Les décideurs doivent prendre en compte les différentes aspirations des communautés dans l’élaboration des lois foncières. C’est le sens du forum ouvert hier à Dakar qui a pour thème ‘’une gouvernance foncière inclusive et juste pour un développement durable : le temps de l’action‘’.
‘‘La terre est et reste un enjeu planétaire. De sa gouvernance va dépendre la capacité de notre humanité à transformer positivement et durablement l’agriculture mondiale pour une sécurité alimentaire et nutritionnelle’’. En procédant à l’ouverture du Forum foncier mondial, hier à Dakar, le ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural, Pape Abdoulaye Seck, a campé la problématique majeure d’une réunion de quatre jours sur la gouvernance foncière mondiale.
Les 700 participants de plus de 80 pays veulent passer à un échelon supérieur pour régler les différentes manifestations du problème foncier mondial. Des symptômes multiformes selon les pays concernés ; qui se traduit au Sénégal par la dualité agriculture familiale et agro-business. Pour le ministre, la sécurisation de l’investissement privé ne doit pas être comprise comme un transfert définitif de propriété. ‘’Il est question de partenariat gagnant-gagnant sur un cahier de charges clairement défini. Nous ne sommes pas pour un marché assimilable à un accaparement des terres‘’, déclare-t-il, soulignant toutefois la nécessité d’un juste milieu entre les deux formes d’activité. Une priorité d’autant plus prégnante que la projection n’est pas optimiste. De 0, 43 ha de terre pour se nourrir en 1960, la perspective pour 2050 est de 0,15 ha, selon le ministre. Ce qui lui fait dire que ‘’la terre tend à devenir le pétrole de notre époque‘’.
Pour le continent africain, où 65 à 70% de la population vit de l’agriculture, donc de la terre, le foncier devient un enjeu qui les dépasse face aux enjeux internationaux.
Pour Amadou Kanouté, le directeur exécutif de l'institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (Cicodev Africa), l’acquisition de terre à grande échelle fait du foncier un enjeu géopolitique mondial. ‘’La majeure partie des pays développés ont besoin de facteurs de production parmi lesquels la terre. Il y a une perception globale qui veut que c’est en Afrique que l’on peut en trouver. La majeure partie de nos gouvernements s’appliquent pour que les investisseurs viennent chez nous et c’est là que ça pose problème‘’, analyse-t-il.
Pour lui, la croissance de la population africaine, au moins 3% par an, recommande la prise en compte des besoins prioritaires du continent d’abord, avant de se tourner vers l’extérieur. ‘’Nous avons besoin de nos terres pour nourrir nos populations avant d’être mère porteuse pour les citoyens d’autres continent‘’, ajoute-t-il. Sans compter que malgré leur virginité apparente, ces terres sont sous la menace de dégradation des facteurs naturels comme l’érosion côtière, les inondations, éboulements etc. Mais pour le ministre de l’Agriculture le problème se pose autrement. ‘’L’heure n’est pas au choix entre agriculture familiale et agro-business mais à l’exploitation optimale des complémentarités entre ces deux‘’, annonçant là que le Sénégal est doté d’un cadre national d’investissement stratégique pour la gestion des terres.
La réforme foncière, bouée de sauvetage.
Les pays africains, qui étaient à l’honneur hier, semblent avoir pris la pleine mesure de la problématique. La majeure partie d’entre eux revoient leurs législations foncières. Au Sénégal, la commission nationale de la réforme foncière (Cnrf) engage des discussions avec toutes les parties prenantes pour améliorer un texte qui devrait être disponible en décembre prochain.
Son président, Moustapha Sourang, s’est félicité de l’élan participatif qui a accompagné la rédaction du texte : ‘’Cette réforme est pilotée depuis un an et demi et se traduit par une volonté, de part et d’autre, pour que chacun sente que sa brique est dans l’édifice‘’, s’est-il réjoui, annonçant que plus de 90 rencontres sont programmés dans les 45 départements avec les acteurs. Après cette collecte, la remontée des infos se fera à la Commission qui va préparer des synthèses à partir desquelles une loi-cadre sera élaborée. Un processus ‘’légal et légitimé par les populations‘’, selon lui, qui vient suppléer les carences de la première réforme foncière de l’Afrique francophone, la loi sur le domaine national de 1964.
Amadou Kanouté salue également un processus ‘’très inclusif, très participatif. Sa composition inclue tous les acteurs : société civile, élus locaux, privés, gouvernement, paysans‘’, déclare le secrétaire exécutif de Cicodev Afrique. Ces deux questionnements majeurs n’occultent toutefois pas les autres, dont un particulièrement préoccupant. Comment gérer rationnellement les ressources naturelles qui se trouvent aussi bien sur la terre qu’en deçà, de telle sorte que les populations d'aujourd’hui et les générations futures puissent s’en servir ?