La proposition de loi N°13/2015 modifiant la loi N°2002-20 modifiée du 15 mai 2002, portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale, a été faite dans le seul but de rendre difficile la constitution d’un groupe parlementaire. Du moins, c’est la conviction de Doudou Wade, qui y voit «un recul démocratique». Mieux, l’ancien président du groupe parlementaire de la Coalition Sopi s’est inscrit en faux contre les propos tenus dans les colonnes de Sud Quotidien, par Moustapha Diakhaté qui a soutenu que la proposition de loi dont il est un des signataires, va aussi régler le problème de l’absentéisme et celui de la parité
Le débat sur la modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale est loin de s’estomper. Et ce n’est pas la sortie du Professeur Ismaïla Madior Fall, qui réussira à le clore. Pour cause, après le député Thierno Bocoum, c’est autour de l’ancien président du groupe parlementaire de la Coalition Sopi, Doudou Wade, de monter au créneau pour fustiger ce qu’il appelle, un «recul démocratique» et un «mensonge».
D’emblée, a-t-il tenu à préciser, «la constitution d’un groupe est faite par une lettre du président avec la liste des signataires.» «Mais, s’est-il empressé d’ajouter, quelqu’un peut adhérer à un groupe. C’est pourquoi, ils interdisent à quelqu’un qui sort d’un groupe, d’aller adhérer à un autre groupe.»
Or, rappelle Doudou Wade, «quand nous sommes arrivés en 2002 à l’Assemblée nationale avec 140 députés, il fallait 14 députés pour former un groupe parlementaire. Mais, l’AFP n’en avait que 11 et le PS 10. On ne peut pas sortir d’une élection chantée par tous les démocrates du monde où le président sortant (Diouf, Ndlr) est envoyé en mission par le Président entrant (Wade, Ndlr), et empêcher à l’opposition d’avoir de groupe parlementaire.»
Pourtant, fait-il remarquer : «les résultats d’alors, prouvent que les Sénégalais avaient refusé d’octroyer aux autres partis politiques des groupes parlementaires. Mais, nous avions modifié la loi et au lieu de 1/10ème, on a retenu moins de 10 députés. Ce qui a fait que, pour la première fois dans l’histoire de notre assemblée nationale, il y a eu deux groupes de l’opposition. Et tous les dirigeants des partis politiques de l’opposition étaient à l’Assemblée nationale. Personne, ne doit penser revenir sur cet approfondissement de notre démocratie.»
«Malheureusement, regrette-t-il, avec cette proposition de loi, nous risquons d’avoir un Parlement où il n’y a pas de groupe parlementaire.»
Alors que Moustapha Diakhaté et le Pr Ismaïla Madior Fall plaident pour une cohérence entre la saisine du Conseil constitutionnel, la motion de censure et le nombre de députés pour un groupe parlementaire, Doudou Wade, rétorque «qu’il ne s’agit pas de mettre en adéquation la saisine du conseil constitutionnel au nombre de députés pour constituer un groupe parlementaire.» «Il fallait maintenir le nombre à 10 et ramener les autres saisines du conseil constitutionnel et la motion de censure à 10.», conseille-t-il. Et de poursuivre : «En démocratie, on cherche à faire exprimer les gens. Par conséquent, il faut diminuer au lieu d’augmenter. Cette comparaison ne tient pas la route.»
Les raisons d’une réforme
L’ancien président du groupe parlementaire de la coalition Sopi est également revenu sur le débat sur la réduction du mandat du président de l’Assemblée nationale, en rappelant «qu’Oumar Sarr (Rewmi) avait fait une proposition de loi en 2012».
«Mais à l’époque, relève-t-il, on nous avait dit qu’on attendait les propositions de la commission nationale des réformes institutionnelles.»
«Pourquoi est-ce qu’on le fait maintenant ?», s’est-il interrogé. Avant de donner la réponse en ces termes : «parce qu’il fallait, tenir Moustapha Niasse après l’avoir fait élire président de l’Assemblée nationale, après avoir eu son accompagnement définitif, sa renonciation comme candidat à l’élection présidentielle de 2017 et à se séparer de tous ses récalcitrants (Malick Gakou et Cie, Ndlr.»
L’autre raison, selon lui, c’est l’éventualité d’un départ du Parti socialiste de l’attelage gouvernemental. «Ils pensent que les Socialistes vont sortir de la coalition Benno Bokk Yakaar et qu’ils allaient constituer un groupe parlementaire. Le cas échéant, plus le groupe du PDS, il y aura peut-être, certains qui iront, comme le Rewmi. Nous aurons trois groupes parlementaires de l’opposition dans l’Assemblée nationale».
«C’est la répartition des sièges et des avantages qui va se poser. Il va aussi se poser un problème sur le temps de parole», argue-t-il.
Quid de la lutte contre l’absentéisme annoncé par Moustapha Diakhaté, Doudou Wade soutient qu’un tel problème est réglé par le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. «Quand quelqu’un s’absente pendant deux sessions (le cas d’Ousmane Ngom, Ndlr), il perd ses indemnités, une partie de ses salaires. On l’appelle. On sanctionne, etc. Pourquoi ça n’a pas été fait ? C’est faux de parler de l’absentéisme et de la parité», soutient-il.
«Non seulement, c’est faux, mais pour le problème de la parité, on n’a pas besoin de se référer au règlement intérieur. Il y a une loi constitutionnelle qui règle le problème de la parité. Ensuite, il y a une autre loi qui détermine toutes les fonctions électives. Le bureau de l’Assemblée nationale étant une fonction élective, on n’a pas besoin de faire un règlement intérieur là-dessus.»
Le PS est dans un flou total
«Le PS a ses problèmes. Il y a des gens qui veulent un PS avec un candidat et il y en a d’autres qui n’en veulent pas. L’interview de Sérigne Mbaye Thiam, il y a deux mois, le confirme. Il a dit que le PS n’a pas besoin de candidature pour l’honneur. C’est assez indicatif», a déclaré Doudou Wade, face au mutisme des Verts par rapport à la proposition de loi.
«Mieux encore, ajoute-t-il, le fait de dire que le PS aura un candidat n’est pas suffisant. C’est flou (rires). Le PS est dans un flou total. Il baigne dans du noir.»
«Il y a eu une erreur de casting dans le choix des députés du PDS»
«Les députés du PDS auraient dû être plus mordants et il y a des possibilités de le faire.» C’est la conviction de Doudou Wade.
Avant d’ajouter : «c’est peut-être un mauvais choix qui a été fait. Si vous avez des joueurs qui rentrent dans un terrain de football et qui ne jouent pas… L’Assemblée nationale, c’est un match de football. Il faut courir, taper, sauter, plonger, marquer.»
«Quand on a une réalité devant soi, on l’analyse froidement. Manifestement, il y a eu un mauvais casting dans le choix des membres du PDS pour aller à l’Assemblée nationale», conclut-il.