est déjà parti, il l’a légué à des personnes dont l’actuel régime a désormais la charge d’assurer la santé et l’éducation’’, a-t-il dit.
Selon le maire de Ninéfécha, c’est cet hôpital qui ‘’faisait la vie’’ de la localité. ‘’C’est grâce à lui que Ninéfécha est devenue une commune’’, a-t-il noté, en émettant le souhait de voir l’Etat garantir la continuité du service, en ramenant l’électricité à l’hôpital.
Le maire de Ninéfécha avait déjà interpellé sur le même sujet l’ancien Premier ministre Aminata Touré, lors du conseil interministériel délocalisé à Kédougou, le 16 avril 2014. Mme Touré avait alors promis la réouverture de l’hôpital de Ninéfécha et l’affectation d’un personnel requis.
De même, l’édile de Ninéfécha a dit avoir aussi soumis récemment la question au chef de l’Etat, lors d’une rencontre avec Macky Sall, le 7 juin à Dakar. Il est ensuite allé voir le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Awa Marie Coll Seck, qui lui avait assuré, selon lui, qu’un médecin était affecté à Ninéfécha, mais est en formation, après avoir réussi à un concours de spécialité.
‘’Elle m’a promis de trouver un médecin qui va le remplacer, en attendant qu’il termine sa formation’’. M. Keïta affirme aussi avoir aussi obtenu la promesse que l’eau et l’électricité, seront rétablies.
‘’Jusqu’ici, j’attends’’, a-t-il fait observer. ‘’C’est vrai qu’on n’a pas voté pour l’APR (Alliance pour la République, pouvoir) aux présidentielles et aux législatives, mais maintenant, celui qui est au pouvoir, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, c’est lui qui peut faire quelque chose pour nous, il faut qu’on travaille avec lui’’, a-t-il relevé.
L’élu qui a réussi à faire basculer cet ancien fief libéral dans le camp du parti au pouvoir, lors des dernières locales, se veut pragmatique. ‘’L’autre a pu faire quelque chose pour nous, c’est parce qu’il était au pouvoir, maintenant, il ne peut plus, parce qu’il n’est plus au pouvoir’’, philosophe-t-il. Pour lui, ‘’ce sera un peu contradictoire de dire : +on ne t’aime pas, mais essaye de faire quelque chose pour nous sortir de cette situation+’’.