Le directeur du Centre d’études diplomatiques et stratégiques (Ceds) de Dakar, Babacar Diallo, et Abdou Latif Aïdara, directeur de l’Observatoire des terrorismes du Ceds, préconisent que les religions du livre soient sanctuarisées par un programme des Nations unies.
La protection des Nations unies pour les religions du livre, c’est ce que préconise le Centre d’études diplomatiques et stratégiques (Ceds) de Dakar pour lutter contre le terrorisme. Selon le directeur du centre, Babacar Diallo, et le chercheur Abdou Latif Aïdara, directeur de l’Observatoire des terrorismes (Om2r) qui animaient hier la 9e édition des Matinées géopolitiques du Ceds, «il faut que les religions du livre soient sanctuarisées par un programme des Nations unies ». Ce qui, selon ces experts, permettrait de lutter contre le blasphème identifié comme une des motivations dans les actes terroristes. «Tant que le blasphème est toléré, les actes terroristes vont continuer», constate M. Aïdara qui souligne «qu’on ne peut pas lutter contre le terrorisme tant que l’on permet à des Etats, des individus ou des communautés de favoriser ce qui met en colère les terroristes». Le thème de cette réflexion «Quelles nouvelles stratégies convergentes pour un partenariat crédible et durable contre le terrorisme en Afrique», a attiré la participation de plusieurs experts dont Alioune Tine, directeur Afrique de l’Ouest et d’Amnesty international. Pour lui, la lutte contre le terrorisme rend impérative la mise en place de mécanismes à la fois nationaux, régionaux et internationaux. Alioune Tine souligne ainsi que ces mécanismes permettraient «de détecter les signes, d’avoir une réponse rapide et de stopper les crimes de masse». Selon le «droit de l’hommiste», les menaces terroristes dans le monde ne peuvent pas se régler en dehors de la prise en charge de certaines problématiques majeures comme la circulation des armes, l’effectivité d’une justice pénale qui n’épargne aucun coupable, la prise en charge de la question des refugiées et des personnes déplacées ainsi que le développement de programmes inclusifs pour le développement des communautés.
Faisant la «contextualisation» des menaces terroristes, l’expert Abdou Latif Aïdara n’a pas manqué de tirer la sonnette d’alarme. M. Aïdara, qui met en lumière des connections complexes et dangereuses que nourrissent les mouvements terroristes à travers le monde, attire l’attention sur les sources de vulnérabilité qui prolifèrent. Une des principales sources identifiées par l’expert reste ainsi la marginalisation de certaines régions frontalières. Cette situation est constatée au Mali comme au Nigeria. Mais, souligne M. Aïdara, sous le sceau du jihadisme, prospèrent toutes sortes de trafics dont le désert du Sahara est le théâtre. «La kalachnikov est devenue un outil de production et les islamistes sont devenus les premiers employeurs», alerte M. Aïdara qui souligne qu’Aqmi, Ei, Boko haram et autres groupes jihadistes sont en train de criminaliser une partie de la jeunesse africaine en les enrôlant dans des activités illégales sous couvert de motivations religieuses. Cette «hybridation des menaces» trouve son lit dans la jonction des forces internationales de tout bord, estime M. Aïdara, en citant les frustrés, les humiliés, les marginalisés et autres radicalisés qui sont la cible de ces organisations.
Envoi de jambars en Arabie Saoudite
Un acte héroïque, mais…
Le Sénégal accomplirait un acte historique en envoyant des hommes lutter contre le terrorisme en Arabie Saoudite. Ce blanc seing de Abdou Latif Aïdara ne s’étend toutefois pas jusqu’aux problèmes internes du Yémen. Selon le directeur de l’Observatoire des terrorismes, «au Yémen, il y a un phénomène beaucoup plus dangereux que le problème des Chiites et des Sunnites. C’est l’Etat islamique (Ei). Et aujourd’hui, il faut un partenariat, un Etat-major conjoint de l’ensemble des forces musulmanes qui sont capables de restaurer l’islam véritable pour faire face aux jihadistes autoproclamés. Si le Sénégal participe à une force de cette nature, c’est un grand honneur. Mais encore faut-il encadrer une telle intervention et ne pas en faire un Etat-major de circonstance pour défendre l’Arabie Saoudite, mais qui peut être mobilisé pour défendre le Nord Mali ou le Nigeria». Seulement, l’expert met en garde les autorités quant à une implication du Sénégal dans ce conflit dont la genèse remonte à fort longtemps. «C’est un problème arabo-arabe», indique M. Aïdara.