Le Maroc est bien présent au Sénégal. Au-delà des finances, il y a les Bâtiments et travaux publics (BTP) où ses entreprises progressent sûrement. Malgré tout, le royaume est loin d’être satisfait de son poids économique à Dakar. Il veut plus d’investissements et surtout plus d’échanges commerciaux. Voyages politico-économiques, accords multiples, visites de prospections, les hommes d’affaires multiplient les initiatives depuis quelques années afin de se positionner dans les secteurs à fort potentiel. Dans ce second jet du dossier, les affaires marocaines apparaissent devant les lumières du ‘’nouveau jour’’. Pour le Royaume chérifien, l’Afrique, au-delà du Sénégal, est un gros marché à conquérir. Des acteurs locaux regrettent cependant que l’inverse ne soit pas vrai et que le Maroc reste encore hermétique dans beaucoup de secteurs de l’économie.
Les Marocains s’installent progressivement comme une puissance économique au Sénégal. Outre le secteur financier (voir notre édition N° 1174), il y a le secteur des BTP, très convoité par les sujets du roi Mohammed VI. D’ailleurs, le 23 septembre 2014, le président de la République Macky Sall a procédé à la pose de la première pierre de la ‘’Cité de l’émergence’’ (ancienne gare routière ‘’Pompiers’’) pour 21 milliards de francs Cfa. Un marché dont la société marocaine Dohha est l’adjudicataire. A cela, il faut ajouter la ‘’Cité de l’avenir’’ pour 19 milliards de francs Cfa attribué au même groupe. Mais le projet phare dans l’immobilier reste sans contexte le pôle urbain de Diamniadio dans lequel on retrouve le groupe Alliance. Le projet bâti sur une superficie de 1 946 hectares vise la construction de 40 000 logements tous standings confondus, pour un montant de 325 milliards de francs Cfa.
De gros marchés attribués à des entreprises du royaume et qui ne sont pas toujours du goût des Sénégalais. Un acteur majeur dans le secteur des BTP a du mal à cacher sa colère. «On fait la part belle aux entreprises marocaines. Il y a 4 à 5 entreprises locales dans le domaine. Tout ce que les Marocains font, nous pouvons le faire. Ils ne peuvent rien nous apprendre. Ils savent faire des ponts, nous savons le faire, des bâtiments, nous savons le faire’’ martèle-t-il. Il reconnaît tout de même que les Marocains ont plus de ressources. Et c’est justement là où on perçoit la différence du côté de l’Etat.
Une autorité bien logée dans l’appareil d’Etat a basé toute sa réplique sur ce point. ‘’Dans nos pays, c’est le capital qui est rare. Le secteur privé ne peut pas se justifier de certaines garanties auprès des banques. Il nous faut donc des investissements étrangers, sinon nous sommes largués. Et l’avantage comparatif des multinationales, ce sont les capitaux’’, rétorque-t-il. Ainsi, prévient-il sur les conséquences : ‘’Si tu te mets là à certaines protections, ce sera à tes risques et périls, tu ne seras plus compétitif. Les autres ne voudront plus mettre leur argent. Et pourtant, plus la taille du secteur financier augmente, plus tu te développes.’’
De l’avis de ce dernier, ce qu’il faut renégocier par contre, c’est le personnel. Son argumentaire est que le Sénégal n’a pas les ressources, mais il a l’expertise. Il faut donc se battre pour avoir une équipe directionnelle qui soit du pays. A défaut, qu’il y ait certains parmi eux qui occupent des positions stratégiques. Les acteurs économiques lui objectent qu’une entreprise a beau avoir des cadres et même un directeur sénégalais, si elle appartient aux étrangers, elle restera toujours une société étrangère, avec des décisions prises loin du Sénégal pour être exécutées sur place. Ce qu’ils proposent à la place, c’est que l’Etat ne permette pas que les étrangers puissent être propriétaires à plus de 49%, histoire de permettre à la nation de garder le contrôle.
Présence discrète dans des secteurs clefs
La sphère d’influence du royaume chérifien dépasse les finances et les BTP. Les câbleries du Maroc par exemple sont bien présentes au Sénégal. Dans l’électrification, rurale notamment, l’Agence sénégalaise d’électrification rurale (ASER) a noué un partenariat avec l’Office National d’Electricité (ONE) afin d’améliorer la distribution de l’électricité à Saint-Louis, dans le nord du pays. L’industrie pharmaceutique y a également pris pied. Lors de sa visite en mars 2013, le roi Mohammed VI a inauguré West Afric Pharma, une unité pharmaceutique de 8 millions d’euros, filiale de la société marocaine Sothema. Elle est implantée dans la banlieue. Dans le transport aérien, la Royal Air Maroc, héritière de la défunte Air Afrique, dessert aujourd’hui 27 destinations en Afrique. Selon le magazine marocain Finances news hebdo, la RAM «qui effectue déjà deux vols quotidiens entre Dakar et Casablanca, a soumis un projet aux autorités sénégalaises afin de porter cette liaison à trois vols par jour».
La présence marocaine au Sénégal se manifeste aussi dans les échanges commerciaux. D’après le ministre marocain du Commerce extérieur, Mohamed Abbou, "le Sénégal est le premier partenaire économique du Maroc en Afrique subsaharienne, avec un volume global des échanges en croissance continue durant ces dernières années, de l’ordre de 260 millions de dollars US en 2013". Ces échanges sont évalués à 221 milliards de dollars entre 2008 et 2013. Ils ont sensiblement évolué dans la première décennie du millénaire, passant de 9,7 milliards de F Cfa en 2000 à 30,5 milliards en 2010, révèle le président du Club des investisseurs marocains au Sénégal. Les produits échangés sont essentiellement les médicaments, les produits de la mer, les engrais, les lubrifiants, les fils électriques, les agrumes et l’artisanat dont les mocassins du royaume chérifien en sont le symbole.
Malgré tout, le volume des investissements marocains au Sénégal ne représente que moins de 10% des opportunités, selon M. Lahloud. Le niveau des échanges est donc loin d’épouser les ambitions du Maroc. Ce qui justifie la multiplication des missions d’affaires, des voyages politico-économiques de Mohammed VI et de ses ministres, mais surtout la signature de nombreuses conventions. En 1960 déjà, il y avait une convention de traitement national des entreprises d’un pays implantées dans l’autre. En 2002, il y a eu une convention de non-double imposition.
Pas évident d’investir au Maroc
Même si les relations commerciales ont connu une certaines léthargie en un moment donné, elles n’ont jamais cessé. Au contraire, elles connaîtront un regain de force. En novembre 2012 sont organisées les premières assises de la coopération maroco-sénégalaise, à l’occasion de la 21ème édition de la Foire internationale de Dakar (FIDAK). Un peu plus de deux ans après, les Marocains posent un nouveau jalon. En juin 2014, environ 100 chefs d’entreprises marocaines ont été en mission commerciale au Sénégal. Une rencontre au cours de laquelle les autorités marocaines ont plaidé pour une autre vision de la présence de leur pays au Sénégal.
«Il est nécessaire de rompre avec l’idée reçue d’un Maroc exportateur et conquérant pour le présenter davantage en partenaire stratégique pour le développement des économies africaines », a plaidé le ministre marocain du Commerce, de l’Industrie et des Nouvelles technologies, Abdel Kader Amara, lors de la mission économique. La directrice de Maroc Export, Zahra Maafiri, a également présenté cette mission comme un moyen pour "ouvrir de nouvelles perspectives économiques et commerciales au profit des entreprises des deux pays".
De façon plus pratique, il s’agit de voir comment faire "venir plus de petites et moyennes entreprises marocaines au Sénégal". Pas sûr que ce soit bien accueilli par les acteurs économiques. A moins qu’il y ait association avec les locaux. Un de nos interlocuteurs fait remarquer qu’il est presque impossible pour un Sénégalais d’avoir une entreprise 100% sénégalaise au Maroc. Non pas parce que les textes l’interdisent, mais parce que l’attitude des hommes, ceux de l’administration notamment, constitue la montagne quasi-infranchissable. En fait, le Maroc protège bien son économie et tient à garder les secteurs-clés, contrairement au Sénégal qui croit devoir s’ouvrir sur tout.
Quoi qu’il en soit, il est évident qu’il y a un déséquilibre dans les rapports commerciaux qui se joue en faveur du Maroc. Lors de ce voyage économique des 100 chefs d’entreprises, le ministre sénégalais du Commerce Alioune Sarr a révélé que «la valeur cumulée des échanges des deux pays entre 2008 et 2013 a atteint près de 121 milliards de dollars Us». Mais que dans la même période, les volumes du commerce bilatéral sont passés de 42,5 milliards CFA à 37 milliards, soit une régression de près de 3%. Cette baisse, ajoute-t-il, est la conséquence de la réduction des importations sénégalaises en provenance du Maroc. Ce qui est la preuve que dans ce partenariat, le Sénégal est plus consommateur que producteur. Bref… Dans tous les cas, devant le constat d’une chute du volume depuis quelques années, des mesures sont prises, afin de rectifier le tir. Les nouvelles ambitions sont traduites par la signature en mars 2013 d’un protocole d’accord de coopération entre Maroc Export et l’Agence sénégalaise de promotion des exportations (ASEPEX).
A propos toujours des missions politico-économiques, le ministre marocain des affaires étrangères a été reçu au palais par le chef de l’Etat, Macky Sall, le 2 mars dernier. L’objet de la rencontre était de parler des possibilités d’investissements et d’échanges entre les deux pays. Quelques semaines avant, le lundi 16 février 2015, Turbo business network (TBN) qui se veut le premier réseau marocain de recommandations d’affaires installait sa section sénégalaise. La rencontre devait durer trois jours et permettre de nouer des partenariats entre les patrons d’entreprises sénégalaises et ceux de la monarchie du Maghreb. En fait, les Marocains ont compris que les différents secteurs qu’ils ont investis regorgent d’énormes potentialités. Le Sénégal a un grand défi à relever en matière de finance, d’infrastructures, d’électrification rurale, d’éducation, de santé...
Au-delà des secteurs précités, d’autres comme les TIC, l’agro-alimentaire, le tourisme… sont autant de secteurs qui regorgent d’opportunités pour les investisseurs. Le Maroc est très souvent cité au Sénégal comme un modèle touristique. Dans l’agro-alimentaire, le président Macky Sall s’est rendu aux assises de l’agriculture le mois dernier. Il a fortement loué «la pertinence de la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui a lancé l’ambitieux Plan Maroc Vert». Les hommes d’affaires explorent même des activités où on ne les soupçonnait pas. La Marocaine des jeux et des sports (MDJS) a, en effet, noué un partenariat d'assistance avec la loterie nationale sénégalaise (LONASE) pour l’aider à augmenter les recettes ‘’grâce aux paris à cote". Le directeur général de la MDJS, Younes El Mechrafi prévient : «Pour le moment, cet accompagnement est dispensé à titre gracieux mais, à l'avenir, la MDJS compte bien vendre ses services d'assistance technique». Reste à savoir ce que le Sénégal compte apporter au rendez-vous du donner et du recevoir……économique et commercial.
Expansion dans le continent africain
Le Maroc est bien présent au Sénégal et entend l’être davantage. Cependant, les ambitions du Maroc dépassent largement les 194 712 km² du Sénégal et ses 13 millions d’habitants. Ce qui l’intéresse, ce ne sont même pas les 80 millions d’âmes de l’UEMOA, mais plutôt les 300 millions de consommateurs ouest-africains. Le Sénégal n’est donc que le point d’appui à partir duquel le pays compte étendre ses tentacules. Le marché européen est saturé et l’Afrique du Nord l’est presque, l’avenir est donc en Afrique subsaharienne. Ce n’est pas pour rien qu’en implantant l’unité pharmaceutique à Dakar, qu’une des responsables Mme Tazi, ait déclaré : «Avec cette usine, nous espérons donner aux patients sénégalais un produit de qualité avec des prix accessibles et on espère aussi exporter ces produits dans la sous-région.»
Les échanges entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne sont encore timides. ‘’À peine 5% des importations du royaume’’, selon des chiffres officiels repris par Jeune Afrique. Deuxième pays africain à investir sur le continent, le Maroc a vu le volume de ses échanges avec ses voisins au sud du Sahara être multiplié par six en l’espace de 10 ans. De 588 millions de dollars (503,6 millions d’euros) en 1998, ils sont arrivés à 3 milliards d’Euros en 2008. La chasse aux opportunités ne fait que commencer. En 2013, le groupe Wafa assurance a fait son entrée sur le marché ivoirien des assurances. Le groupe Saham y était déjà. Les Marocains ont noué un partenariat avec une société d’assurance de taille modeste, Solidarité africaine d'assurance (Safa). Elle représente environ 2% du marché.
Mais cela n’inquiète guère les ‘’sujets’’ du roi Mohammed VI. Dans un entretien publié sur le site de jeuneafricom.com du 1er mars 2013, l’ex-patron de Wafa Assurance Ramsès Arroub tempère : «C'est effectivement une compagnie de taille modeste : sa part de marché est d'environ 2 %. Mais ce qui nous intéresse, c'était de disposer d'une porte d'entrée dans le marché ivoirien, le principal de la Cima. L'assurance est un métier de marathonien. Quand on s'implante dans un pays, c'est dans un objectif de long terme. Il faut du temps pour installer les meilleures pratiques».
Cette patience déjà prévue n’est pas gratuite. Le marché des assurances est presque vierge en Afrique. Le volume est pour le moment de 1,3 milliard d’euros. Contrairement aux pays maghrébins et occidentaux. En guise de comparaison, le marché des assurances marocain a produit 1568 Milliards de F FCA en 2013, selon l’hebdomadaire.
D’ailleurs, la différence des stratégies de Wafa assurance dans les deux régions le fait nettement ressortir. En Tunisie et Algérie, le groupe cherche à apporter de la valeur ajoutée, car le secteur est déjà bien occupé. En Afrique subsaharienne par contre, il va ratisser large. «Dans cette région, nous comptons être le plus universel possible, en offrant tous les produits d'assurance», confie M. Arroub. Dans un premier temps, le groupe compte se focaliser sur les quatre gros morceaux de la CIMA, à savoir le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Cameroun et le Gabon. Ces pays représentent 75% de l’assurance dans la région.
Cette offensive économique est soutenue par des visites officielles et des signatures de partenariats. Lorsque la centaine de chefs d’entreprises marocains a visité le Sénégal, elle ne s’y était pas arrêtée. C’était plutôt une tournée économique. Les hommes d’affaires ont d’abord été en Côte d’Ivoire et au Bénin avant d’arriver au Sénégal. Mais les déplacements les plus significatifs restent ceux du souverain, présenté comme le premier agent commercial de son empire.
5 000 conventions et accords bilatéraux
Le roi Mohammed VI s’est rendu au mois de mars 2013, tour à tour au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Il multiplie les voyages dans les pays de la sous-région. Ses hommes d’affaires aussi se lancent en permanence dans la prospection. «En dix ans, une quarantaine de commissions mixtes ont été créées, près de 5 000 conventions et accords bilatéraux ont été signés et sont entrés en vigueur», relève Jeune Afrique. Le résultat est facilement visible. Le Maroc est devenu le premier investisseur en Afrique subsaharien et le deuxième dans le continent derrière l’Afrique du Sud, selon le journal.
Aujourd’hui, les grandes institutions bancaires, Attijariwafa Bank et BMCE notamment sont dans 19 pays africains. En guise d’indication, Le Groupe Attijariwafa Bank détient 81% du capital du Crédit du Congo, 51% de la Société ivoirienne de banque, 65% de la Société camerounaise de banque, 59% de l'Union gabonaise de banques. La réussite de Maroc Télécom en fournit une preuve fort édifiante de la place du Maroc. Cette société de téléphonie a des filiales au Burkina Faso (Onatel), en Mauritanie (Mauritel), au Mali (Sotelma) et au Gabon avec Gabon Télécom. Une bonne partie de son chiffre d’affaires est réalisée en Afrique de l’ouest grâce à ses filières dans la zone. Au vu de la vision du roi Mohammed VI et des potentialités dans le continent, l’aventure ne fait que commencer.
Maroc : Emergence, mode d’emploi
C’est l’une des trois monarchies en Afrique avec le Lesotho et le Swaziland. Mais la comparaison s’arrête là, car le royaume chérifien est bien installé sur la voie de l’émergence. Il est l’une des puissances économiques du continent. Un progrès qui s’est construit réellement à la faveur de la mainmise de la dynastie alaouite sur le pays, encadrant avec rigueur les libertés civiles et politiques, en contrepartie d’une liberté d’entreprendre et un arrimage aux modèles de développement libéraux. Peu de « démocratie » et beaucoup d’investissements durables : ce sont les deux termes du miracle marocain qu’entretient son monarque, Mohammed VI, depuis son sacre en 1999.
Miracle parce que c’est le seul pays nord-africain à avoir traversé sans encombres « le printemps arabe » ; miracle parce que rien ne le prédisposait à devenir une puissance économique. Au cours de ses trente-six ans de règne, le roi Hassan II a serré les vis, et instauré une dictature moderne, tout en menant une efficace modernisation de l’économie copiée sur le modèle des pays à économie de marché. Le Maroc est le troisième producteur et premier exportateur mondial de phosphates, rentrée importante en devises pour le pays. Il en détient, et de loin, les premières réserves mondiales avec 50 000 milliards de tonnes. Idem pour le tourisme qui n’a pas souffert du contexte géopolitique, même si les attentats de Casablanca en 2003 et ceux de Marrakech, en 2009, ont relevé le niveau de sécurité.
Les Marocains n’ont pas volé leur prospérité, même si une majorité de la population flirte avec le seuil de pauvreté, surtout en campagne et dans les cités-ghettos de leurs grandes villes. Malgré ses bonnes performances et l’amélioration de la situation économique dans son ensemble, le Maroc n’a pas pu répondre au défi posé par le chômage des jeunes (15 -24 ans), qui s’est élevé à 19.1 % en 2013. En 2014, le Maroc a continué à mettre en œuvre son programme de réformes (subventions, fiscalité, retraite, protection sociale et système budgétaire), avec un double objectif : améliorer l’efficience des finances publiques et soutenir le développement d’un modèle de croissance inclusif porté par le secteur privé, qui soit créateur d’emplois pour les jeunes.
En position économique d’émergence, le Maroc a les moyens de défendre ses intérêts sur la scène internationale, et se montrer constant dans sa « politique africaine ». Lors de l’épisode Ebola, la compagnie aérienne Ram a continué à desservir les pays touchés, pour marquer la solidarité du royaume et surtout, pour se singulariser, alors même qu’il ne fait pas partie de l’Union africaine depuis que l’Oua a accepté l’intégration du Polisario (qui lutte pour l’indépendance des provinces du sud, l’ancien Rio de Orio espagnol) au sein de l’organisation panafricaine. En conflit latent avec son voisin algérien depuis qu’Alger a décidé de soutenir le Front Polisario, le royaume chérifien n’en reste pas moins très influent au sud du Sahara, et cela depuis les 38 ans de règne de Hassan II.
L’exception chérifienne fait donc clignoter au vert le Maroc, alors que le monde arabe traverse une période d’instabilité rarement vécue dans l’histoire contemporaine, même au plus fort des guerres contre Israël ou du choc pétrolier de 1973.
Avec une économie qui stabilise son taux de croissance à près de 04,5% par an, il bénéficie des retombées d’une politique d’industrialisation volontariste et d’une exploitation judicieuse des ressources naturelles. Le secteur des services y est en plein boom, ce qui explique sa nouvelle diplomatie économique et sa présence de plus en plus marquée dans les pays au sud du Sahara.
Le Maroc a enfin un avantage historique qu’il est considéré comme le ‘’représentant’’ du roi d’Arabie Saoudite en Afrique subsaharienne. Ce qui en fait un interlocuteur incontournable pour tout pays désirant avoir des relations apaisées avec Ryad.
C’est dire qu’il faudra compter avec ce pays. La question est donc davantage de savoir si nous sommes capables de ne pas nous laisser dicter les règles du jeu. Il faudra bien que le roi et ses sujets acceptent que le monde a beaucoup changé et que le style dirigiste a ses limites. Notre pays doit savoir où se situent ses intérêts en refusant ‘’diplomatiquement’’ de lâcher prise, lorsque les intérêts de ses entreprises sont menacées. On ne doit pas (on ne peut pas non plus) reprocher au Maroc d’être fort, mais on pourra bien se reprocher en tant que pays, de n’avoir pas su défendre avec détermination notre ‘’espace vital’’.