Internationalisation, privatisation, prédominance du Droit communautaire etc., tels sont les obstacles qui se posent face à l’expansion du Droit administratif en Afrique. Un colloque international de deux jours est ouvert depuis hier à l’Ucad pour étudier les avancées et les problématiques dans ce domaine.
‘‘Aujourd’hui en Afrique, c’est le terme ‘glocalisation’ qui s’impose davantage que celui de globalisation’’. C’est le constat du professeur titulaire de chaire à la retraite, Babacar Kanté, sur l’état du droit administratif en Afrique. Il ressort de ce terme que les administrations africaines sont écartelées entre ‘‘obéir aux normes internationales’’ et sont concomitamment sujettes à une pression locale, c'est-à-dire des ‘’revendications identitaires de plus en plus fortes’’, explique-t-il. Après un cinquantenaire d’application, les experts en droit constitutionnel se sont réunis hier à l’Ucad dans un colloque international pour étudier les évolutions de cette matière sur le continent. Le professeur titulaire de chaire, à la retraite, Babacar Kanté s’est appesanti sur le cas spécifique sénégalais en prenant l’année 1978 comme point de repère. Selon lui, des pans sont tombés, même si une certaine ligne de continuité a subsisté. La prééminence du droit communautaire constitue l’une des nouvelles donnes.
‘’On se rend compte que le droit international et celui communautaire constituent des sources de plus en plus fortes qui concurrencent la source jurisprudentielle, législative du droit administratif des Etats nationaux. La Cedeao et l’Uemoa créent un droit administratif qu’on pourrait appeler un droit administratif global’’, analyse le professeur. Cette influence du droit communautaire tend à créer un domaine qui emprunte un certain nombre de pratiques issues du droit international et vice-versa. L’autre évolution concerne l’internationalisation qui impacte sur la configuration actuelle dans ce domaine par rapport à la fin des années 70. ‘’L’internationalisation du droit administratif, dans son contenu, s’explique par des politiques de privatisation qui font que le statut qui doit être consacré à son champ d’application est beaucoup plus réduit que ce qu’il était en 1978. La liste des établissements publics en ce temps était phénoménale et aujourd’hui, elle se rétrécit comme peau de chagrin’’, déplore-t-il.
Plus de 400 décisions depuis 2008
Toutefois, l’expérience sénégalaise en la matière est antérieure à la vague de démocratisation qui a secoué le continent au début des années 90. Et la magistrature administrative sénégalaise s’était déjà posée en protecteur des libertés publiques. ‘’Quand on parle de l’ouverture démocratique de 1990, il faut insister sur le fait qu’en 1974 déjà, le juge administratif sénégalais annulait les décrets présidentiels’’, explique-t-il. En ce temps, il avait une liberté extraordinaire en ce qui concerne le rejet des requêtes.
Une évolution qui transparaît dans les progrès statistiques sur les décisions rendues par les magistrats du pays. Le directeur du laboratoire d’études juridiques de la Faculté de Sciences politiques et juridiques, le professeur Demba Sy, fait savoir qu’‘’entre 1960 et 1980, il n’y avait qu’une centaine de décisions, mais depuis lors, entre 2008 et maintenant, nous en sommes à plus de 400 décisions. C’est un progrès énorme. Les populations saisissent de plus en plus les juges alors que ce n’était pas le cas auparavant‘’, se réjouit le professeur à la Fspj.