Le procès de Hisséne Habré, deux jours seulement après son ouverture, est renvoyé au 7 septembre 2015. La cause est due à la commission d’office d’avocats pour l’inculpé qui, en dépit d’être muet devant le juge, a demandé à ses avocats de ne pas comparaître. Constatant les faits, le président des Chambres africaines extraordinaires d’assise, Gberdao Gustave Kam, a décidé d’octroyer 45 jours aux nouvelles recrues afin qu’elles prennent connaissance du dossier.
C’est une guerre sans merci que Hissène Habré livre aux juges des Chambres africaines extraordinaires. En effet, au deuxième jour de son procès, il est resté ferme sur sa position. Aphone, il n’a donné aucune suite favorable aux questions du président des Chambres africaines extraordinaires d’assise, Gberdao Gustave Kam. Pis, il a demandé à sa défense de ne pas se présenter à l’audience. Ce faisant, il n’avait aucun avocat à ses côtés. Constatant les faits, le président des Chambres africaines extraordinaires d’assise a commis d’office des avocats pour l’inculpé. Mbaye Séne, Mounir Ballal et Abdou Gningue sont les nouvelles recrues qui vont défendre les intérêts de l’ex chef d’Etat Tchadien. Ainsi donc, c’est pour permettre à ces derniers de s’imprégner du dossier de leur nouveau client que le procès est renvoyé jusqu’au 7 septembre, soit 45 jours de pause.
Le procureur général des Chambres africaines extraordinaires, Mbacké Fall déplorant le renvoi a jugé excessif le nombre de jours accordés à la nouvelle défense surtout que, c’est l’accusé lui-même qui a opté pour le silence. Mbacké Fall trouve par ailleurs, que Hissène Habré ne va pas collaborer avec les avocats commis d’office par le juge. Mieux dit-il, Hissène Habré n’a pas à décider s’il va parler ou non à des avocats. Ainsi, il appelle les avocats à agir selon l’intérêt de la justice. Le juge Gberdao Gustave Kam, en ce qui le concerne s’est dit surpris par la tournure qu’à pris le procès et ne s’attendait pas à un renvoi à cause de l’absence d’une défense. En effet, dit-il à l’interrogatoire d’identité du 1er juin 2015, Hissène Habré s’est présenté dans les locaux des Chambres africaines extraordinaires accompagné de son avocat. S’agissant des 45 jours requis par les avocats commis d’office, le juge d’affirmer que le délai est raisonnable car, le juge d’instruction avait requis 19 mois pour l’étude du dossier. Mieux, a-t-il ajouté, le fait de chercher des avocats à Hissène Habré vise à garantir le respect d’un procès juste et équitable.
SON PROCES RENVOYE : Habré crie victoire
Le différé du procès « imposé » aux juges des Chambres africaines extraordinaires sonne comme une victoire pour Hissène Habré. En effet, muet pendant l’audience, l’inculpé après la décision de renvoi, s’est levé les mains dirigées vers le ciel en signe de victoire. Hisséne Habré accompagné de ses gardes, quitte ainsi la salle 4 du tribunal régional de Dakar sous les acclamations de ses proches qui continuent à qualifier de procès d’un règlement de compte politique. Pour rappel, Hissene Habré n’a jamais reconnu la légitimité des Chambres africaines extraordinaires (Cae). Ainsi donc, il avait décidé de ne pas se présenter à toutes les audiences. Amené de force au tribunal, il est resté silencieux sur toutes les questions qui lui sont posées.
REACTIONS... REACTIONS... REACTIONS...
GEORGE HENRY GAUTHIER, AVOCAT DES VICTIMES : «C’est un jeu qu’il essaye de jouer...»
Tout est fait pour qu’il soit défendu. A partir du moment où tout est fait qu’il n’en veut pas, son droit au silence est respecté. Mais, on a le droit de le juger, on a droit à un procès équitable avec des témoins à charge et à décharge. Ce serait trop facile de se mettre la tête dans le sable disant que je ne vais pas parler. Il faut qu’on le juge, qu’il soit là ou pas. Les victimes ont le droit de voir en face leur bourreau. Les victimes ont le droit de faire valoir leur droit et demander réparation. Hissene Habré, à partir du moment où il désire se défendre tout seul par le silence et si ses avocats ne sont pas là pour manifestement interpréter ce qui lui est dit, le juge a le droit de commettre d’autres avocats. C’est un jeu qu’il essaye de jouer. Mais, le procès sera équitable et les Chambres africaines extraordinaires veulent qu’il le soit le plus possible en empêchant que Hissène Habré puisse avoir une critique de dire : je n’avais pas d’avocats.
MOUNIR BALLAL, AVOCAT COMMIS D’OFFICE : «Il n’est pas nécessaire qu’Habré collabore...»
Si Habré nous récuse nous continuerons à le défendre. Puisqu’en principe, comme l’a souligné le Président des Chambres africaines extraordinaires d’assise, je ferai mon devoir d’avocat de la défense et je participerai à l’œuvre de justice. Puisqu’il n’est pas absolument nécessaire que Hissène Habré accepte que je sois son avocat ou pas dans la mesure où ma constitution est intervenue sur la base d’une ordonnance de commission d’office. Donc, je n’ai pas à ce niveau là à me préoccuper de la récusation de Hissène Habré ou pas.
WILLIAM BOURDON, AVOCATS DES VICTIMES : «Je ne vais pas critiquer la décision prise par le juge mais...»
Il a toujours trouvé que ce procès était illégitime et qu’il n’attendait rien de ces Chambres africaines extraordinaires. Comment peut-on dire que le procès est illégitime et en même temps utiliser tous les outils de la démocratie, tous les outils légaux pour essayer de paralyser, de réduire et de détruire le procès. Je ne vais pas critiquer la décision prise par le juge, je la respecte mais, de mon point de vue, je pense qu’il faut bien mesurer les risques. Le risque c’est que Hissène Habré reviendra dans 45 jours avec plusieurs options. Il peut venir et dire de ses avocats, « je ne les ai jamais connus, vous les avez commis pour moi, je n’ai rien à faire avec eux ». Et, ce serait cohérent de sa part d’ailleurs. Il peut aussi activer les avocats pour leur demander de multiplier des incidents de procédure, de soulever des exceptions d’incompétence, pour à nouveau indéfiniment gagner du temps pour essayer de paralyser le procès. Nous ne déplorons pas la décision mais nous la regrettons profondément. Depuis très longtemps Hissène Habré a décidé de saboter, d’asphyxier le procès. Nous savions que ce procès allait démarrer dans le vacarme. Il a même monté un coup hier pour dire qu’il a été victime d’ignobles violences. Or, les victimes sont avec nous. Hissène Habré a choisi la défense de la lâcheté, la défense de la désertion, de peur de regarder les victimes. Il est obligé de baisser ses yeux s’il croise le regard des victimes. Hissène Habré se moque des Chambres africaines extraordinaires autant qu’il se moque des avocats qui ont été commis pour lui. Il faut éviter que ce procès soit pris en otage par l’accusé.
ASSANE DIOMA NDIAYE, AVOCAT DES VICTIMES : «Notre obstination sera beaucoup plus forte que le dégoût»
C’est un sentiment de relative déception. On aurait aimé que l’envol qui a été déjà pris soit définitif. Mais nous savons également que de l’autre côté, tout sera mis en œuvre pour faire en sorte que cette justice ne se fasse pas. Nous savons également que la personnalité de l’homme nous pousse à être très prudents. Nous savions que c’était un guerrier, un homme d’honneur qui ne s’avoue jamais vaincu et nous nous attendions à ce comportement du lion blessé. Il a dit à ses avocats de ne pas comparaître, ce qui est une stratégie. Et il savait pertinemment qu’à l’appel de son nom et de son avocat et en cas de carence, la cour serait obligée de désigner d’office des avocats. La cour, en désignant des avocats, leur donnerait un minimum de temps pour leur permettre de s’imprégner du dossier. C’est une manière de paralyser temporairement ce dossier. Les victimes qui sont là ne s’attendaient pas à ce scenario. Nous disons à Habré que notre obstination sera beaucoup plus forte que notre dégoût. Aucune action, aucun écueil, aucun obstacle devant notre chemin ne nous découragera pas.
ME IBRAHIMA DIAWARA, AVOCAT D’HABRE : «Nous allons écrire aux avocats commis pour leurs dire que...»
Nous sommes scandalisés. Nous avons aujourd’hui la preuve qu’en réalité les Chambres africaines extraordinaires veulent juger Hissène Habré tout en violant ses droits. Une commission d’office c’est quand un accusé n’a pas d’avocats. Or, dans le cas d’espèce, Hissène Habré a des avocats qu’il a choisis, et c’est nous même qui avons été cités pour comparaître à l’audience d’ouverture. Dans une cause, si des avocats sont constitués, s’il y’a d’autres avocats qui sont désignés ou qui veulent se constituer, il leurs faut au préalable en informer leurs confrères. Ce qui n’a pas été fait et comme il en est ainsi, il nous est permis de les écrire et dire que nous opposons à ce qu’ils se constituent pour notre client. Et c’est ce que nous allons faire dans les prochains jours. L’inculpé a le droit de se défendre et il est libre avec ses avocats de décider de la stratégie à adopter. Le boycotte du procès est conforme aux droits de l’inculpé. La stratégie de la défense ne regarde pas le président des Chambres africaines extraordinaires d’assise. Si les avocats commis d’office décident de défendre Hissène Habré sans qu’il ne leur parle, ils ne sont plus dans leur rôle et ne peuvent aucunement parler à son nom. Ces avocats commis d’office sont des avocats du président Gberdao Gustave Kam. Nous, véritables avocats de Hissène Habré, nous n’allons pas participer à ce procès qui est une farce car, le résultat est connu. Hissène Habré est déjà condamné, il est coupable même avant d’être jugé. Il ne peut avoir qu’une seule décision c’est que Hissène Habré est coupable et sera condamné.