Que cherche donc l’armée en faisant convoquer trois directeurs de publication de journaux à la Section de recherches de la Gendarmerie nationale ? Alioune Badara Fall, Mohamed Guèye et Mamoudou Wane, respectivement Directeur de publication de “L’Obser- vateur”, du “Quotidien” et de “EnQuête” ont été entendus par la gendarmerie à la caserne Samba
Diéry Diallo de Colobane à Dakar. Le dernier cité, a été auditionné avant-hier en tant qu’administra- teur du site d’informations ligne- directe.sn, suite à la mise en ligne d’informations relatives à de récentes nominations au sein de “la grande muette”. Pour sa part, Alioune Badara Fall a été interrogé sur le contenu d’un article paru dans “L’Observateur”, et signé Mamadou Seck, qui évoque le “schéma des 2100 soldats pour la guerre au Yemen” et titré “Deux groupements de combat Alpha et Bravo, deux groupes d’appui et de soutien”. Mamadou Guèye, direc- teur de publication du “Quotidien”, a lui été prié de s’ex- pliquer sur la provenance du pro- cès-verbal d’audition du chanteur
Thione Seck par la section de recherches de la gendarmerie suite à son arrestation dans le cadre d’une affaire de faux billets de banque. Le Pv avait été publié par “Le Quotidien” dans son édi- tion du 10 juin 2015. Les avocats de l’artiste avaient porté plainte pour violation du secret de l’ins- truction.
Alioune Badara Fall a pu passer la nuit hier chez lui tandis que Mohamed Guèye était encore dans les locaux de la Section de Recherches de la Gendarmerie jusqu’au moment où on mettait sous presse, tard la nuit. Les deux journalistes de l’Obs sont invités à se présenter à nouveau ce matin devant les gendarmes.
Coïncidence pas fortuite
D’emblée, il faut souligner que la coïncidence des trois convocations portant sur des dossiers différents n’est pas for- tuite. Selon toute vraisem- blance, l’armée nationale n’a que très peu apprécié la diffu- sion d’informations la concer- nant et a tapé du poing sur la table. Il ne viendra à personne ici l’idée de poser des actes
allant dans le sens de porter atteinte à une armée respectée par tous et plus que jamais socle de la nation, à moins que des motivations inqualifiables ne les sous-tendent. Harnachés au sens de la responsabilité, nous ne saurions nous inscrire dans une logique de diffusion d’infor- mations qui pourraient porter atteinte au moral de nos troupes ou à l’intérêt national. C’est bien compris. Très souvent, des nou- velles sont tues, par sens et devoir de responsabilité.
La bonne question est donc de savoir si la convocation de journa- listes devant la gendarmerie est la bonne méthode pour trouver des réponses aux questions qui habi- tent naturellement les Sénégalais quand ils ont écho d’engagements de notre armée à l’étranger. Pour expliquer cette situation qui porte atteinte à la liberté de la presse et au droit à l’information des popu- lations, les autorités de notre pays, en raison de notre label démocra- tique, devront nécessairement justifier à la face du monde les rai- sons de ces convocations et donc, parler des écrits incriminés. Car le monde entier nous regarde.