En déclarant avant-hier qu’il a décidé d’envoyer des soldats sénégalais en Arabie Saoudite un point un trait, le président de la République Macky Sall a indisposé certains de ses alliés de Yoonu askan wi (Yaw) et du Parti de l’indépendance et du travail (Pit). Si ces derniers restent convaincus qu’en dehors du débat, il n’y a pas de démocratie, leurs alliés du Parti socialiste par contre estiment que le chef de l’Etat a bien agi en tenant un discours de militaire.
‘’Jai décidé d’envoyer des soldats en Arabie Saoudite, un point un trait. Il faut qu’on arrête ce débat malsain entretenu à des fins politiques’’, a déclaré avant-hier le président de la République, Macky Sall, pour tenter de clore le débat sur l’envoi de 2 100 soldats en Arabie Saoudite. Mais cette déclaration semble créer plus de désordre qu’elle n’en résout. Puisqu’elle indispose certains de ses partenaires qui, dès le départ, n’ont pas du tout partagé sa posture sur la question. Parmi ceux-ci, ses alliés de Yoonu askan wi (Yaw) Interpellé hier, sur le sujet, le porte-parole dudit parti estime que cette ‘’déclaration est en porte-à-faux avec la vision que Yaw a de la refondation de la République’’.
‘’Quand le président de la République dit : le chef suprême des Armées a décidé un point c’est tout, cela veut dire qu’il décide tout seul, qu’il n’y a pas de débat au parlement et on interdit aux citoyens de débattre alors que lui, il dit que c’est une question importante et sérieuse’’, rouspète Madièye Mbodj. Qui s’empresse d’ajouter : ‘’Si les citoyens ne peuvent pas s’emparer des questions importantes et sérieuses pour en discuter et se les approprier, nous ne sommes plus dans une République.’’
De ce point de vue, il estime que ‘’ces questions, non seulement l’Assemblée nationale aurait pu en discuter à fond, mais aussi les citoyens de ce pays doivent pouvoir, quand on envoie 2 100 soldats à l’étranger, connaître les tenants et les aboutissants’’. ‘’Cela, c’est la moindre des choses’’, rumine le militant de gauche selon qui ‘’il faut qu’on concède à ceux qui sont contre le droit d’émettre un point de vue contraire’’. ‘’Ce pays nous appartient à tous et c’est ensemble que nous voulons construire une République digne de ce nom. Qu’on admette un débat pluriel et contradictoire mais fondé sur des arguments qui tiennent la route’’, préconise-t-il.
Prenant acte du point de vue du chef de l’Etat sur cette question qui est en débat depuis quelque temps, Samba Sy souligne pour autant que ‘’le propre de la démocratie, c’est d’entendre les gens dire ce qu’ils pensent et à quoi ils aspirent’’. Selon le porte-parole du Parti de l’indépendance et du travail (Pit), ‘’le jour où on n’entendrait pas des voix discordantes, on pourrait s’inquiéter sur la démocratie’’. ‘’Il faut débattre pour que chacun ait le droit de dire ce qu’il pense. La liberté d’opinion dans ce pays est une conquête que nous avons acquise et qu’il faut protéger’’, fulmine le camarade de Magatte Thiam pour qui ‘’les questions de paix et de sécurité sont des questions dont il faut discuter de manière responsable en tenant toujours et rigoureusement en compte l’intérêt de la Nation’’. ’’En dehors du débat, il n’y a pas de démocratie’’, tranche Samba Sy.
Mais pour leurs alliés du Parti socialiste (Ps), ‘’le président de la République, en tenant un tel discours, a parlé en tant que Chef suprême des armées à ceux qui vont dans tous les sens sans savoir la portée et l’impact d’un tel débat sur le mental et le moral des soldats et de leurs familles’’. En secrétariat exécutif hier, les camarades de Ousmane Tanor Dieng estiment que ‘’le président de la République a parlé en tant qu’autorité’’. ‘’C’est le militaire qui a parlé, parce qu’il veut préserver le moral de nos troupes. Il y a eu tellement d’agitations, tellement de bavardages, tellement de dérapages de la part de gens qui ne sont pas au fait de ce dont ils parlaient’’, soutient Abdoulaye Wilane.
Le porte-parole du Ps condamne fermement qu’on ait évoqué dans cette affaire ‘’des situations dramatiques qui n’avaient rien à voir avec l’envoi de ces troupes’’. ‘’On a tellement convoqué dans cette affaire la mort de Jambars qui étaient partis dans le cadre d’un conflit au Koweït, où c’est après mission accomplie qu’ils ont été rappelés à Dieu de retour de leur petit pèlerinage (Oumra)’’, déplore le maire de Kaffrine. Aussi, pour Abdoulaye Wilane, ‘’le président de la République a à sa disposition en tout lieu et en toute circonstance des experts en activité ou à la retraite, que cela soit en diplomatie ou dans les Forces Armées’’.
Cependant pour Madièye Mbodj de Yoonu Askan Wi, ‘’être le chef suprême des armées ne veut pas dire décider sans une concertation avec la représentation nationale et avec les citoyens de ce pays parce que ce sont les enfants de ce peuple qui sont envoyés en Arabie Saoudite’’. ‘’On ne peut pas contraindre les gens à se taire. Ça, c’est un mauvais pari parce qu’on n’obligera jamais les gens à se taire ou à ne pas penser’’, prévient-il.