Abidjan - Un anglophone, une femme et un francophone restaient en lice jeudi à Abidjan dans l’élection pour la présidence de la stratégique Banque africaine de développement (BAD), institution cinquantenaire qui injecte chaque année deux milliards de dollars dans des projets sur le continent.
Dans l’après-midi, c’est Akinwumi Adesina, le candidat nigérian, qui est sorti en tête du premier tour d’un scrutin où trois candidats sont encore en lice pour succéder au Rwandais Donald Kaberuka, qui cède son fauteuil après deux mandats et 10 ans d’exercice.
Le ministre nigérian de l’Agriculture devance son homologue cap-verdienne des Finances Cristina Duarte et le Tchadien Bedoumra Kordjé, seul francophone
encore présent.
Depuis l’ouverture des Assemblées annuelles de la Banque, mardi dans la capitale économique ivoirienne, les rumeurs vont bon train autour de la salle des gouverneurs. Le vote doit se poursuivre toute la journée et le vainqueur devrait être annoncé jeudi soir par la Banque, via son compte Twitter.
Malgré l’indécision du scrutin, les premiers résultats ne constituent pas une surprise et ce sont bien les deux favoris des observateurs qui font la course en tête.
A 52 ans, Cristina Duarte pourrait être la première femme et la première lusophone à hériter de la présidence de la BAD. "Elle a beaucoup de soutien de la part des actionnaires non-africains", reconnaît un délégué zimbabwéen.
"La Banque veut s’impliquer dans les questions de genre et ça pourrait être un bon message de nommer une femme à sa tête", ajoute un conseiller d’une autre délégation d’Afrique australe.
Élu personnalité africaine de l’année en 2013 par le magazine Forbes pour ses réformes dans le secteur agricole, M. Adesina, 55 ans, représente de son côté un pays considéré comme la nouvelle locomotive économique du continent africain. Le Nigeria est le premier producteur de pétrole et le pays le plus peuplé du continent.
Un poids économique qui pourrait se retourner contre son candidat: une règle non écrite veut que la BAD soit dirigée par un ressortissant d’un pays de petite ou moyenne taille.
"Les petits pays doivent avoir leur chance", explique le délégué du Zimbabwe. "S’il (M. Adesina) est en finale, il pourrait y avoir des alliances contre lui", ajoute-t-il.
- Une institution notée AAA -
Grands absents de ce duo de favoris, les francophones se positionnent comme outsiders. Le nom du Tchadien Bedoumra Kordjé soutenu par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) était régulièrement avancé comme une surprise potentielle.
La France voudrait d’ailleurs un nouveau président "plus soucieux des intérêts" de l’Afrique francophone, selon son ministère des Finances.
Le Malien Birama Boubacar Sidibé, le Tunisien Jalloul Ayed, le Zimbabwéen Thomas Zondo Sakala, le Sierra-Léonais Samura Kamara et l’Éthiopien Ato Sufian Ahmed ont d’ores et déjà été éliminés.
Mercredi, chacun des huit candidats a passé un dernier grand oral pour tenter de convaincre les gouverneurs des 80 Etats actionnaires de la Banque (54 pays africains, 26 pays non-africains).
Après la joute diplomatique, le nouveau chef héritera d’une institution financièrement solide, auréolée de la prestigieuse note AAA décernée par l’agence de notation financière américaine Fitch en 2013.
Après dix ans à la tête de la BAD, Donald Kaberuka part fier de son bilan. Sous son impulsion, la banque a triplé son capital depuis 2003 pour le porter à 91 milliards d’euros.
"Aujourd’hui, la banque est devenue un acteur majeur dans le secteur privé financier africain", s’est réjoui mardi le président sortant, rappelant que sous son mandat, la BAD avait "multiplié par 10" ses opérations de financement, de 200 millions de dollars à 2 milliards aujourd’hui.
M. Kaberuka restera également comme le grand artisan du retour de la BAD à son siège d’Abidjan, après onze années de relocalisation à Tunis.
Après le coup d’État manqué de 2002 en Côte d’Ivoire et la décennie de crise politico-militaire qui a suivi, l’institution avait été délocalisée à Tunis en 2003. Elle n’est revenue que l’an dernier dans la capitale économique ivoirienne.
Pour être élu, un candidat doit emporter la majorité des votes de tous les pays membres et la majorité des votes des pays africains. Si cinq tours de scrutin ne suffisent pas, la BAD peut décider d’ajourner et de procéder à un second vote. C’était arrivé en 2005, lors de la première élection de M. Kaberuka.
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