Le professeur agrégé en droit constitutionnel Babacar Guèye est formel : le Conseil constitutionnel va se déclarer «compétent» pour statuer sur le recours en annulation de la loi N°13/2015 portant révision du règlement intérieur de l’assemblée nationale. Joint au téléphone hier, mardi 7 juillet 2015, le spécialiste du droit qui a fait savoir qu’«il s’agit là d’une loi organique qui entre dans le champ de compétence du Conseil constitutionnel» rame à contre courant de toute assertion spéculant sur la prérogative réelle ou non des «Cinq sages» de se prononcer sur une loi interne à l’Assemblée nationale.
Le groupe des 19 députés signataires du recours en annulation de la loi N°13/2015 portant révision du règlement intérieur de l’Assemblée nationale et déposé avant-hier, lundi, auprès du Conseil constitutionnel, est-il sur le point de remporter la première manche de son combat contre cette très controversée loi, votée le 29 juin dernier ?
En tout cas, pour le professeur Babacar Guèye, l’espoir est permis pour le groupe de parlementaires initiateurs de l’initiative de voir les « Cinq sages » déclarer recevable le recours. Joint au téléphone hier par la rédaction de Sud quotidien, le professeur agrégé en droit constitutionnel s’est voulu clair sur cette saisine en annulation introduite auprès du Conseil constitutionnel par 19 députés dont notamment Thierno Bocoum (Rewmi), Samba Bathily (Rewmi), Oumar Sarr N°1 (Pds), Abdoulaye Baldé (Ucs), Modou Diagne Fada (Pds), El Hadji Diouf (Ptp), Mamadou Diop Decroix (Aj), Hélène Tine (Bess du Niak), Mamadou Lamine Diallo (Tekki), Aïssata Tall Sall pour ne citer que ceux-là. Pour autant, le Pr Guèye a indiqué que «le Conseil constitutionnel va se saisir, se déclarer compétent et vérifier la conformité de cette loi organique avec la Constitution».
Et d’indiquer dans la foulée que «c’est une loi organique qui est attaquée devant lui et non une loi constitutionnelle». De l’avis du spécialiste en droit constitutionnel, la loi en question «entre dans le champ de compétence du Conseil constitutionnel».
Mieux même, à la question de savoir si les « Cinq sages » peuvent aller à l’encontre du vote des députés et invalider cette loi, l’enseignant à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop, a répondu sans détours par l’affirmative.
Selon lui, «le Conseil constitutionnel peut parfaitement le faire, et il a les prérogatives de le faire». «Si le Conseil constitutionnel juge que la loi n’est pas conforme à la Constitution, il pourra l’annuler purement et simplement puisque cette loi a été attaquée avant promulgation. Quand une loi est attaquée devant le Conseil constitutionnel avant sa promulgation, si cette institution la juge non conforme à la Constitution, elle prononce son annulation pure et simple», a-t-il encore martelé.
Par ailleurs, le professeur agrégé en droit constitutionnel qui n’a pas voulu épiloguer sur la réponse que les « Cinq sages » donneront à cette plainte du groupe à Abdoulaye Baldé et compagnie, a tenu à saluer tout de même la démarche des parlementaires. «La réponse sur le fond de cette affaire dépendra de l’interprétation que le Conseil constitutionnel fera. Toutefois, je pense que la démarche est à saluer. Elle est bonne pour la vitalité de notre démocratie. Cela montre qu’il y a une volonté de nos représentants de veiller à ce que l’État de droit soit respecté. C’est quelque chose de positif… Je ne préjuge pas de ce que le Conseil constitutionnel va donner comme réponse. Je crois qu’il faut dans ce pays qu’on ait la culture d’attaquer les décisions qu’on juge non conformes à la Constitution», s’est empressé de faire savoir le professeur Babacar Gueye.
Pour rappel, un groupe de 19 députés, opposé à la proposition de loi N°13/2015, votée le 29 juin dernier et portant modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale a déposé un recours en annulation de la loi en question auprès du Conseil constitutionnel. Ces parlementaires affirment mordicus que «le chiffre avancé par le président de l’Assemblée nationale, pour dire que 142 députés ont voté la loi, est un chiffre faux». Me El Hadj Diouf, porte-parole du jour dudit groupe, a déclaré par ailleurs, devant la presse que l’objectif du groupe n’est pas simplement l’annulation du vote, mais l’annulation de la loi, objet de controverse, afin qu’elle ne soit pas validée.