Dakar, 13 juin 2015 (AFP) - Le procès de l'ex-président tchadien Hissène Habré, dont l'ouverture est prévue pour le 20 juillet au Sénégal, est une première en Afrique qui "doit être réussie" pour lutter contre l'impunité sur le continent, a estimé samedi le responsable régional d'Amnesty International.
Hissène Habré, poursuivi pour "crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de torture" pendant sa présidence (1982-1990), est en détention préventive depuis juillet 2013 à Dakar, où il a trouvé refuge après sa chute.
Il doit comparaître devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), tribunal spécial créé par l'Union africaine (UA) à la suite d'un accord avec le Sénégal, une juridiction qu'il ne "reconnaît pas" et devant laquelle il a refusé de parler, selon son avocat, au moment de sa présentation le 3 juin pour un "interrogatoire d'identité".
"Cette expérience doit être réussie, et tout le monde doit jouer le jeu : en respectant les droits de la personne, les normes internationales relatives à un procès équitable", a déclaré Alioune Tine, directeur d'Amnesty pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, au cours d'une rencontre avec l'Association de la presse étrangère au Sénégal (APES).
"La chose la plus difficile à laquelle nous sommes confrontés en Afrique, et qui est un cancer, c'est l'impunité", a-t-il estimé.
"Pour la première fois, nous avons une cour africaine" dotée d'"une loi de compétence universelle" et de "la capacité de juger ici, sur place, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, au lieu d'aller à La Haye", siège de la Cour pénale internationale (CPI), a ajouté M. Tine.
Selon lui, pouvoir faire "juger un président de la République par un tribunal africain pour crimes de guerre, contre l'humanité" marquera "le début d'une longue marche" du continent vers sa "souveraineté judiciaire".
Alioune Tine a par ailleurs exhorté les autorités sénégalaises à veiller sur la santé d'Hissène Habré, au lendemain d'une déclaration de ses avocats assurant qu'il avait eu une attaque cardiaque jeudi matin après avoir "passé 48 heures sans soins", bien que sa femme ait réclamé "l'assistance d'un cardiologue".
Il n'a finalement subi "une intervention d'urgence" que jeudi matin, trois heures après "une rechute" a soutenu la défense dans un communiqué au cours de la nuit de vendredi à à samedi, dénonçant "de très graves manquements" et "une négligence coupable" de l'administration et du médecin pénitentiaires.
Si ces accusations sont fondées, "ce sont des faits très graves", selon Amnesty International.
"S'il a vraiment eu une attaque cardiaque, il faut prendre toutes les dispositions pour le soigner", a souligné Alioune Tine, précisant que "c'est de la responsabilité des autorités de la prison, des autorités gouvernementales, de tout faire pour qu'il soit bien soigné pour qu'il soit
jugé".