Les magistrats qui se sont rendus hier au siège du Fonds de promotion de l’entreprenariat féminin ont été victimes d’insultes et d’attaques de la part du ministre délégué à la Microfinance et à l’Economie solidaire, qui gérait ce service avant. Il n’a pas apprécié de se voir rappelé à l’ordre par lesdits magistrats et a pété les plombs.
Un ministre qui se permet de chasser comme des malpropres des magistrats, membres de la troisième institution de la République, et de les traiter comme des simples malotrus ! Cette scène, incroyable sous d’autres cieux, s’est passée hier à Dakar dans le Sénégal de Macky Sall. Le ministre en question est M. Moustapha Diop, ministre délégué auprès du ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, chargé de la Microfinance et de l’Economie solidaire. Bref, l’un de ces nombreux anonymes qui peuplent le gouvernement de Boun Abdallah Dionne, et qui d’ordinaire passent inaperçus. Il faut croire que c’est cette relative discrétion, en ce qui concerne ses fonctions ministérielles, qui a dû peser à M. Diop, et il a voulu poser une action d’éclat. Et on peut croire qu’il a réussi.
En tout cas hier dans la journée, le ministre délégué s’est permis de proférer des gros mots à l’égard de M. Abdoul Magib Guèye, président de la Commission des comptes et de contrôle des entreprises publiques (Cvccep) et de trois membres de ladite commission, qui se sont présentés à son ministère. Le crime de ces membres de la Cour des comptes, dont la Cvccep est un démembrement, a été de vouloir auditer les activités du Fonds de promotion de l’entreprenariat féminin, une structure logée au département du ministre délégué, et que ce dernier avait même eu à diriger, avant d’être appelé à ses nouvelles fonctions, tout en continuant à en assurer la tutelle.
Cette mission d’audit fait partie intégrante du programme de vérification annuel de la Commission, tel qu’il avait déjà été approuvé en début d’année, et même soumis à l’approbation du chef de l’Etat. Le personnel du Fonds, ainsi que le ministre de tutelle également, étaient informés.
«Petits magistrats de rien du tout»
Hier donc, le président Abdoul Magib Guèye et ses collègues se sont rendus au siège du Fonds pour rencontrer le staff et lui présenter le programme de travail de la vérification, ainsi que d’autres informations utiles. Le ministre-délégué s’est invité à ladite réunion, et le président de la Commission lui a fait remarquer que sa présence ne se justifiait pas, du fait que ce n’était qu’une réunion de prise de contact. Il n’en a pas fallu plus pour que le politicien sorte de ses gonds et se mette à proférer des insanités.
Une personne présente à la rencontre souligne que le ministre n’a pas hésité à traiter les membres de la Cour des comptes de «petits magistrats de rien du tout» qui, selon lui, seraient «payés pour me déstabiliser». Voulant sans doute faire un joli jeu de mots, Moustapha Diop a déclaré aux vérificateurs qu’ils ne faisaient pas partie «de la Cour des comptes, mais de la Cour de règlement des comptes» et que lui ne se laisserait pas faire. Il a décidé de manière brutale et unilatérale de mettre fin à la réunion, et littéralement mis les vérificateurs à la porte.
Cette sortie du ministre-délégué a choqué toutes les personnes présentes, et même les membres de son cabinet n’en revenaient pas, et n’ont pas compris ce qui a pu le justifier.
Pour leur part, les membres de la Cour des comptes sont décidés à donner à cette affaire toute l’ampleur qu’elle mérite. Ils ont décidé de donner une suite judiciaire à l’affaire en portant plainte contre le ministre. Des personnes bien informées de l’affaire indiquent que Abdoul Magib Guèye, ainsi que tous les membres de la Cour des comptes estiment que le ministre s’est rendu coupable d’outrage à magistrats dans l’exercice de leurs fonctions, ainsi que d’entrave à l’action de la justice. Deux motifs très graves et qui mèneraient n’importe quel autre justiciable à l’ombre de Rebeuss pour quelque temps. Mais le ministre Diop ne se considère sans doute nullement comme un justiciable ordinaire, pour s’être opposé à une mission légale de la Cour des comptes, prévue par la Constitution et approuvée par les plus hautes autorités du pays.
Quoi qu’il en soit, peut-être qu’à un moment, il a dû mesurer la portée de l’acte qu’il venait de poser et penser le rattraper. Hier en début de soirée, il a mis son portable en mode «injoignable». Quand il a reçu un sms du journal Le Quotidien demandant sa version de l’affaire, il a préféré actionner ses connaissances les plus haut placées dans les sphères de l’Etat, pour que cet article ne puisse être publié, au lieu de rappeler la Rédaction.