L’Afp fête les 16 ans de l’appel à l’espoir de Moustapha Niasse. Cette déclaration qui a présidé à la création de cette formation politique a fait face à l’épreuve du temps. Aujourd’hui, l’Afp reste orpheline de nombreux cadres qui ont été exclus, ou sont partis d’eux-mêmes parce que s’étant sentis à l’étroit. Depuis 1999, la valeur du parti à la bourse politique a connu une chute vertigineuse.
‘’J’ai choisi l’espoir’’. Cette déclaration du 16 juin 1999 a raisonné dans l’oreille de plus d’un. Les progressistes n’ont peut-être pas tort dans un communiqué daté d’hier d’affirmer : ‘’J’ai choisi l’espoir s’est projeté sur tous les segments de la population, d’abord la jeunesse et l’emploi, les femmes, les personnes du 3èmeâge, le monde du travail, sans oublier les acteurs du monde rural.’’ Soit ! Mais la question qui se pose aujourd’hui est la suivante. Que reste-il de cet espoir 16 ans après ? Pour les camarades de Moustapha Niasse, la réponse coule de source. Dans ce même document, ils font le diagnostic suivant : ‘’Seize années durant, tout au long de son parcours, l’Alliance des Forces de Progrès s’est employée à cultiver et à entretenir la Déclaration de M. Moustapha Niasse, dans sa lettre et dans son esprit, dans l’éthique qui en est le fondement et dans les ambitions qu’elle induit.’’ En d’autres termes, ‘’l’Alliance des Forces de Progrès a accompli un parcours qui l’a placée au centre des grands tournants de l’histoire politique récente de notre pays’’.
Le tableau semble déjà parfait. Il n’est pas sûr cependant que la réalité dans le parti soit aussi reluisante. L’Afp est en effet l’un des partis ayant connu plus de saignée dans ce pays. Et ce qui le singularise des autres, c’est que les départs ne sont pas que des démissions. Des responsables en sont tout bonnement exclus, à l’instar de Malick Gackou et de ses sept autres camarades. Il y a quelques mois, ces cadres ont osé porter la réplique à Niasse dans sa décision de soutenir la candidature de Macky Sall. ’Abdoul Khadre Ndiaye a payé lui aussi pour avoir eu l’audace de demander la démission du patron après qu’il eut réalisé un maigre score à la présidentielle de 2007.
A côté de ces exclusions formelles, il y a d’autres qui sont partis, parce que tout simplement poussés vers la sortie. L’illustration parfaite est fournie par le cas Hélène Marie Ndione plus connue sous le nom de Hélène Tine. Cette dernière, bien que porte-parole du parti, a été oubliée des listes d’investiture de Benno bokk yaakaar, pour les législatives de 2012, après avoir été zappée pour les postes nominatifs. Elle trouvera finalement refuge chez la liste de Mansour Sy Djamil, où elle sera élue député.
Longtemps silencieuse sur cette question, elle finira par livrer ses sentiments : ‘’L’Afp a voulu creuser une tombe pour m’enterrer. Peut-être que je les gênais.’’ La responsable de Thiès dit avoir perdu ses prérogatives depuis qu’elle a été confirmée à son poste de porte-parole à l’issue du congrès de 2011. Elle affirme recevoir les convocations ‘’un quart d’heure avant’’ les rencontres du bureau politique. ‘’Même si je disposais d’un avion, je n’aurais jamais pu venir y assister’’, s’offusquait-elle à l’époque.
Avant elle, d’autres sont partis d’eux-mêmes, tout en indexant la gestion de Moustapha Niasse. Me Massokhna Kane est l’un des tout premiers à quitter le navire progressiste en 2001, tout en dénonçant des ‘’méthodes exclusivistes’’. Après lui, suivront en 2003 des responsables de grande envergure comme Serigne Mamoune Niasse qui, dans son départ ‘’emmène avec lui l’universitaire Khady Fall Diop, Docteur Pape Camara et Oumar Khassimou Dia’’. Mamadou Ly en fera de même.
Le 27 novembre 2006, le président de l’Alliance nationale des cadres progressistes, Mor Dieng, et un groupe de cadres progressistes quittent l’Afp à cause, disent-ils, des méthodes exclusivistes de leur leader. D’autres grosses pointures à l’image de Madieyna Diouf vont, à leur tour, dégarnir les rangs. En 2007, Me Babou qui était alors porte-parole démissionne. D’autres et d’autres encore sont partis. On peut citer pêle-mêle le secrétaire national chargé de l’administration et de la permanence, Babacar Mbaye Ngaaraaf, Mberry Sylla de Louga, Joseph Mendy et Cheikh Ngom, tous deux responsables du parti à Ziguinchor, Khadim Tabet de Mbour…
Pratiquement tous ces responsables dénoncent la même attitude. Ils dénoncent tous les méthodes cavalières de Niasse. A leur départ, les camarades de Mor Dieng avaient regretté à l’époque ‘’les tentatives de musellement des différentes composantes du parti, surtout de l’Alliance nationale des cadres progressistes (Ancp), par Moustapha Niasse. Il en est de même des méthodes de gestion obsolètes et archaïques administrées par le patron de l'Afp et ses soi-disant amis en ligotant les forces vives du parti’’.
Dans une réaction sur la dernière crise dans l’Afp, Mor Dieng de dire : ‘’Qui connaît Niasse, qui a vécu avec lui des années durant n’est pas surpris par de tels propos. C’est quelqu’un d’impulsif. Il ne respecte pas les Sénégalais’, charge-t-il, avant d’ajouter qu’il en a été lui-même victime.
Tous ces départs n’ont pas été sans conséquence. Une année après sa création, l’Afp a engrangé 17,8% des suffrages à l’élection présidentielle de 2000. Avec autant de défections après 2000, le candidat de l’Afp chute lourdement à l’élection de 2007 en obtenant uniquement 5% des voix exprimées, soit une perte de 100 000 voix. Les Assises nationales devaient permettre au parti de retrouver une nouvelle jeunesse, grâce à une probable victoire du candidat de Benno Siggil Sénégal à la présidentielle de 2012. Malheureusement, la rivalité entre Tanor et Niasse était plus importante que l’intérêt général. Avec une partie du Benno originel, Niasse et l’Afp s’en sortent avec 13%. Attention, il ne s’agit pas d’un score du parti mais plutôt celui d’une coalition. C’est dire que de l’espoir en 1999, l’on est passé à la désillusion tout au long des derniers scrutins.