Hier, mardi 9 juin, c’est dans un contexte assez particulier que l’on a célébré la Journée internationale des archives, quand on sait que cela fait 8 mois que les Archives nationales sont restées fermées au public. Installées depuis 1954 au Building administratif qui est en train d’être réhabilité, les Archives nationales se préparent à rejoindre leurs nouveaux locaux du Central Park (ex-Centre commercial des «4C»). Mais pour la directrice des Archives Fatoumata Cissé Mara, il faut une maison des Archives, comme il faut des ressources humaines et une politique sectorielle digne de ce nom.
Ce n’était pas très simple à résoudre, dit la directrice des Archives nationales, c’était entre le casse-tête et l’équation, et Fatoumata Cissé Mara parle d’ailleurs d’un véritable dilemme. Car comment comprendre que dans de telles conditions, on s’accroche encore à vouloir célébrer la Journée internationale des archives, contre vents et marées, et comme tous les ans. A la Chambre de Commerce de Dakar où se tenait hier mardi 9 juin la cérémonie officielle, la directrice des Archives nationales a surtout expliqué qu’au-delà de l’aspect festif, cette journée devait surtout servir de prétexte et de «plaidoyer» : à l’endroit de la communauté comme à l’endroit des autorités.
Dans cette histoire, il y a évidemment la fameuse question des locaux ; plus qu’une question, c’est un « problème ». Car voilà que le Building administratif est en train d’être réhabilité, et c’est ce même bâtiment qui avait jusque-là le privilège d’héberger les Archives nationales, une vieille histoire qui remonte à 1954. Or il se trouve que « toutes les administrations qui y étaient logées ont déménagé ». Toutes, sauf la direction des Archives qui se prépare tout de même à plier bagage pour rejoindre ses nouveaux locaux du Central Park, l’ancien centre commercial des « 4C ». A l’origine de ce retard, explique Fatoumata Cissé Mara, il y a toutes les « procédures administratives relatives au Code des marchés publics », quand on sait que cela fait tout de même 8 mois que les Archives nationales sont restées fermées au public. Mais «déplacer une mémoire centenaire, cela prend (aussi) du temps».
La directrice des Archives refuse pourtant de jouer les pessimistes : « Nous avons bon espoir, dit-elle, ce ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir ». En attendant, Fatoumata Cissé Mara interpelle les autorités : sa principale préoccupation, c’est cette maison des Archives qu’il faut absolument construire. Pour le secrétaire général du Gouvernement, Abdou Latif Coulibaly, présent à cette cérémonie, c’est même tout à fait faisable, toutes les conditions sont réunies pour cela.
Mais au-delà des murs dit la directrice des Archives, il faut une « véritable politique d’archive » : autrement dit, il faut des services d’archives dans chacune des 14 régions administratives du pays.
L’autre problème, c’est que les Archives manquent cruellement de bras, alors qu’il faut tout un personnel pour «le traitement des fonds d’archives en souffrance », comme il faut «des techniciens pour aider les ateliers de restauration et celui de l’audiovisuel à fonctionner ». Le hic, c’est que «les spécialistes sont tous partis à la retraite », et il va pourtant bien falloir les remplacer.
En ce qui concerne la numérisation des archives, Fatoumata Cissé Mara explique qu’il y a bien quelque chose de prévu, avec notamment le « projet dit de mémoire partagée initié par la France », et qui prend en charge le fonds documentaire de l’ancienne Afrique occidentale française (AOF) ; autrement dit et la France, et ses anciennes colonies de l’Aof qui «sont au nombre de 8». En 2014, toujours selon Fatoumata Cissé Mara, le Sénégal recevait la visite d’ «experts français» venus «évaluer la faisabilité de ce projet». Ce qui devrait pouvoir éviter aux « chercheurs de par le monde d’effectuer le déplacement jusqu’à Dakar pour venir consulter ce fonds. »
La directrice des Archives, qui ne cache même pas combien elle a hâte de rejoindre «ses» nouveaux locaux, dit qu’elle sera forcément soulagée, surtout que la maison pourra encore se montrer disponible pour nos chercheurs. En attendant ce qui sonne comme une ère nouvelle, et en attendant de pouvoir déménager, Fatoumata Cissé Mara tient à préciser qu’en ce moment elle et ses collègues travaillent dans des conditions plutôt précaires, puisque comme elle dit aucun d’entre eux n’a voulu prendre de «congés, depuis le démarrage des travaux», ne serait-ce que pour ne pas laisser tout ce patrimoine à la «merci du chantier (…), des ouvriers» ou des infiltrations d’eau. C’est fragile ces choses-là !