Si cela ne dépend que de l’imam de la Grande mosquée de Dakar, le chef de l’Etat fera un mandat de 7 ans. El Hadji Alioune Samb a en effet demandé à Macky Sall, de ne pas ramener son mandat à 5 ans. Une opinion que le chef de l’Etat s’est abstenu de commenter.
Il n’est pas exagéré de dire que l’imam ratib de la Grande mosquée de Dakar est de la mouvance présidentielle. Son opinion sur le mandat du chef de l’Etat n’est pas en effet différente de celle de certains responsables politiques de l’Alliance pour la République (Apr). A l’occasion de la grande prière de l’Aid-El-Fitr, communément appelée Korité, qu’il dirigeait samedi dernier, El Hadji Alioune Samb a demandé au président de la République de faire un mandat de 7 ans et non 5 ans. «Il faut faire un mandat de 7 ans s’il vous (Macky Sall) plait», a-t-il dit en wolof. Selon l’imam, c’est ce que les Sénégalais attendent du chef de l’Etat. D’ailleurs, prévient-il, «toutes les personnalités qui vous demandent de respecter cette promesse électorale lorgnent en réalité votre fauteuil.» Avant d’ajouter toujours en wolof : «Wax waxeet, waxu caaxaan la (Dire et se dédire n’a rien de grave)».
Aussi, l’imam est-il revenu sur les divergences observées, à propos du croissant lunaire. «Nous devons arrêter le jeûne quand nous voyons la lune. Il y a trop de spéculations sur la lune. Mais si on se référait aux textes, il n’y aurait pas tous ces problèmes» a-t-il dit, en précisant que si le ciel est couvert de nuages et que la lune n’a pas été vue, les fidèles doivent jeuner le 30e jour. Cependant, l’mam souligne que le Sénégal n’a pas besoin de se référer aux autres pays pour scruter la lune, estimant que tous ces problèmes sur le croissant lunaire sont occasionnés par ceux qui ont fait des études à l’étranger et qui sont revenus au bercail.
Il s’est également prononcé sur les habitudes vestimentaires des jeunes d’aujourd’hui, regrettant le fait qu’ «ils ne s’habillent plus correctement et ne font que danser.»
Le chef de l’Etat lui, interrogé sur les propos de l’imam concernant son mandat, n’a pas souhaité faire de commentaire devant la presse. Il a néanmoins promis de revenir sur ces déclarations ultérieurement.
REACTION «Dévoiement récurrent» de la mission de l’imam de la Grande mosquée
La Collectivité Léboue tance vertement El Hadji Moussa Samb
L’imam El Hadji Moussa Samb a suscité l’ire de la communauté léboue, pour dire le moins. Celle-ci s’est en effet fendue d’un communiqué hier, pour fustiger l’attitude de l’imam, tout en regrettant le fait qu’il soit récidiviste. «Depuis trois ans, il ne se passe pas une prière collective de l’Aïd-el-Kébir ou de l’Aïd-el-Fitr sans que l’écrasante majorité des musulmans du pays n’aient à souffrir dans leur foi, du dévoiement de la noble mission de la «mînbar» (chaire) de cet illustre lieu de culte qu’est la Grande Mosquée de Dakar», lit-on dans le document de Mame Makhtar Guèye et Cie.
Ils rappellent d’ailleurs outrés, que lors d’une prière de Korité, dirigée par l’imam Samb, il y a eu «un usage malvenu fait de la «mînbar», pour exacerber un parti-pris à connotation clanique voire ethniciste. Alors que la Grande mosquée est censée être un lieu d’adoration, ayant pour dénominateur commun à tous les Croyants, de toutes obédiences confrériques : Allah et Son éminent Prophète, Mouhamed (Psl).»
La communauté léboue indique que : «Il n’est pas de la vocation d’un Croyant d’inciter son prochain à dévaloriser la parole donnée ou à se dédire. Venant à fortiori d’un imam, dont le rôle premier est de saisir l’opportunité de ces grandes rencontres de la Foi, pour exhorter les Croyants à s’amarrer aux hautes valeurs morales prônées par l’Islam.» D’autant plus d’ailleurs, font remarquer Mame Makhtar Guèye et ses camarades, «le principal intéressé, le Président Macky Sall, s’était maintes fois, et sans ambiguïté aucune, prononcé sur le sujet (et) a suffisamment martelé qu’il comptait respecter son engagement, pris devant ses compatriotes, de réduire son mandat de 7 à 5 ans.»
La communauté léboue laisse entendre que trop c’est trop et «présente (encore une fois !) ses excuses à toute la Oumma islamique, pour cette échappée dont ce n’était ni le lieu (la Grande Mosquée), ni le jour (l’Aïd-el-Fitr), et qui aura davantage été source de discorde que de concorde nationale.»
alyfall@lequotidien.sn
Sermon au sermon
L’imam ratib de la Grande Mosquée de Dakar a voté 7 ans pour le mandat de Macky Sall. Et ce, avant le référendum. Mais là n’est pas la question d’ailleurs. C’est plus le statut qu’il incarne qui ne lui autorise pas une telle position. Alioune Moussa Samb est ainsi allé plus loin que le chef de l’Etat lui-même qui préfère soumettre la question au peuple sénégalais. On peut le prendre comme un simple avis d’un citoyen si c’était dans un autre lieu, dans d’autres circonstances. Mais ce message urbi et orbi, puisque suivi par tous, a une portée qui peut influer sur l’opinion. Qui froisse aussi ces autres qui croient au quinquennat, comme l’intéressé himself. C’est donc, à la limite, une caution au wax waxeet. Ce sermon viole le serment de la parole donnée. Et s’il y a un livre qui recommande le reniement, ce n’est pas en tout cas le Saint coran. Au contraire, ce serait un thème qui collerait bien à une société en perte de valeurs, en colère contre la foi. Une communauté qui voit plusieurs lunes dans le ciel. Quelle différence y a-t-il entre un meeting politique au cours duquel l’imam donnerait une consigne de vote pour le «oui» ou pour un candidat à une élection et ce sermon ? C’est que, comme pour le droit au Tribunal, quand la politique, politicienne surtout, entre dans la mosquée par la porte, la religion en sort par la fenêtre.
Combien sont-ils, samedi, à émettre une moue de dépit à cette sortie qui, finalement, a été plus retenue par les fidèles que le sermon de l’imam ? Il faut convenir que le guide n’était pas là pour guider ceux qui se sont déplacés vers son chemin, mais bien vers celui qui mène vers Dieu. Même si certains font de la politique, comme la religion l’est, une croyance. S’il est la voix, non pas du peuple, mais d’un peuple, il doit respecter les divergences des uns et des autres.