En citant un philosophe dont il n’a pas donné le nom, Monsieur le Ministre Abdou Latif Coulibaly, Secrétaire Général du Gouvernement nous dit : « il faut savoir détacher le bruit qui est fait autour d’une chose de la chose elle-même ». Des propos tenus dans l’interview accordée au journaliste Bacary Domingo Mané, parue dans l’édition n° 6654 de Sud Quotidien, du vendredi 10 Juillet 2015.
Chiche ! Prenons-le au mot ou aux maux ( ?), et détachons ce bruit-là de la chose et parlons de la chose elle-même.
Les lenteurs administratives, mauvaise justification de l’externalisation du PUDC.
Si des lenteurs administratives sont encore déplorées aujourd’hui, c’est parce que trois (3) ans après l’installation de celui que les Sénégalais ont élu au suffrage universel, chef de l’administration et à qui la Constitution donne le pouvoir absolu de nommer aux fonctions civiles et militaires, en est le premier responsable.
Dans le cadre de certains projets confiés au Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), le Gouvernement du Sénégal n’ignore pas que les premières études sur lesquelles la branche onusienne s’est fondée pour lancer des appels d’offre sont l’œuvre effective de l’administration sénégalaise. Malgré ses faiblesses et son manque de moyens, l’administration a réussi à transmettre au PNUD ses premiers dossiers d’appel d’offres.
Pour des projets similaires (pistes rurales, construction de forages, de châteaux d’eau, etc.) confiés au PNUD dans le cadre du Programme d’Urgence de Développement Communautaire (PUDC), l’administration sénégalaise, en dépit de ses manquements, a fini de démontrer ses capacités, et cela bien avant la fameuse modification du Code des Marchés Publics, relativement à la réduction des délais. En effet, le Programme National de Développement Local (PNDL), logé au Ministère chargé du Développement territorial, a réussi à passer des appels d’offre pour l’aménagement de pistes rurales avec une durée moyenne de quatre-vingt (80) jours hors approbation (dans l’orthodoxie, l’approbation ne doit pas prendre plus de 5 jours pour des projets de ce genre). Or, certaines hautes autorités de l’Etat du Gouvernement ont fini de convaincre le Président de la République que la durée d’un appel d’offre est de cent quatre-vingt-huit (188) jours. Cette performance des quatre-vingt (80) jour sa-t-elle été communiquée au Chef de l’Etat ?
Au moment où le PNUD a mis plus de cent (100) jours avant d’attribuer un marché, les communes de Ndorna (82 jours pour 25.73 Km de pistes rurales, pour un montant de 727 225 380 F Cfa), Saré Bidji (88 jours pour 27.60 Km de pistes rurales pour un montant de 1 042 908 103 F Cfa), Pakour (88 jours pour 26.40 de pistes rurales pour un montant de 791 870 624 F Cfa), Diaroumé (86 jours pour 28.50 Km de pistes rurales pour un montant de 845 036 335 F Cfa), Médina Baffé (57 jours pour 19.00 Km de pistes rurales pour un montant de 1 577 970 214 F Cfa), Dakatéki (56 jours pour 18.00 Km de pistes rurales pour un montant de 685 042 642 F Cfa)… accompagnées par le PNDL, ont terminé depuis longtemps leur passation de marchés. Elles sont dans la phase d’exécution des travaux, « sans bruit, autour de la chose ». Tout est question de management et d’organisation. Qui ne souhaite pas bien gérer et bien organiser?
Que dire aussi des constructions de routes (Kédougou-Sélamata : 32 milliards FCFA, Pata-Médina Yoro Foulah : 37 milliards FCFA, la Boucle du Boudier : 39 milliards F Cfa, Îles à Morphil-Bambey-Mécké : 99 milliards F Cfa) déjà attribuées à des entreprises et pilotées d’amont en aval par l’Administration sénégalaise. Monsieur le Ministre chargé des Mines, Aly Ngouille Ndiaye n’en ignore rien. Fort de ce constat, nous pouvons dire que la doctrine du Secrétaire Général du Gouvernement du « faire faire » ou « de ne pas trop faire faire » n’a pas de sens par rapport aux projets du PUDC.
Les « broutilles » du ministre et le manque de ressources et de moyens.
Monsieur le Ministre Abdou Latif Coulibaly nous affirme que le PNUD est «pratiquement payé pour des broutilles, 1 à 3% ». Du respect, Monsieur le Ministre. L’argent du contribuable ne doit pas être ramené à « des broutilles ». D’abord, il s’agit de la cotisation de dignes Sénégalaises et Sénégalais suant sang et eau, par tous les temps, qu’ils soient paysans, marchands ambulants, travailleurs dans le privé ou dans le public, qui participent à l’effort national. Ensuite, 3% de 100 milliards correspondent à 3 milliards de FCFA. Enfin, et cela montre que ce ne sont pas des broutilles, le PNUD n’a pas craché sur les 3% des 113 milliards (198 millions USD) que le Sénégal doit lui verser. Cet argent aurait pu servir au recrutement d’ingénieurs qualifiés pour renforcer notre administration, par exemple. Ou bien même, équiper l’administration de matériel de qualité (véhicules, matériels topographiques, etc…) pour la réalisation du programme. Enfin, il pouvait aussi servir à réaliser d’autres études au bénéfice de capacitation de l’administration. D’ailleurs, est ce que le paiement du PNUD est réellement à ces taux avancés par le Ministre?
Les risques de l’externalisation du PUDC.
Par ailleurs, c’est faire preuve d’un manque flagrant et élémentaire de vision que de penser que l’externalisation est « l’option résolue d’aller vite et bien dans la réponse à apporter aux populations ». Soutenir cela, c’est mal connaitre les procédures du PNUD. Pour s’en convaincre, il faut tout simplement se demander si depuis la signature de l’accord pour l’exécution du PUDC, le 5 Février 2015, des études ont été effectuées à l’initiative du PNUD. Cinq (5) mois se sont écoulés pour un programme dont le gouvernement dit qu’il se déroulera sur deux (2) ans (2015-2017). Et en plus, au-delà de leur obligation de réaliser 1650 km de pistes rurales, le PNUD ambitionne d’en faire 2000 en deux ans. Nous suivrons !
Cette volonté d’aller résolument vite ne fera-t-elle pas que les porteurs de croissance que sont les Petites et Moyennes Entreprises (PME) ne bénéficieront pas du programme d’une part, et que d’autre part les grandes entreprises seront surchargées ? Le risque couru est qu’au finish, tout soit bloqué dans la phase d’exécution.
C’est pourquoi, au lieu d’attendre que le PNUD ne se rabatte totalement sur l’administration – car c’est ce qu’il envisage de faire – la question qui se pose est la suivante : le PUDC ne doit-il pas revenir doit l’administration, avec la contribution du Ministère chargé des Infrastructures (pour les pistes rurales), l’AGETIP, qui a une grande expérience en matière de construction de forages, la SONES et les techniciens du Ministère de l’Hydraulique, autant de structures qui ont cumulé une grande somme d’expériences en matière de construction de châteaux d’eau ?.
Dans ce cas, il suffit de nommer des femmes et/ou hommes dont personne ne doute des compétences et de la probité et de l’honnêteté (ils peuplent l’administration sénégalaise !) dans les cellules de passation et les commissions des marchés en les motivant comme le gouvernement veut le faire avec le PNUD, mais en les soumettant aussi à des critères de performances sous peine de sanctions (positive ou négative) et de donner des instructions fermes pour la délivrance à temps des attestations d’existence de crédit. Il faut rappeler au passage que : « aller très vite ne veut pas dire, se mettre en marge des procédures et des organes de contrôle », pour reprendre les propos de l’ancien Ministre Abdoulaye Makhtar DIOP.
En attendant que les réformes en profondeur de l’administration annoncées depuis plus de trois (3) ans soient effectives et que le débat technique soit posé (par des personnes indiquées), nous avons détaché le bruit de la chose.
Birahime SECK
Membre du Conseil d’Administration du Forum Civil.