Dans l’entretien qu’il a accordé à ‘’EnQuête‘’, le Directeur général du BOM, Ibrahima Ndiaye, est revenu sur certains sujets qui font délier les langues au sein de cette structure. Il s’est notamment exprimé sur le projet de statut des conseillers en organisation, qui fait actuellement grincer des dents. Seul l’Etat pourra décider de la suite à donner à ce projet. Il est soumis à l’appréciation du chef de l’Etat, depuis trois ans.
M. Ndiaye, pouvez-vous revenir sur votre parcours au BOM ?
Je suis au BOM depuis un peu plus de 10 ans. C’est en 2004 que j’ai passé l’examen d’entrée au BOM. J’ai ensuite pris service en 2005. En tant que conseiller en organisation, j’ai travaillé sur beaucoup de dossiers. J’ai également eu à coordonner le Projet de renforcement des capacités de bonne gouvernance, pendant trois ans. Il était en ancrage au BOM. Et lorsqu’il a été clôturé, j’ai repris ma casquette de conseiller en organisation.
Quels sont les critères d’admission au BOM ? Les respecte-t-on vraiment ?
Il y a trois critères à remplir. Il faut être d’abord un agent de l’Etat de la hiérarchie A1, avoir une expérience d’au moins cinq ans dans l’Administration publique et avoir un diplôme d’une école d’administration, de gestion ou de management.
Quels sont les profils recherchés ?
Ce qui fait la richesse du BOM, c’est la diversité des profils de ses agents. Et leur dénominateur commun, c’est qu’ils ont tous fréquenté une école de gestion. Maintenant, chacun a une formation initiale de base, qui peut être la sociologie, l’économie, le droit, etc.
Combien de conseillers sont au service du BOM ?
Quand je passais l’examen en 2004, le BOM avait recruté trois conseillers. En 2009, on a recruté quatre, si ma mémoire est bonne. On a encore pris quatre conseillers en 2010. Et en 2014, on en a pris cinq. Le recrutement se justifie, parce que plusieurs conseillers sont allés à la retraite. Quand j’arrivais au BOM, il n’y avait que six conseillers en organisation, pour tout le travail à faire. Il y a eu une stratégie de renouvellement de l’effectif et de son rajeunissement.
Pour le recrutement en 2014, on a appris que les candidats retenus n’ont pas passé d’épreuves écrites. Pourquoi ?
En vérité, il n’y a pas de texte disant qu’il faut forcément un test écrit. Nous ne sommes pas régis par le décret 63-293 du 11 mai 1963 fixant le régime des examens pour l’admission dans les corps de fonctionnaires. Donc, il n’y a pas un texte légal qui dit qu’il faut un décret pour ouvrir le concours. En fonction du travail à faire, nous informons notre hiérarchie de nos besoins en termes d’effectif. On aurait même pu demander qu’on nous affecte de hauts cadres. Mais pour sélectionner de hauts cadres de l’Administration, nous leur faisons faire un test, pour apprécier leur niveau de connaissance du fonctionnement et de l’organisation de l’Administration.
Nous publions un appel à candidatures dans la presse, ensuite nous mettons en place, après réception des candidatures, une commission chargée de faire la sélection. Cette commission n’est pas seulement constituée d’agents du BOM. Elle comprend aussi un représentant du secrétariat de la présidence de la République, un représentant de la Fonction publique, le directeur général de l’Ecole nationale d’administration (ENA) et un conseiller en organisation à la retraite. Ainsi, les meilleurs candidats sont sélectionnés. Il faut savoir que quand nous recrutons, nous ne nous focalisons pas sur le nombre.
Nous fixons une barre, ce qui consiste à ne retenir que les candidats ayant au moins 14/20 de moyenne. C’est pour avoir de bons éléments. Donc, tous ceux qui ont déposé un dossier de candidature sont effectivement de la hiérarchie A1 et ont fait au moins 10 ans dans l’Administration publique. Quand je passais le concours, il y avait effectivement cet entretien, qui existe toujours à l’ENA, des épreuves écrites, et même un test de personnalité dirigé par un psychologue. Mais il faut payer les membres de ce jury. Si on fait venir un universitaire, il faut qu’il soit payé. Alors si on n’a pas le budget nécessaire pour les payer, on met en place une commission constituée seulement d’agents de l’Etat, lesquels ne demandent pas à être payés pour faire la sélection.
Donc ce sont des soucis financiers qui vous ont poussé à exempter les candidats du test écrit ?
Le test écrit, ça demande toute une procédure de correction. Les correcteurs, il faut les rémunérer, et ça prend du temps. Or on était dans une situation telle que, en raison de la demande que nous avions à satisfaire, nous ne pouvions pas répondre aux attentes des autorités avec l’effectif que nous avions. Il fallait absolument renforcer notre équipe. Alors on a recruté des agents de l’Etat qui étaient aux ministères de l’Education, de la Jeunesse et des Sports, un universitaire titulaire d’un doctorat en droit, parmi d’autres. Ils ont tous obtenu un diplôme de gestion. Ils sont tous de la hiérarchie A1.
Pourquoi, à votre avis, le président de la République a remis en marche le BOM ?
C’est une question qui nous revient toujours. Certains diront que c’est par nostalgie. Je peux le leur concéder. Mais au fond, si nous regardons l’historique de cette structure, le président Léopold Sédar Senghor l’avait mise en place en 1968 et l’avait appelée ‘Bureau organisation et méthodes’, à une période de consolidation de l’Administration sénégalaise, qui était jeune. Il fallait de l’organisation et de la méthode. Entre-temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. En 2013, le président de la République est revenu sur l’appellation BOM. Ce n’est pas, comme le disent certains, par nostalgie. Même s’il peut en être ainsi.
Naturellement, le président de la République a sa vision à lui aussi. Il connaît les difficultés de l’Administration. Souvent, les problèmes ne sont pas d’ordre technique. Les agents de l’Etat sont techniquement très bien formés. Mais si on n’a pas l’efficacité du service public, si on n’a pas la bonne qualité, il se pose alors un problème d’organisation et de méthode. C’est ça qu’il nous manquait. On est revenu à ça, au BOM, pour ‘injecter’ ces nouvelles vertus d’organisation et de méthodes à l’Administration, qui est une grosse machine difficile à faire bouger. C’est dans ce contexte que le chef de l’Etat a décidé de revenir à l’ancienne appellation. Du point de vue historique, l’actuel BOM a connu des niveaux de rattachement différents et plusieurs appellations.
Le BOM a-t-il encore la force de sa jeunesse ?
Au début, en 1968, quand on créait le BOM, l’appareil administratif n’avait pas la taille qu’il a aujourd’hui. Même l’espace présidentiel n’avait pas autant de services qu’il en a aujourd’hui. Les enjeux ne sont plus les mêmes. C’est vrai que la question de l’amélioration de l’efficacité de l’Administration est encore actuelle. Mais de nouveaux besoins se font sentir. Aujourd’hui, on parle de ‘la culture de résultats’, on change de paradigmes. Donc, nous sommes obligés de nous adapter à l’évolution de l’environnement politique, économique, social et technologique.
Avez-vous été reçu par le président de la République depuis que vous êtes à la tête du BOM, comme le faisait régulièrement le président Senghor avec vos prédécesseurs ?
En tant que Directeur général du BOM, ma hiérarchie, c’est le secrétaire général de la présidence de la République. Comment puis-je contourner ma hiérarchie pour aller à des séances de travail avec le président de la République ? Il va sans dire qu’il y a des séances de travail que le président de la République a convoquées, auxquelles j’ai été convié et ai participé. Maintenant, régulièrement, je tiens des séances de travail avec ma hiérarchie directe, qui est le ministre secrétaire général de la présidence de la République.
Un projet de statut a été introduit depuis 2012 par le BOM. Pourquoi tarde-t-il à être approuvé par le chef de l’Etat pour que vous soyez au même niveau que les agents de l’Inspection générale d’Etat (IGE) et la Cour des comptes ?
C’est vrai. C’est une longue histoire. En vérité, jusque-là, les conseillers en organisation étaient régis par un statut qui date de 1981, qui n’a jamais été actualisé. A un moment donné, on s’est rendu compte qu’il fallait actualiser ce statut. Effectivement, nous avons travaillé sur un nouveau projet de statut. Mais élaborer un statut ne veut pas dire qu’on va tout de suite le signer. L’autorité appréciera l’opportunité de valider ce que nous avons mis dans le statut et la suite à lui donner. Nous faisons des propositions seulement.
Ce retard du statut entraîne-t-il la fuite de certains cadres du BOM vers l’IGE, par exemple ?
Peut-être. C’est une possibilité parce que chacun apprécie ce qu’il croit être bon pour lui. Souvent les gens disent que nous sommes différents de l’Inspection générale d’Etat (IGE). Je ne veux pas faire cette comparaison entre l’IGE et le BOM, pour deux raisons fondamentales. L’IGE est un organe d’Etat de contrôle, le BOM est un organisme public d’appui-conseil. Nous n’avons pas la même logique de fonctionnement. Nous n’avons pas le même corps de métier, ni les mêmes attributions. L’IGE est régie par un statut spécial que lui confère une loi, or le BOM est encadré par un décret, qui lui donne un statut particulier. Donc, on ne peut pas avoir les mêmes avantages. La comparaison de ces deux corps n’est pas pertinente.
Un décret signé par le président de la République et l’ex-Premier ministre Aminata Touré fixe le rang, les indemnités et les avantages des conseillers du Bom. Ce décret n’est pas très clair pour certains, car il parle d’agents de la hiérarchie A, sans préciser de niveau. Quels éclairages pouvez-vous apporter sur ce décret, qui n’est d’ailleurs pas publié au Journal officiel ?
Dans ce texte, il est bien dit que les conseillers en organisation en fonction au BOM sont alignés sur le même rang que les conseillers techniques à la présidence de la République. Je l’ai dit au début de cette interview : tous les conseillers en organisation, qui travaillent au BOM, sont de la hiérarchie A1.
Alors pourquoi a-t-on mentionné hiérarchie A dans le décret ? Le chef de l’Etat a-t-il signé un décret comportant une erreur ?
Actuellement, au BOM, tous les conseillers sont de la hiérarchie A1. Et pour passer le concours d’entrée au BOM, il faut être de la hiérarchie A1. D’ailleurs quand nous lançons l’appel à candidatures, nous recevons des gens de la hiérarchie A2, qui pensent que cela peut échapper à notre vigilance. Mais tous ceux qui sont de la hiérarchie A2 ne sont même pas présélectionnés. Cela veut dire que nous cherchons à recruter dans la haute Administration. Il va sans dire qu’à un certain moment, la maison a connu beaucoup de départs et que le statut n’était pas très attrayant. Il nous était difficile de recruter dans la haute Administration. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles le chef de l’Etat a jugé utile de nous mettre au niveau des conseillers techniques de la présidence, pour attirer de hauts cadres de l’Administration. Le travail qui nous est demandé exige une bonne connaissance du fonctionnement et de l’organisation de l’Administration publique. A ce jour, nous sommes à peu près 17 conseillers en organisation, tous de la hiérarchie A1. Les gens font parfois des affirmations sans fondement.
Le décret 2014-800 du 23 juin 2014 mentionne bien ‘hiérarchie A’. S’agit-il d’une erreur ?
Peut-être. Mais en tout cas, actuellement, aucun conseiller n’est de la hiérarchie A2 ou A3. Ils sont tous de la hiérarchie A1. Donc, c’est la haute Administration.
Le BOM répond-il réellement aujourd’hui aux attentes de l’Etat ?
Oui. Nous le pensons. Bien évidemment, c’est difficile pour moi de juger la structure pour laquelle je travaille. C’est à ma hiérarchie et à nos clients, c’est-à-dire les ministères, de donner une appréciation. Mais nous pensons que nous travaillons bien à l’impulsion et à l’accompagnement de l’Administration, pour améliorer ses performances et la qualité du service. Ce n’est pas un travail aisé. Mais nous pensons que nous allons faire bouger progressivement notre Administration. C’est un travail de longue haleine. Ce n’est pas par un coup de baguette magique qu’on va faire basculer l’Administration d’un point A vers un point B. C’est important de savoir que des progrès ont été faits.