Les prolongations du vote de la loi portant modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale se jouent au Parti socialiste (Ps) où le sujet a occupé une bonne place des débats lors de leur secrétariat exécutif d’avant-hier. Selon le député Cheikh Seck, point focal des députés socialistes à l’hémicycle, ‘’seuls les militants indisciplinés du parti ont voté contre cette proposition de loi qui n’est en rien antidémocratique’’. Dans cet entretien accordé à « EnQuête », le président de la Commission de développement et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale réitère l’ancrage du Ps dans « Benno Bokk Yaakaar » et son soutien au président Macky Sall. Le maire de Ndindy (Diourbel) a également tenu à apporter la réplique à son camarade de parti, Bamba Fall, maire de la Médina, avant de se prononcer sur le différend qui oppose Barthélémy Dias à des régies publicitaires.
Les députés socialistes ont eu du mal à accorder leurs violons lors du vote de la loi modifiant le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Qu’est-ce qui explique cette mésentente ?
Effectivement nous avons voté la proposition de loi portant modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Je suis personnellement signataire de cette proposition de loi pour la seule et simple raison que je suis le chef de notre task-force à l’Assemblée, le point focal du Parti socialiste (Ps). Lors de l’élaboration de cette proposition de loi, tous les partis et coalitions qui sont membres de Benno bokk yaakaar (BBY) ont été signataires. Il s’agit de l’Alliance pour la République (Apr), de l’Alliance des forces du progrès (Afp), du Parti socialiste (Ps), du Mouvement de la réforme pour la démocratie et le socialisme (Mrds), de Bés du niakk, du Rsd/Tds, de la Ligue démocratique (Ld), du Parti de l’indépendance et du travail (Pit) et de Yoonu askan wi (YAW). Etant entendu que moi je représentais le Ps, j’ai signé cette proposition de loi.
Ce que n’ont pas fait certains de vos camarades socialistes qui ont voté contre. A quoi est due cette divergence de vue ?
Il n’y a pas eu de divergence. Quand vous parlez de divergence, c’est comme s’il y avait eu des tiraillements entre nous. Or, ce n’était pas le cas. Sur 20 députés socialistes, il n’y a que 3 qui n’ont pas voté la proposition de loi. Vous savez, le député, il est libre de voter ou de ne pas voter une loi parce que le mandat n’est pas impératif à l’Assemblée nationale. Mais nous, en tout cas, les militants disciplinés du Ps, nous avons voté la proposition de loi.
Est-ce à dire que les autres qui ont voté contre cette proposition de loi sont allés contre les directives du parti ?
Ils sont indisciplinés. Ce sont des militants indisciplinés. Mais ils sont libres de l’être. On ne peut pas les contraindre à voter une loi à l’Assemblée. Dès l’instant que le mandat n’est pas impératif, le député est libre. Mais il valait mieux, pour des raisons de sagesse, s’aligner sur la ligne du parti. La ligne du parti, c’est notre ancrage dans BBY, le soutien au président de la République Macky Sall. Nous ne dérogeons pas à cette règle. Et cette proposition de loi n’a aucun inconvénient. D’abord ne pas la voter, c’est être contradictoire avec soi-même pour la seule et simple raison que nous sommes signataires des Assises nationales qui sont allées plus loin que la proposition de loi.
Que disent les Assises dans ce sens ?
Les Assises disent qu’un député qui quitte sa coalition perd son mandat. Ça, c’est bien écrit et nous sommes porteurs des Assises. Nous sommes initiateurs, développeurs et même signataires. Donc je pense que ne pas voter cette proposition, c’est être en contradiction avec soi-même.
La deuxième chose, c’est que nous ne sommes nullement inquiétés. La restauration à 5 ans du mandat du président de l’Assemblée nationale est tout à fait normale en ce sens qu’elle répare une injustice. Maintenant la revue à la hausse du nombre de députés de 10 à 15 pour constituer un groupe parlementaire ne nous dérange pas parce que nous faisons 20 députés socialistes. Le fait également qu’un député qui quitte son groupe parlementaire devienne non inscrit n’est rien d’autre qu’une parade. On l’a fait parce qu’on était au courant de ce qui se tramait ; il y avait déjà des députés qui étaient en train de s’organiser pour faire éclater le groupe de la majorité afin de créer d’autres groupes.
Qui sont ces députés dont vous parlez ?
Je ne peux pas citer leurs noms. Mais prenez le cas de Mamadou Lamine Diallo (leader de Tekki : Ndlr). Il paraît qu’il était sur le point de préparer un groupe, ce qui est une trahison parce qu’il a été élu sur les listes de BBY.
Mais il a démissionné de BBY…
Oui il a démissionné parce que son jeu n’a pas abouti. Il voulait trahir la coalition BBY, mais qui croyait prendre a été pris. Voilà ! Il est découragé et il a été obligé de quitter le groupe.
Il n’y a pas que lui qui a démissionné de BB. Le député du Fsd/Bj, Mme Ndèye Magatte Ndiaye est également sortie du groupe de la majorité présidentielle...
Ndèye Magatte, je n’arrive pas à comprendre sa position. Parce que lors du vote de la proposition de loi, elle avait pris la parole pour dire qu’elle allait la voter. Aujourd’hui (NDLR : hier), j’ai appris dans la presse qu’elle a démissionné. Je suis sûr que cette députée, même si elle a démissionné, dans les prochains jours, vous la verrez réintégrer le groupe parce qu’elle n’est pas constante.
Est-ce que le Ps a pris le soin d’harmoniser ses positions avant le vote de la proposition de loi ?
Nous avons discuté mais pas dans le cadre d’une réunion entre députés socialistes. Mais moi qui suis souvent chargé de piloter ces actions, je leur ai parlé individuellement, en leur réitérant notre ancrage dans BBY, selon la ligne du parti.
Mais est-ce que vous avez parlé à Me Aïssata Tall Sall, Idrissa Diallo et Aminata Diallo ?
J’ai parlé à tout le monde sauf à Aïssata. J’ai parlé à Aminata Diallo, elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas voter pour cette loi ; elle est libre. J’ai parlé également à Idrissa Diallo qui m’a dit qu’il ne pouvait pas la voter parce qu’il avait déjà affirmé en commission qu’il n’allait pas voter la loi. Je lui ai dit : vous êtes libre. On ne peut pas vous contraindre de le faire mais sachez que la ligne du parti, c’est ça. Tout le reste des députés socialistes a suivi.
Vos camarades socialistes qui n’ont pas voté pensent que cette loi est antidémocratique et antirépublicaine.
Comment cette loi peut-elle être antidémocratique ? Moi je trouve qu’elle est démocratique parce qu’elle permet à un groupe qui est allé aux élections, qui a eu des députés, de rester souder jusqu’à la fin de la législature. Idrissa Diallo, il a tenté à deux reprises d’avoir un groupe parlementaire. A chaque fois, nous avons agi pour que cela n’ait pas lieu. Ils ont commencé cette année très tôt pour avoir ce groupe comme d’autres récalcitrants ont également tenté en vain. Je pense qu’il n’y a rien de plus démocratique que cette loi.
Pour beaucoup, cette proposition de loi modifiant le règlement intérieur de l’Assemblée nationale vise le Ps. Que répondez-vous à ceux-là ?
Je suis désolé mais cette loi ne peut pas être dirigée contre le Ps. Si on ne vote pas cette proposition de loi, c’est parce qu’on pense à deux choses : soit on pense sortir de BBY, soit on pense qu’on va être renvoyé. Nous au Ps, nous ne pensons à aucun moment sortir de cette coalition. Parce que cette coalition, c’est un bien commun. BBY n’appartient pas au président Macky Sall. Nous l’avons créée ensemble. Le concept de BBY n’appartient à personne. La deuxième chose, ce n’est pas Macky Sall qui pense se séparer d’Ousmane Tanor Dieng ou de Moustapha Niasse. Loin de là. Notre compagnonnage est au beau fixe. Moi je m’entends à merveille avec Moustapha Diakhaté (président du groupe parlementaire Benno – Ndlr) qui ne fait rien sans me consulter. Je ne fais rien sans le consulter. Nous sommes en parfaite harmonie.
Votre camarade socialiste Bamba Fall dit qu’en votant cette proposition de loi, vous avez signé le certificat de décès du Ps à l’hémicycle. Partagez-vous son avis ?
Moi personnellement je n’ai pas écouté Bamba Fall. Mais tout d’abord, s’il confirme les propos qu’on m’a rapportés, et qu’il aurait tenus, je vais lui envoyer une citation directe ou porter plainte contre lui. Parce que quand il traite les députés socialistes de vendus, il a tout faux. Les députés socialistes sont responsables. Nous ne sommes pas des vendus.
Deuxièmement, il n’a qu’à s’occuper de sa commune. Il a aujourd’hui des dossiers à la CREI, à l’OFNAC et au tribunal. Si nous sommes des vendus, ce qui n’est pas le cas, nous ne sommes pas des voleurs. Aujourd’hui lui, il est taxé de voleur. Il a déjà terminé son interrogatoire à la police, à l’OFNAC et au tribunal. Il n’a qu’à suivre son dossier au lieu de passer tout son temps à dire des choses qu’il ne devait pas dire.
Il y a également Barthélémy Dias qui a dénigré cette proposition de loi. Mais d’après certaines indiscrétions, il aurait voté par procuration. Comment appréciez-vous son attitude ?
Vous savez, Barthélémy Dias, moi, c’est mon petit frère d’abord. C’est moi qui lui ai passé les commandes du Mouvement national des jeunesses socialistes. Responsable du MNJS, le l’ai accueilli dans le parti avant de lui passer le témoin. Mais Barthélémy manque de sérénité, il manque de modestie. Barthélémy est un jeune indiscipliné. Dans la vie, les choses ne se règlent pas par la force. On a suivi les développements qui ont eu lieu récemment avec l’histoire des panneaux publicitaires. Le comportement qu’il a eu ne sied pas dans la démarche de quelqu’un qui aurait raison.
En démontant des panneaux publicitaires de régies publicitaires qui refusent de payer des taxes, est-il allé à contre-courant de la loi ?
Il n’a pas raison. Je parle en connaissance de cause. Il est maire, je suis maire. J’ai été directeur des recettes et de la fiscalité locale pendant cinq ans de la deuxième ville du Sénégal. J’ai été vice-président de région (Diourbel) pendant 7 ans. Je sais donc ce que je dis. La publicité fait partie des taxes indirectes dont l’assiette est gérée par la commune. Parce que dans le budget des communes, il y a deux volets : il y a les impôts locaux dont l’assiette est gérée par les services fiscaux et le recouvrement effectué par les services du Trésor. Alors dans le cas d’espèce de la publicité, il appartient à la commune d’établir un ordre de recettes en triple exemplaires dont un, gardé à la mairie et archivé, un autre exemplaire remis au redevable et un dernier transmis au receveur municipal.
Maintenant, il appartient au receveur municipal de recouvrer la taxe ; le recouvrement doit s’effectuer du 1er janvier au 31 mars. Passé ce délai, des pénalités s’abattent. Maintenant, si au bout d’un an le payeur ne recouvre pas, et que le maire constate que dans ses comptes la taxe n’est pas payée, il donne injonction au payeur de recouvrer la taxe. Dans ce cas d’espèce, le payeur peut utiliser la force publique en envoyant un avis à tiers détenteur, ce qu’on appelle un ATD, au redevable. Et l’ATD est déposé dans les différentes banques de la place. Supposons que le redevable doit trois millions, la SGBS répond pour dire que oui cette régie publicitaire a 20 millions dans ses comptes, Ecobank dit 30 millions, CBAO dit 22 millions. Le receveur dit : Ecobank virez-moi 700 mille, SGBS 1 million 300 et CBEAO 1 million. Et dans les minutes qui suivent, l’argent est viré dans les comptes du maire. Une fois que l’ATD est déposé, le redevable ne peut plus ni verser une somme, ni retirer de l’argent dans son compte. Tout est bloqué.
Les banques acceptent-elles de coopérer dans ce genre de situation ?
C’est obligatoire, c’est la force publique qui l’impose. Elles n’ont pas à accepter ou à refuser. C’est une obligation. Sinon elles sont soumises à une sanction. Personne n’a le droit de se faire justice tout seul en allant détruire les panneaux d’autrui. Nous sommes dans un Etat de droit. La force publique aurait pu être utilisée sans que Barthélémy ne bouge de chez lui. Et l’argent serait rentré dans les comptes de la mairie par les actions du payeur.
Il y a son avocat, en l’occurrence Me Demba Ciré Bathily, qui dit que l’action de Barthélémy Dias s’inscrit dans la légalité.
Je ne suis pas d’accord avec lui. Ces régies publicitaires, Barthélémy les avait convoquées pour venir s’expliquer. D’abord ce sont des panneaux qu’ils ont hérités de la ville de Dakar. Donc elles ne vont pas payer une deuxième taxe d’installation parce que c’est déjà fait. Ce qu’il faut payer maintenant, c’est la taxe annuelle. Cette taxe annuelle, pour la percevoir, il faut faire un ordre de recettes. Mais il paraît qu’il a fait prendre à son Conseil municipal une délibération qui fixe des pas de porte de 10 millions de F CFA par régie, ce n’est pas normal. Il n’y a pas de pas de porte pour la publicité.
Deuxièmement, quelle est aujourd’hui la régie publicitaire qui se fait un bénéfice de 10 millions par an ? Il n’y en a pas. Maintenant on est arrivé à une situation où force doit rester à la loi. Il faut que la loi soit dite dans cette affaire. Si Barthélémy a raison, que la loi soit dite, s’il n’a pas raison, que la loi soit dite. Nous sommes dans un Etat de droit et chacun doit se conformer à la loi.
Comptez-vous le soutenir dans son combat en tant que camarade de parti ?
Je ne soutiens pas quelqu’un quand il viole la loi. Mais en tant que camarade de parti, je le soutiens s’il ne viole pas la loi.
Nous sommes à moins de deux ans de la prochaine élection présidentielle. Le débat sur la candidature du Ps se pose en interne. Quelle est votre avis sur la question ?
Le Ps est un parti organisé. C’est un parti qui, le moment venu, mettra cette question sur la table et les instances du parti vont en décider. Si les instances du parti estiment que nous devons avoir un candidat, nous aurons un candidat. Si elles décident que nous ne devons pas avoir un candidat, nous n’aurons pas un candidat. Mais personne ne peut aujourd’hui influer sur notre agenda.