Au lendemain de la série de casses et d’incendies qui a secoué Petersen le week-end dernier, le maire de Dakar Plateau est sorti de sa réserve. Et dans cet entretien accordé hier à EnQuête, Alioune Ndoye, qui estime que sa municipalité n’a fait que son travail, rappelle aux ambulants que c’est à eux d’assumer la responsabilité de tout dommage à déplorer. Pour ensuite inviter les forces de l’ordre à faire le grand ménage afin que sa commune d’arrondissement retrouve sa quiétude.
Une situation d’instabilité perdure depuis samedi dernier, début des déguerpissements à Petersen. Comment la mairie de Dakar Plateau gère-t-elle cette situation ?
La situation a été prise en charge par la sécurité publique depuis samedi. Si l’on y regarde bien, il n’y a pas d’éléments de la marie sur le rond point. Les agents stationnés appartiennent aux forces de police.
Pourquoi n’a-t-on pas vu de pompiers sur le lieu des incendies ?
Par rapport aux incendies, je pense qu’on a beaucoup aggravé les choses. Ce qui s’est passé, c’est qu’en manifestant, des commerçants ont allumé des pneus et des palettes et, ajoutés aux jets de pierres, ce sont ces feux qui ont débordé sur les cantines environnantes. Voilà la réalité. Ce que je vous dis là, on peut le prouver par voie d’images en notre possession. Donc on n’est pas stressés parce qu’heureusement, Dieu fait bien les choses, et la vérité finira par apparaître.
Il y a eu des blessés, hier, dans les rangs des marchands ambulants…
Quand vous avez des tiers qui opposent une résistance à la force publique, ça ne peut se passer que comme ça… Aujourd’hui, le citoyen lambda n’a pas à se faire justice lui-même. Ce n’est pas parce que je suis mécontent que je dois sortir et caillasser des voitures. Si je suis mécontent, il y a des voies légales. Nous, nous nous inscrivons dans le cadre d’une opération qui a été organisée et qui est méthodique : les forces de l’ordre ont travaillé main dans la main avec la municipalité, qui est une institution… Si un tiers dit, à ce moment « je m’oppose par la force », il y aura forcément des dérapages.
Mais qu’est-ce qui s’est passé exactement ?
En vérité, il y a des tiers qui ont voulu, à un moment donné où le travail était très simple et où même les forces de l’ordre avaient une couverture légère, s’opposer par des jets de pierre mais ça n’a pas suffi, parce que les agents ont su contenir cela. Ils ont alors pensé qu’il fallait allumer des feux, comme le font les gens dans toutes les manifestations… Malheureusement, du fait même de la promiscuité de Petersen, quand vous allumez un feu, vous ne le maîtrisez pas. On a appelé les Sapeurs-pompiers. C’est vrai que pendant quasiment deux heures, on les a attendus, la réalité est que le premier camion est venu au bout de trente minutes.
Mais il a dû repartir à cause des jets de pierres des jeunes commerçants. Ces derniers ont attaqué les pompiers parce qu’ils ne voulaient pas qu’ils éteignent le feu… Parce que, pour eux, le feu était justement un moyen de nous empêcher d’avancer. Après le départ de ce premier camion, il y a eu un deuxième camion des sapeurs-pompiers qui est venu, sur notre insistance. C’est moi-même, le Maire, qui ai rappelé les sapeurs-pompiers. Quand ils sont arrivés, c’est la même situation qui s’est reproduite. Il n’y avait pas assez de forces de l’ordre, et sous le feu des jets de pierres lancées par les jeunes, les pompiers ont dit qu’ils ne pouvaient pas travailler parce qu’il n’y avait pas de sécurité. Et il a fallu donc une troisième intervention, coachée par le Préfet de Dakar lui-même, avec ce que ça implique comme moyens et forces de l’ordre, pour que les pompiers puissent enfin intervenir.
Les ambulants disent que c’est un des volontaires de la mairie qui a allumé le feu.
C’est archi-faux parce que le volontaire, il vient pour désencombrer. Et nous n’étions pas venus désencombrer des cantines. Les cantines ne sont pas concernées par l’opération. Nous sommes venus désencombrer la voie publique. Si on vous donne les images prises à ce moment, vous verrez que cette voie publique, on l’avait quasiment désencombrée. Nous étions en train de prendre les détritus dans des engins pour les amener à la fourrière quand les affrontements ont démarré. Si vous allez aujourd’hui à notre fourrière, vous n’y trouverez pas un bagage appartenant à des ambulants. Tout ce qui se trouve là-bas, c’est les palettes que ces derniers utilisent pour faire leurs tables et des tôles de zinc. C’est tout. Donc nous, nous n’avions aucun besoin de causer un incendie dans un endroit aussi sensible. Personnellement, j’ai été officiellement saisi parce qu’il y a eu des problèmes de sécurité dans cette zone. Voilà pourquoi j’agis. Et tout cela est retracé par des réunions organisées avec les forces concernées, par des écrits… Nous ne nous sommes pas levés du jour au lendemain pour le faire.
Pourtant les ambulants prétendent le contraire. Ils disent ne pas recevoir des lettres de sommation…
Cette opération s’est faite en deux phases. La première, si vous vous en souvenez, c’était lorsqu’on a dégagé le rond point, il y a de cela plusieurs mois. Nous devions réactiver la deuxième phase le 23 et le 24 mai derniers mais il s’est trouvé que le roi du Maroc était en visite au Sénégal. Tout ça, les tiers concernés le savent. Quand on n’est pas content, on accuse l’autre. On fait des dégâts parce que ça crée la tension. Voilà. On allume, on casse les bus et autres biens publics pour créer la tension. Il faut que les forces de l’ordre fassent leur travail. Les regroupements que l’on voit dans le Plateau, c’est inadmissible. Dakar, c’est la capitale du Sénégal et les agents municipaux continueront à faire leur travail, il faut que les gens le sachent. On ne va pas accepter d’être pris en otage ou de subir un chantage.
Qu’est-ce qui explique les affrontements d’aujourd’hui (hier) entre volontaires et marchands ambulants ?
Non, quels affrontements ? Vous n’en avez pas vu. Aujourd’hui, (Ndlr l’entretien a eu lieu hier) ce sont eux qui ont décidé que dès qu’ils voient un agent de la Mairie, ils l’attaquent. C’est d’ailleurs pourquoi nous n’avons pas positionné nos agents seuls. Il y a les forces de l’ordre qui les encadrent. Que les ambulants sachent que quand ils s’en prennent aux agents de la Mairie, ces derniers vont riposter. Ça, c’est naturel. C’est de la légitime défense et un être humain se défend. Cela dit, vous n’avez pas vu d’agents aujourd’hui parce que depuis samedi il n’y a plus d’opérations de désencombrement.
La mairie de Dakar Plateau est-elle disposée à ouvrir des négociations avec les marchands ambulants ?
Quand on pose des actes d’une rare violence, on n’est pas dans une logique de négociations. Moi, dans mon entendement, si vous voulez vous opposer par la force à la puissance publique, ce n’est pas la Mairie qui est interpellée, en ce moment, mais l’Etat. C’est-à-dire la République. Si vous n’êtes pas content et que vous pouvez vous faire justice vous-même, à ce moment-là, On n’est plus dans une République.
Vous êtes donc ferme sur vos positions ?
Moi, j’agis sur des principes, des règles, un programme etc. Jusqu’à ce qu’on m’amène des éléments contraires prouvant que les désencombrements nuisent au bien commun, j’estime que j’agis au nom de mes mandataires. On ne fait qu’un travail simple. Ce n’est pas la seule opération de désencombrement que Dakar a connue. On a désencombré plusieurs endroits au plateau. Pourquoi est-ce qu’il y aurait finalement dans notre République des intouchables ? C’est la question que les gens devraient se poser. Les responsables de ces ambulants étaient dans mon bureau quarante-huit heures avant les évènements. On était en train de discuter de ces questions et ils m’ont, eux-mêmes, dit que de toute façon, plus de 95% de ceux qui sont là, sur la voie publique, n’ont pas l’intention de déménager au Centre Félix Eboué.
Pourquoi ?
Je ne saurais le dire. Ce qui est sûr, c’est que nous sommes en train de nous battre pour donner des solutions aux marchands ambulants. Nous ne sommes pas là seulement pour agiter le bâton. Nous avons quand même investi des milliards pour aider ces jeunes alors que personne ne l’avait jamais fait avant. C’est ça la réalité. Cela dit, quand ils affirment qu’ils ne sont pas prêts à se déplacer prétextant qu’ils ne disposent pas de la somme à donner à titre d’avance. Une somme qui tourne autour de quelques centaines de mille, et qu’aujourd’hui ils investissent les radios et les télévisions pour crier sur les toits que la Municipalité a détruit des centaines de millions de marchandises, moi je dis qu’il y a un problème de cohérence dans tout cela !
Et quelle est la prochaine étape ?
Il est trop tôt pour le dire. Laissez-nous apprécier par rapport à la situation sécuritaire qui existe.