La transaction à hauteur de 10 millions de francs Cfa portant sur 459 bijoux de luxe confectionnés avec des poils issus de la queue d’éléphant et évalués à 35 millions de francs Cfa n’est pas du goût des défenseurs des espèces protégées. Ofir Drori, expert mondial de la criminalité faunique, s’en prend ainsi à l’Etat du Sénégal dont il déplore l’arrangement qu’il a trouvé avec les trafiquants présumés Abdoulaye et Ousmane Lam, Moustapha Seck, Fallou Guèye, Assane Guèye, Sakane Guèye et Mor Guèye.
Ofir Drori, expert mondial de la criminalité faunique, est toujours en colère contre l’Etat du Sénégal. Sa réaction est provoquée, à travers un communiqué parvenu hier au journal Le Quotidien, par la relaxe des frères Lam et autres bijoutiers à la suite d’une transaction. Les présumés trafiquants Abdoulaye et Ousmane Lam, Moustapha Seck, Fallou Guèye, Assane Guèye, Sakane Guèye et Mor Guèye, qui ont transigé, lundi 8 juin, à hauteur de 10 millions de francs Cfa, avaient été interpellés en flagrant délit le 2 juin 2015, lors d’«opérations menées par la Dic assistée du ministère de l’Environnement et du développement durable», en possession de 459 bijoux de luxe confectionnés avec des poils issus de la queue d’éléphant pour une valeur de 35 millions de francs Cfa. Ces bijoutiers avaient été déférés, rappelle-t-on, devant le procureur de la République de Dakar, le 4 juin 2015, et ont immédiatement fait l’objet d’un retour de Parquet sans raison.
L’expert mondial de la criminalité faunique, Ofir Drori, qui qualifie la transaction en question d’«échec de l’Etat de Droit», est formel : «Les affaires de trafic de faune de cette magnitude sont toujours un test pour l’Etat de Droit et les niveaux de corruption, et je suis attristé de dire que le Sénégal a échoué le test. Lorsque des criminels ne sont même pas traduits en justice, c’est là qu’on se rend compte que l’impunité l’emporte sur la primauté de la loi. Un pays qui respecte son propre système juridique n’empêche pas les affaires de se faire entendre par ses tribunaux.» Ce dernier renseigne encore : «Les pays africains engagés dans la lutte contre la criminalité faunique ne font jamais la «transaction» pour les cas de trafic, en particulier les affaires de trafic international comme celle-ci. Ils ne négocient pas avec les trafiquants.» «C’est un mauvais précédent pour le Sénégal. Le fait que cette affaire n’a jamais connu une procédure en justice est une occasion manquée pour le Sénégal de montrer son engagement dans la lutte contre le trafic international de la faune», tranche M. Drori.
«Le Sénégal a-t-il ignoré le principe de non-discrimination ?»
«Pourtant, à plusieurs reprises en 2014 à Dakar, rappelle Drori, des trafiquants ont été arrêtés et jugés pour les mêmes infractions.» «Ces trafiquants sans notoriété et financièrement modestes n’ont pas pu bénéficier de la liberté de choix relativement à la transaction et ont été jugés et condamnés. A l’heure actuelle, ils ont déjà ou continuent de purger leur peine de prison à Reubeus», souligne le document. «Les riches sont relâchés alors que les autres vont derrière les barreaux. De plus le montant de la transaction, 10 millions Cfa, est trois fois inférieur à la valeur des produits saisis sur les trafiquants, ce qui est ridiculement petit», dénoncent les protecteurs de la faune. Ces derniers ne manquent pas de s’interroger : «L’Etat du Sénégal, très connu dans son combat pour le respect des droits humains, a-t-il ignoré le principe de non-discrimination qui voudrait que tous les citoyens aient un traitement égal devant la justice ?»
Pour rappel, cette affaire a démarré en France en 2013, souligne le document, quand un trafic de bijoux en poils d’éléphants se faisant entre Dakar et Paris a été découvert par les autorités françaises, qui ont ensuite pris des mesures. Des trafiquants liés à ce réseau ont donc eu des ennuis avec l’Oclaesp (Office central de lutte contre les atteintes à l’Environnement et la Santé publique). «Une enquête préliminaire avait été ouverte à la demande d’un magistrat français du Parquet de Paris, elle est toujours en cours. L’ambassade de France à Dakar a donc saisi le service des Eaux et forêts du Sénégal puis les investigations menées ont permis de découvrir un vaste réseau spécialisé sur ce trafic de bijoux en poils d’éléphants à Dakar», indique-t-on. Il sera noté aussi de la part des ambassades et institutions internationales, un fort soutien à cette action «qui représente un succès important dans la lutte contre le trafic de faune international (…)».