Du fait de la sous-déclaration des capacités réelles de leurs bateaux de pêche, le Sénégal s’est vu voler 1742 tonnes de poissons en 2014, frauduleusement dissimilées par des navires chinois opérant dans ses eaux. Pis, selon les estimations de Greenpeace, cette forme de fraude des navires chinois a fait perdre au Sénégal 371.404.800 F Cfa entre 2000 et 2014 rien qu’en redevances de licence. Un manque à gagner auquel s’ajoute le non payement des amendes qui doivent résulter de cette pêche illicite.
Les résultats d’une étude de Greenpeace intitulée «Arnaques sur les côtes africaines, la face cachée de la pêche chinoise et des sociétés mixtes au Sénégal, en Guinée Bissau et en Guinée» sont alarmants. Selon Ahmed Diamé, le chargé de campagne océans de Greenpeace, qui procédait à la restitution de cette enquête, hier mercredi 6 mai, partant du cumul du tonnage brut non déclaré, le préjudice pour notre pays se chiffre à 1742 tonnes en 2014. Cette quantité frauduleusement dissimilée, juge-t-il, pouvait remplir au moins 6 navires de pêche industrielle, avec un tonnage brut de 300 tonnes chacun.
En effet, le paradoxe est, soutient Ahmed Diamé, qu’aucun des 12 navires reconnus comme étant la propriété de Sénégal Armement, la société mixte opérant avec la société nationale chinoise dénommée «China national fisheries corporation» (CNFC - propriétaire de ces bateaux) n’a donné la valeur normale de son tonnage brut. Pire encore, souligne Ahmed Diamé, les investigations de Greenpeace ont démontré que, pour la plupart des navires de Sénégal Armement dénommés «Soleil», le tonnage brut déclaré à l’Etat du Sénégal est de 193. Or, leurs valeurs normales est de 303 tonnes chacun.
Et, sur la base d’informations disponibles, l’Ong estime que la CNFC a sous déclaré le taux brut aux autorités sénégalaises de 43% en moyenne annuelle par rapport à leur taux bruts réels. En plus de ce manque à gagner, la sous estimation permet aussi à ces navires d’accéder à des zones réservées à la pêche artisanale.
Plus 371,4 millions de F Cfa perdus
La sous-déclaration du tonnage brut d’un navire crée des pertes financières pour la zone concernée car, soutient Ahmed Diamé, les redevances de licence sont calculées sur la base du tonnage brut. Ce faisant, les sociétés qui sous déclarent le tonnage brut de leurs navires privent le Sénégal de ressources financières. Selon les estimations de Greenpeace, la sous déclaration du tonnage réel des navires chinois a fait perdre au Sénégal 371.404.800 F Cfa entre 2000 et 2014 rien qu’en redevances de licence que la CNFC a évité de payer durant cette période. Une perte sèche n’incluant que 15 ans de données sur les 30 ans années de présence de la CNFC dans nos eaux et ne prenant pas en compte l’impact sur les écosystèmes encore moins la valeur du poisson péché illégalement (par la CNFC) via un accès injustifié aux zones de pêche côtière qui sont cruciales pour la subsistance des communautés locales et la pêche artisanale.
Un manque à gagner auquel s’ajoute le non payement des amendes qui doivent résulter de cette pêche illicite. Evoquant toujours, les impacts négatifs de la sous estimation des navires chinois, le chargé de campagne océan de Greenpeace déclare aussi que l’arnaque sur la contenance des navires de pêches chinois entraine des bouleversements sociaux. Pour Ahmed Diamé les industriels autorisés frauduleusement à pêcher sur les côtes privent des pêcheurs artisanaux de leur moyen de survie. Des problèmes environnementaux découlent aussi de cet exercice. Les méfaits de l’activité illicite des navires chinois ne sauraient se limiter à ces impacts car, fait remarquer Ahmed Diamé, depuis 1988, les Chinois s’adonnent à la pêche dans les eaux sénégalaises avec le même système.
Recommandations: mener une enquête approfondie
Face à cette fraude et ses impacts néfastes, Greenpeace a tenu à formuler des recommandations aux autorités étatiques. Ainsi il est demandé au gouvernement de mener d’urgence une enquête approfondie sur la présumée fraude concernant la déclaration des tonnages bruts par les sociétés de pêche chinoises ainsi que la fraude éventuelle orchestrée par d’autres nationalités. Greenpeace souhaite aussi que le Sénégal vérifie le tonnage brut des navires battant leur pavillon et qui pêchent dans les eaux des Etats côtiers de l’Afrique. Mieux, trouve Greenpeace, le Sénégal, tout comme les autres Etats côtiers de l’Afrique de l’Ouest, doivent rendre publique les listes de navires autorisés à pêcher dans leurs eaux y compris l’identité des navires, les propriétaires bénéficiaires et les caractéristiques techniques.