Les faveurs accordées aux entreprises multinationales en Afrique qui exploitent nos ressources sous prétexte d’attirer les investissements directs étrangers (Ide) ont fait perdre à l’Afrique, en 40 ans, quelques 854 milliards de dollars. Ces flux placés dans des paradis fiscaux à travers le monde représentent plus que l’aide publique au développement accordé aux pays en voie de développement. Une situation très désavantageuse à l’Afrique tant que ce continent restera dans la désunion, déplore Elimane Haby Kane, président Leadership, éthique, gouvernance, et stratégies pour l’Afrique.
L’argent gagné par les multinationales en Afrique, transféré, ou alors utilisé frauduleusement vers des paradis fiscaux couvrant la période 1970-2008 est tout simplement effarant. Pis, les chiffres font froid au dos.
Dans un rapport dénommé «rapport Thabo Mbéki ou la carte de pillage de l’Afrique», publié en février dernier il est clairement indiqué que l’Afrique a perdu en moyenne quelques 854 milliards de dollars sur une période de 40 ans. Ce qui selon le dit rapport représente, en moyenne, une perte estimée à 50 milliards de dollars par an pour l’Afrique. «Cette situation s’explique en partie par notre désunion», s’en désole Elimane Haby Kane, président du Leadership éthique, gouvernance, stratégies pour l’Afrqiue (Legs).
«Et dans ce flux financier c’est une «petite partie qui est due à la corruption, mais plus 35% à la fraude fiscale, et à l’évasion fiscale conférée aux multinationales», renseigne M. Kane. Un véritable désastre pour les pays africains puisque cela représente «11 milliards de dollars volés à l’Afrique par des multinationales à partir des stratégies d’optimisation qu’elles développent pour échapper à la fiscalité dans les pays où elles produisent», fera-t-il savoir.
Selon ses explications, cette perte énorme de capitaux signifie que «ses sociétés étrangères qui exploitent en créant des richesses à partir de nos ressources ne payent pas suffisamment d’impôts, de taxes dans nos pays respectifs. Parce que d’une part, «il y a des mesures incitatives qui donnent beaucoup d’exonérations fiscales à ces multinationales, sous prétexte qu’ils veulent attirer les investissements directs étrangers (Ide) et d’autre part le transfert de bénéfice et les surfacturations pratiquées par ces multinationales», relève M. Kane. Un laisser aller total qui sape fondamentalement nos économies puisque cela leur «permet de faire ce qu’ils veulent en déclarant ce qui leur convient sans contrôle, bref opérer dans une opacité totale», analyse M. Kane.
Et de soutenir que: «Cette pratique est visible dans les secteurs extractifs où la matière première (brute) est vendue hors du continent africain et exempte de toute fiscalité (valeur marchande)». «S’y ajoute l’ouverture de ‘’comptes offshores’’ dans des pays où il y a une réglementation fiscale très généreuse communément appelés paradis fiscaux. Autre mécanisme mafieux appliqué par ces sociétés étrangères, la démultiplication sur plusieurs entités leur permettant d’être présent sur toute la chaine de valeur. Et entre elles, il se passe des services qui leur permettent de surfacturer», développe le président de Legs. Ce qui lui fera dire que: «Cette manne financière perdue, équivaut à plus de toute l’aide au développement reçue».
«Cette nouvelle forme de recolonisation est murement et sciemment porté par les dirigeants de ces pays, qui donnent suffisamment de moyens à leurs investisseurs nationaux pour investir en Afrique», a soutenu M. Kane.
Sous ce rapport, conseille le président du Legs-Africa, «l’Afrique gagnerait à s’unir pour se développer. Hormis cela, point de développement en Afrique puisque ces pays développés n’existent que par l’Afrique. Par conséquent, ils ne nous lâcheront point. En vérité, dans le contexte géostratégique actuelle, la clé du monde est en Afrique, mais pas entre les mains des africains. C’est la prise de conscience à faire, pour se mobiliser dans le but de relever les défis, car les enjeux sont cruciaux et urgents», argumente M. Kane.
Ces données qui peuvent paraître erronées traduisent la porosité d’un continent où les affaires, publiques comme privées, sont souvent gérées dans l’opacité absolue. L’exemple du Nigeria qui a connu un détournement de 50 milliards de dollars en un temps si court, entre janvier 2012 et juillet 2013 comme le révèle la lettre non signée du gouverneur de la Banque Centrale du Nigeria, Sanusi Lamido, adressée au président Jonathan Goodluck, est la preuve la plus éclatante de ces détournements d’argent de grande ampleur vers des paradis fiscaux en général.
Ce rapport du panel de haut niveau piloté par Thabo Mbéki indique en outre que sur les dix dernières années, environ 56% des transferts illicites proviennent de l’exploitation du pétrole, des métaux précieux, des minerais de fer et du cuivre.
C’est à dire des richesses concentrées dans un certain nombre de pays. Les autres secteurs comme les fruits et légumes, machines et équipement, pêche, comptent pour environ 3 à 4% chacun.