Loin d’être un long fleuve tranquille, la marche du Parti démocratique sénégalais (Pds) a été tumultueuse. Avec souvent des querelles et des guerres de positionnement opposant toujours Abdoulaye Wade à ses dauphins immédiats ou à ses proches collaborateurs. De Serigne Diop à Modou Diagne Fada en passant par Fara Ndiaye, Ousmane Ngom, Idrissa Seck, Pape Diop, et même Macky Sall, Wade a toujours manœuvré pour se séparer de ses potentiels dauphins.
Entre Abdoulaye Wade et ses proches collaborateurs, l’amour a toujours duré le temps d’une rose. Le Pape du Sopi qui reflète l’image d’un véritable ‘’tueur d’ambitions’’, finit toujours par entrer en clash avec ses dauphins immédiats ou avec ses collaborateurs les plus proches ; comme c’est le cas dernièrement avec Modou Diagne Fada. Le président du groupe parlementaire ‘’Libéraux et démocrates’’ qui a mis sur la table un mémorandum pour exiger une restructuration du Pds en direction des prochaines consultations politiques, apparaît sous les yeux du Pape du Sopi, comme quelqu’un qui a pactisé avec le régime du président Macky Sall, pour fragiliser sa formation politique.
Selon le journaliste et sociologue Pathé Mbodj, de Serigne Diop à Fada en passant par Fara Ndiaye, Ousmane Ngom et autres, ‘’tous ont été approchés à un moment par le pouvoir en place pour essayer de les débaucher’’. Pour lui, la stratégie des différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays a toujours été de faire le vide autour d’Abdoulaye Wade. ‘’Jean Colin avait décidé de déstabiliser le Pds en recrutant celui qui semblait être l’intellectuel le plus fort du parti, Serigne Diop. Abdou Diouf a cherché à enrôler Fara Ndiaye en lui donnant le Canal du Cayor. Après Fara Ndiaye, Ousmane Ngom était le plus populaire du Pds. On cherchait moins la tête que l’élément le plus proche de la tête qui symbolisait quelque chose sur le plan des idées’’, croit savoir Pathé Mbodj.
Mais pour son confrère de Nouvel Horizon, Issa Sall, dans la crise actuelle que traverse le Pds, on ne peut pas accuser le régime de Macky Sall d’être derrière la fronde que mène Modou Diagne Fada en ce sens qu’il n’y a jusqu’ici aucune preuve. Ce qui est sûr et certain, selon M Sall, c’est que le Pds est dans un tournant ; dans un contexte où le fils du président qui est le candidat du parti est en prison, où Me Wade est âgé et ne peut plus être candidat et où le parti a perdu beaucoup d’éléments. Des personnes sont parties et d’autres comme Idrissa Seck, Pape Diop, Abdoulaye Baldé, Aliou Sow et Souleymane Ndené Ndiaye ont créé leurs propres partis.
‘’Le parti a connu une saignée et cette dernière fronde montre que le Pds est menacé’’, déclare Issa Sall. Non sans relever au passage que ‘’tous les clashs enregistrés au sein du Pds n’ont pas eu le même fondement’’. De ce fait, poursuit-il, ‘’on ne peut pas dire que les premières ruptures dans le camp de Me Wade s’expliquent de la même manière. Serigne Diop, Jean Paul Dias, Ousmane Ngom et d’autres anonymes ont quitté parce qu’ils ne se sentaient plus à l’aise’’. Ainsi, aux yeux du chargé de communication de la Commission électorale nationale autonome (Cena), Abdoulaye Wade a mené une stratégie de déstabilisation, une action politique pour secouer le pouvoir en choisissant son fils et en mettant en avant le procès de Karim Wade. ‘’C’est cela qui a entraîné le parti dans une direction que ceux qui veulent avoir un avenir ne peuvent accepter. C’est ce que Fada et les autres veulent faire comprendre car on ne peut pas lier leur avenir au destin personnel de Karim Wade’’, estime le Directeur de Publication de Nouvel Horizon.
Poussant l’analyse plus loin, Mamadou Oumar Ndiaye, Président directeur général du groupe de presse Global Media communication (GMC), éditeur du journal Le Témoin, estime lui que ‘’le problème fondamental du Pds, c’est que le secrétaire général national, Me Abdoulaye Wade n’a jamais accepté de dauphin’’. Dès lors, ‘’tous ceux qui ont eu à occuper une position de numéro 2 ont été tôt ou tard limogés et écartés’’, relève l’ancien directeur de Publication du journal Sopi selon qui, ‘’à partir du moment où un responsable acquiert du charisme et une certaine popularité au point de devenir le dauphin, craignant que cette personnalité lui fasse de l’ombre, Abdoulaye Wade a toujours procédé de la même façon, en l’accusant à un moment ou à un autre, d’avoir voulu soit le déstabiliser, soit d’avoir pactisé avec l’ennemi’’.
‘’Du temps de Jean Colin, il disait que les gens étaient vendus à ce dernier, du temps de Tanor, c’était la même chose et là, il dit que les gens sont de connivence avec Macky Sall’’, rappelle Mamadou Oumar Ndiaye. Avant d’ajouter qu’‘’en réalité, Wade a toujours trouvé une main du régime derrière les agissements de certains de ses numéros deux’’. ‘’Fara Ndiaye n’a pas échappé à la règle, Boubacar Sall a été accusé de rouler pour Abdou Diouf avec qui il est apparenté, Ousmane Ngom a été soupçonné de pactiser avec le parti socialiste et Fara Ndiaye de rencontrer secrètement Abdou Diouf. Me Wade a toujours eu des problèmes avec ses dauphins de fait ou déclarés’’, note-t-il.
‘’Le dauphin naturel, c’est Karim Meissa Wade’’
Toujours, selon le Pdg du GMC, ‘A partir du moment où Modou Diagne Fada a revendiqué le poste de secrétaire général du parti, il fallait s’attendre à ce qu’on l’accusât de trahison et de pactiser avec l’ennemi d’autant que ‘’cela revient constamment dans l’histoire du Pds où il n’y a pas de démocratie interne à l’instar des autres partis politiques sénégalais qui sont la propriété privée d’une seule personne’’. ‘’A sa mort, Wade veut que ce soit Karim qui hérite du parti tout comme il héritera de ses biens mobiliers et immobiliers. Le Pds est considéré comme une propriété privée au même titre que la résidence du Point E. C’est ce qui explique que pendant d’abord les 26 ans passés dans l’opposition et ensuite les 12 ans au pouvoir, Me Wade n’a jamais organisé de renouvellements qui puissent déboucher sur l’élection d’un numéro 2, à même de lui succéder. En vérité, pour Abdoulaye Wade, le dauphin naturel, c’est son fils Karim Meissa Wade’’, analyse Mamadou Omar Ndiaye.