Sans fioritures, il s’est présenté au public sénégalais avec ses ‘’plastiques’’ vers la fin des années 1990. Mince avec sa barbichette, le rap ‘’wolof’’ en avant, il a su vite s’imposer et conquérir des cœurs. Depuis, le rappeur Cheikh Sidaty Fall aka Pacotille poursuivait son bonhomme de chemin jusqu’à ce samedi où il est parti à jamais. EnQuête revient sur le parcours de l’artiste au style particulier.
Pacotille est de cette génération de rappeurs qu’on peut catégoriser dans la middle school. Même si conventionnellement, l’on ne reconnaît que la old school et la new generation et les underground. Pacotille est arrivé sur la scène du hip-hop en 1997, au moment où le hip-hop sénégalais commençait à gagner en crédibilité. Et le rappeur de Yeumbeul a vite gagné sa place dans la sphère des cultures urbaines, grâce à son style atypique. Au moment où les jeunes pensaient que le ‘’possee’’, c’étaient des ‘’timberland’’ et des ‘’baggies’’, lui a opté pour des ‘’tic tic’’. Ces derniers sont des chaussures en plastique bon marché et que nul n’a osé porter sur scène avant lui. Cherchant toujours à être unique, il ne prestait presque jamais sans son ballon de foot. Car l’autre talent de Pacotille, c’était bien le jonglage qu’il réussissait à merveille et qui lui a valu le surnom de ‘’Pacoteul’’.
Pacotille ne s’est pas imposé uniquement grâce à son accoutrement et ses talents de jongleur. Mais aussi et surtout par son franc-parler. En 1997, dans un wolof châtié, des termes clairs, un flow net et un beat appréciable, il a su participer à l’évolution du mouvement hip-hop. Pacotille était très engagé. Dans ‘’faits divers’’, qui est l’une des chansons qui l’ont fait connaître, il disait d’emblée : ‘’xibaar yi niouye dialgati laay beugueu netali, si digg bi laay diaar mou nex wala mou nakhari’’. Et c’est ce qu’il a fait dans le texte, en dénonçant dans un langage cru des faits de société, des comportements qu’ils jugeaient incorrects. Un engagement qui se sent dans toute sa discographie composée de 3 productions. Dans ‘’taxi bu russ’’, le dernier album en date, il dénonçait diverses attitudes vicieuses de membres de la société allant du père de famille ‘’correct’’ à la jeune fille ‘’prostituée clandestine’’, aux étrangers trafiquants de cocaïne.
Dans son single ‘’sama diabarou nidiaye’’, il dénonce également les comportements peu honorables d’épouses d’émigrés et expose le problème d’un jeune harcelé par la femme de son oncle établi à l’étranger. Au-delà de l’engagement, dans les textes de l’artiste, on sentait le côté farceur du hip-hoppeur. Qui n’a pas ri, en écoutant ‘’Guinaar’’. Une chanson dans laquelle il traitait tous les consommateurs de poulets de ‘’deum’’. Cela aurait pu choquer, mais, tel n’a pas été le cas, tellement le texte était rigolo, le ton taquin. Pacotille était sans nul doute un grand artiste, un membre éminent du mouvement hip-hop. Il est aussi l’un des rares rappeurs à avoir fait des featurings avec d’éminents chanteurs de ‘’mbalax’’, à l’image de Youssou Ndour, Baaba Maal, Viviane Chédid ou encore Fatou Laobé avec qui elle a chanté un titre hommage au réalisateur feu Tidiane Aw.
A travers ses écrits, on sentait également un homme spirituel qui faisait souvent référence au Coran et à Dieu. Dans ‘’sama diabarou nidiaye’’, expliquant le refus du garçon de coucher avec sa propre tante, il disait : ‘’Sou plaisir tewee tamit, dee dana am. Mak wala ndaw tamit, kou nek dina niam, bekham loumou ligueyal pakham. Dou lolou nieupeu ko kham ?’’ Il traduisait par là un certain attachement à son Créateur et une peur du péché. Ceux qui le connaissaient bien disent qu’il maîtrisait le Coran. Ceux qui étaient présents témoignent qu’à ses dernières minutes, le rappeur aux ‘’tic tic’’ récitait le Coran.
‘’Mon combat’’
Sur le plan politique, le Yeumbeulois était très engagé et faisait même partie du comité directeur du Parti démocratique sénégalais. Il soutenait l’ancien Président Abdoulaye Wade et son fils Karim Wade. D’ailleurs, ceux qui fréquentaient la salle de la cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) du tribunal de Dakar l’ont souvent vu aux audiences de Karim Wade. Et sur le plan musical, il a mené le combat avec ‘’Dindi tuuma’’ dédié à Wade fils et ‘’souma nekoon Président’’, chanson dans laquelle il étalait ses ambitions. Cet engagement lui a valu beaucoup de critiques venant de ses pairs. Car, c’est au moment où la majorité des Sénégalais était contre le pouvoir de Wade et que beaucoup de rappeurs menaient une rude bataille pour le départ de dernier que lui a décidé de le supporter. Il doit au chef de file du Pds le studio qu’il a installé dans son quartier à Yeumbeul et où, selon Modou Diagne Fada, il a commencé à enregistrer son quatrième album qu’il comptait intituler ‘’mon combat’’. Son ‘’combat’’ sur terre s’est malheureusement arrêté brusquement, ce samedi 4 juillet 2014. Repose en paix l’artiste.