Le Parti socialiste (PS) et l’Alliance pour la République (APR) poursuivent leur jeu de dupes en perspective de l’élection présidentielle de 2017. Déterminé à prendre part à cette échéance, les Socialistes cherchent une porte de sortie du gouvernement. Conscient de cela, l’APR refuse d’indiquer la voie à son «allié». D’où ce duel à fleurets mouchetés en attendant l’attaque frontale qui parait inévitable. Moustapha Samb, professeur au Cesti, non moins doctorant en communication et Amadou Keita dit Kao, docteur en science politique, décryptent pour les lecteurs de Sud quotidien et de sudonline.sn, cette «guerre froide».
MOUSTAPHA SAMB (ANALYSTE POLITIQUE) : «Les socialistes sont en train de calculer et de jauger...»
«Il faut préciser que l’interlocuteur du Président Macky Sall, au sein du Parti socialiste (Ps), c’est Ousmane Tanor Dieng. A par lui, c’est le porte-parole des Socialistes, Abdoulaye Wilane. Mais, ils sont tous les deux dans le clair-obscur», a d’emblée déclaré Moustapha Samb.
Et d’ajouter : «Puisque la position officielle du Ps n’est pas encore connue, le président Sall considérera toujours que ce sont des paroles de jeunes, de militants mais il reste à l’écoute des responsables avec lesquels, il chemine dans Benno Bokk Yakaar». Selon lui, «le Ps cherche certainement à élever les enchères pour rester et négocier avec force ou partir en martyr afin d’avoir la sympathie des populations».
Pour M. Samb, «cela peut être vrai d’autant plus que le Ps garde quelqu’un comme Khalifa Sall qui peut être une alternative à Ousmane Tanor Dieng». L’enseignant au CESTI, fait remarquer d’ailleurs que «Khalifa Sall n’a pas participé au Benno. Pour eux, une élection présidentielle, c’est entre un homme et son peuple et dans ce cadre Khalifa Sall pourrait faire l’affaire». «Les socialistes sont en train de calculer et de jauger leurs chances après avoir analysé leurs forces et leurs faiblesses. Ce n’est qu’après cela qu’ils vont se prononcer», soutient-il.
Toutefois, souligne Moustapha Samb, «le Président Sall, ne prendra pas l’initiative de la rupture mais il va s’atteler à mettre sur pied une autre coalition ouverte à tous pour anticiper sur des défections imminentes de certains alliés de Benno sur qui, il ne peut plus compter à cause de leurs multiples agitations et de leurs nombreuses sorties aussi nuancées que contradictoires, les unes que les autres».
AMADOU KEITA, DR EN SCIENCE POLITIQUE : «Avec le PS ou pas, Khalifa Sall sera candidat»
«Le Parti socialiste est dans une logique d’opposition par rapport au régime de Macky Sall même si la bataille se fait par presse interposée», a déclaré Amadou Keïta.
Mais ce Dr en Science politique est formel: «ce que le Ps n’a pas accordé à l’Afp dans le cadre de la coalition Benno Siggil Sénégal (Bss), je vois très mal que ce parti puisse l’accorder à l’Alliance pour la République (Apr) même si, relève-t-il, on est dans le Benno Bokk Yakaar (Bby)». «Il faut également reconnaitre que Khalifa Sall est dans sa logique d’opposition qui l’avait conduit à ne pas s’allier avec Bby lors des dernières locales du 29 juin 2014. N’oublions pas non plus qu’en 2009, il (Khalifa Sall) a gagné la mairie de Grand Yoff à travers sa coalition Takhawu Ndakaru. Khalifa Sall est donc toujours dans cette logique de BSS. Et, il se présentera aux élections de 2017. Que ce soit sous la bannière du Ps ou d’une coalition qu’il va essayer de mettre en place», tranche-t-il.
«Le Ps restera dans le gouvernement»
Ceux qui pensent que les Socialistes vont bientôt quitter l’attelage gouvernemental n’ont qu’à déchanter. Ou du moins si l’on en croit au Dr en Science politique. «Le Ps veut tirer le maximum de profit du pouvoir. C’est ça qu’on appelle une rétribution parce que le Ps a soutenu l’Apr au deuxième tour, aujourd’hui, c’est cette rétribution qui fait que les socialistes ne sont pas prêts à quitter le pouvoir. Et je puis vous assurer qu’ils (socialistes) vont rester dans le gouvernement aussi longtemps possible pour engranger le maximum de dividendes que ce soit sur le plan politique ou symbolique», a soutenu Amadou Keïta.
«Maintenant, poursuit-il, entre le Ps et l’Apr, qui va prendre l’initiative de la séparation ? Je ne sais pas. Peut-être ce sera après 2016. Car, Macky Sall ne fera rien avant cette date. Je vois très mal, en l’état actuel, qu’il (Macky Sall, Ndlr) puisse prendre l’initiative de se séparer du Ps». Toutefois M. Keïta dira qu’«en restant dans le gouvernement tout en continuant les critiques, le Ps est en train de se décrédibiliser, contrairement à Khalifa Sall qui est toujours dans une logique d’opposition».
«Cependant, je souligne aussi que cette tension est dans l’ordre normal des choses. Car, elle illustre le charme même de la scène politique sénégalaise». Selon lui, «tout le monde sait que les coalitions se forment et se déforment depuis 1985 à nos jours. Quand on observe les partis coalitionnaires, il va s’en dire que ce sont les coalitions, aujourd’hui, qui gouvernement en fait le Sénégal. On tend vers ce qu’on appelle un régime des coalitions. Macky Sall a eu l’avantage et le courage de mettre en place une coalition hégémonique qui a tenu débout depuis 2012. Sa volonté est la construction hégémonique du pouvoir».
«Le temps joue en faveur de Macky»
«Cependant, le problème entre les deux (Ps et Apr) est celui du temps : ce que j’appelle la temporalité en politique. Actuellement, le temps joue en faveur de Macky. Il ne veut pas prendre l’initiative de faire partir le Ps du gouvernement. Il ne veut pas marcher sur les pas de Wade qui s’est séparé de ses anciens alliés au point de provoquer chez certains sénégalais, un sentiment de sympathie envers les nouveaux opposants. Macky se dit : «je joue avec le temps et le temps est en ma faveur et d’ici sous peu, il y’aura peut-être scission et ils (socialistes) quitteront le gouvernement».
«Deux problèmes insolubles»
«Il y’a deux problèmes que la coalition ne parvient pas à régler. Il s’agit notamment de la temporalité, le temps des consultations interne au sein de cette coalition mais aussi des divergences internes par rapport à la temporalité comme ce fut le cas avec la question liée à la date de la tenue du référendum où le président décrète 2016 et le Ps propose 2015. Ce cas de figure montre la divergence qui existe entre les formations par rapport à la temporalité. C’est donc ces problèmes non résolus par cette coalition Bby qui sont à l’origine de cette tension que l’on voit, aujourd’hui, entre l’Apr et le Ps».