La décision du président sénégalais Macky Sall d'envoyer 2.100 soldats participer à l'opération " Tempête décisive" conduite par l'Arabie saoudite a suscité des réactions discordantes, depuis son annonce lundi dernier à l' Assemblée nationale.
L'opération "Tempête décisive" a été lancée en mars dernier pour remettre au pouvoir le président yéménite Abd Rabo Mansour Hadi, renversé par les rebelles houthis.
Annonçant cette décision, le ministre sénégalais des Affaires étrangères Mankeur Ndiaye a expliqué que cette décision a été prise par le président de la République pour "répondre favorablement à une demande de l'Arabie saoudite".
Cette décision a été critiquée et a soulevé, par médias interposés, une vive controverse parmi beaucoup d'acteurs politiques et de responsables de la société civile.
Pour le secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho), Aboubacry Mbodj, "il est regrettable qu'un Etat de droit et de démocratie comme le Sénégal s'implique dans une intervention militaire dont la légalité internationale est largement sujette à discussions".
"Aucune résolution du Conseil de Sécurité n'a apporté sa caution à l'intervention militaire du royaume d'Arabie saoudite et de ses alliés au Yémen", a-t-il relevé.
Le coordonnateur du Forum civil, Mouhamadou Mbodj a estimé que "c'est une sur-sollicitation presqu'au-dessus de nos capacités quand on regarde l'effectif des forces de sécurité au Sénégal".
"Cela risque d'ouvrir une brèche qui nous mettrait en face du terrorisme puisque le Yémen polarise une bonne partie du mouvement terroriste mondial", a-t-il déploré.
De son côté, le porte-parole du Parti démocratique sénégalais ( Pds, opposition), Babacar Gaye, a estimé que "l'argument de la protection de Médine et de la Mecque, évoqué par le gouvernement pour justifier l'envoi de 2.100 soldats sénégalais en Arabie saoudite, est un raccourci diplomatique parce que le jeu géostratégique qui se déroule au Moyen-Orient est beaucoup plus complexe que la protection des Lieux saints de l'Islam".
"Au Yémen se déroule une guerre civile avec une minorité chiite qui occupait une partie de ce territoire yéménite depuis plusieurs milliers d'années", a-t-il argué avant de s'interroger : "qu'est-ce que le Sénégal a à faire dans ce combat qui intéresse plus l'Arabie saoudite et l'Iran que la communauté islamique".
Pour sa part, Abdoulaye Baldé, ancien ministre des Forces armées et leader de l'Union des centristes du Sénégal (UCS), a déclaré, lors d'un meeting à Kaolack (centre), que "la guerre du Yémen n'est pas conventionnelle, car nous avons affaire à des terroristes, en plus de la rigueur du climat".
Il a ajouté que le Sénégal "est le seul pays non membre de la Ligue arabe engagé dans ce conflit auquel participent huit pays sur les 22 que compte cette ligue". Il a estimé que "ces paramètres doivent être pris en charge pour envoyer des troupes d' élite en Arabie saoudite".
D'autres formations politiques ont par contre approuvé la décision de Macky Sall.
Dans un communiqué, le Parti socialiste (PS) a estimé que "la responsabilité commande de saluer la décision du président de la République de répondre positivement à la demande du Roi Salman".
"Notre pays se devait de manifester sa solidarité et son soutien agissant à un pays frère dont la stabilité et la sécurité sont menacées par la situation au Yémen", indique la même source.
Le secrétaire général national du Rassemblement démocratique sénégalais (RDS), Mame Mactar Guèye, a également fait part de "sa totale adhésion" à la décision du chef de l'Etat, dans un communiqué.
"Le RDS ne peut pas avoir naguère exprimé sa désapprobation de la participation du chef de l'Etat Macky Sall à (la) marche d' indignation (de Paris) en faveur de +Charlie Hebdo+ et ne pas saluer sa nouvelle posture", a-t-il argumenté.
L'ancien casque bleu des Nations unies, le major Khadim Diop, rapporte l'Agence de presse sénégalaise (APS), soutient que la sollicitation de l'Arabie saoudite "doit être considérée comme une reconnaissance de l'expertise des forces armées sénégalaises qui ont, au fil des année, fait montre de leur professionnalisme dans différents théâtres d'opération, sous la bannière des Nations unies".
"Les pertes de soldats font partie de la vie des armées, ce n' est pas un argument valable contre cette intervention", a-t-il souligné.