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Passé présent : La tragédie des 93 Jambaar
Publié le mercredi 6 mai 2015  |  Le Quotidien




C’est la deuxième fois que le Sénégal va envoyer des soldats en Arabie Saoudite. La première expérience de 1991 a été très douloureuse. L’opération Tempête du désert avait fait perdre à l’Armée nationale 93 soldats à la suite d’un crash de leur avion.

Les canons avaient à peine cessé de tonner que surgit la «Tragédie !». Cette exclamation portée à la Une du journal Le Soleil du 22 mars 1991 fait alors triste écho au crash de l’avion C 130 à la base militaire de Safaniya. Bilan ? 92 morts et quatre blessés. L’un d’eux succomba des heures plus tard. Les passagers étaient des soldats sénégalais engagés dans la guerre du Golfe, communément appelée opération «Tempête du désert». Ils étaient près de 500 jambaar. Le retour au pays était quasi-imminent. Mais ils étaient partis à la Mecque pour effectuer la Umra (petit pèlerinage). Leur rentrée à la base aura été dramatique. Cette perte est le tribut que le Sénégal a payé à la guerre du Golfe, engagée contre l’Iraq et son Président Saddam Hussein. Ce dernier s’était réjoui d’avoir terminé le déploiement de son Armée au Koweït le 19 novembre 1990. Il l’avait démarré depuis le 2 août. Et l’invasion de l’Arabie Saoudite était dans sa ligne de mire. A l’exception de la Chine, les membres du Conseil de sécurité de l’Onu ont adopté la résolution 660. Celle-ci sommait Saddam Hussein de retirer ses troupes du Koweït. Mais Bagdad fit la sourde oreille et prédit une lourde défaite aux Etats-Unis en cas d’offensive militaire.

L’ultimatum du 15 janvier 1991
Le dernier ultimatum expirait le 15 janvier 1991. Mais le Président iraquien n’en fit cas. C’est ainsi que le 17 janvier à 2h du matin, le porte-parole de la Maison Blanche, Martin Fitz­water, annonça devant les caméras du monde : «La libération du Koweït sous le nom de code «Desert storm» (Tempête du désert) a commencé à minuit.» Les Gis américains procédèrent à un pilonnage systématique des positions de l’Armée iraquienne à Bagdad et au Koweït. Mis en route entre le 18 et 19 septembre 1990, le contingent sénégalais était composé essentiellement des parachutistes, d’un détachement de blindés, ainsi que des éléments du 3e bataillon de Kaolack et des commandos marins et de l’Armée de l’air. Le contingent était commandé par le colonel Mouhamadou Keïta (actuellement Général à la retraite).
Les diambars furent déployés à la frontière irano-iraquienne, du côté saoudien, notamment pour sécuriser des puits de pétrole bombardés par l’aviation iraquienne. Le premier coup dur pour les diambars est survenu dans la nuit du 20 au 21 février 1991. Des missiles Scud iraquiens ont blessé huit soldats sénégalais, parmi ceux qui assurent la garde d’une plateforme pétrolière. Le premier corps à corps militaire a eu lieu le 30 janvier 1991. En effet, l’Iraq a lancé une opération terrestre contre la ville saoudienne de Khaladji. L’Armée américaine enregistra douze morts. Saddam Hussein avait ordonné le mouvement de 800 blindés vers l’Arabie Saoudite. Des affrontements les ont opposés aux troupes saoudo-qataries. Plus de 400 soldats iraquiens avaient été fait prisonniers. La coalition avait également enregistré plusieurs morts.

Les missiles scud
Dès le 4 février, Saddam brandit la menace d’attentats contre les intérêts américains et de ses alliés partout dans le monde, en représailles aux bombardements de son territoire. Il restait que ses troupes étaient acculées. Déjà en 48h de frappes aériennes, en guise de précaution face à la puissance de feu de la coalition, 39 chasseurs bombardiers iraquiens ont atterri à Téhéran. Le gouvernement iranien décida de les confisquer jusqu’à la fin de la guerre. Le 5 février, Bagdad rompt ses relations diplomatiques avec Washington, la Grande Bretagne, la France, l’Italie, l’Egypte et l’Arabie Saoudite. Quoi qu’il en soit, la coalition avait déjà décidé de lancer une offensive terrestre pour chasser l’Armée iraquienne du territoire koweitien et ce, dès le 7 février. C’est dans ce cadre que le chef d’Etat-major général de l’Armée américaine, Colin Powell, et le secrétaire d’Etat à la Défense Dick Cheney descendent en Arabie Saoudite pour remonter le moral de leurs troupes. Toutefois, commencent les tractations diplomatiques pour éviter le bain de sang. Mais Saddam rejette l’offre de cessez-le-feu de l’Iran, qui était conditionné par le retrait immédiat de ses troupes du Koweït.

Saddam se rend
Il n’empêche que le Président américain, Georges H. Bush, temporise pour donner une nouvelle chance à la diplomatie. Le vendredi 15 février, Saddam demande à son tour le retrait des troupes alliées du Golfe, le règlement définitif du conflit israélo-palestinien et la levée des sanctions économiques contre son pays. Son offre de paix est jugée irrecevable. Le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbat­chev entre en jeu. Il demande à Saddam de mettre fin à l’invasion du Koweït sous la garantie de respecter ses frontières par les forces alliées. Pendant tout ce temps, les troupes sénégalaises maintiennent leurs positions. Saddam Hussein a pu envoyer 31 missiles Scud à Ryad à la date du 20 février 1991. La veille, une délégation sénégalaise composée du ministre de la Défense Médoune Fall, et du général Mouha­madou Man­sour Seck, chef d’Etat-major des Armées, arrive à Ryad pour rendre visite aux huit blessés sénégalais hospitalités dans la capitale saoudienne. La bataille terrestre était imminente.
Le dimanche 24 février, la coalition lance une grande offensive terrestre pour libérer le Koweït des troupes iraquiennes. Isolé, Saddam saisit Gorbatchev le mardi suivant pour négocier un cessez-le-feu. Il ordonne le retrait de ses soldats, qui se rendaient en masse, du Koweït. L’opération a été bouclée. Le 28 février à 2h du matin, Georges H. Bush suspend la guerre. Tout était réuni pour que le contingent sénégalais rentre sans grosses pertes.
Ayant pris part à l’offensive terrestre, les hommes du colonel Mouha­madou Keïta avaient été très heureux de prendre le contrôle de l’ambassade du Sénégal au Koweït. L’euphorie de la paix a été bouleversée par le crash. Et le Président Abdou Diouf qui avait rendu visite à ses soldats de décréter un deuil national. Le reste du contingent est rentré en héros après avoir enterré leurs 93 frères d’armes en Arabie Saoudite.

Abdou Diouf lors de son discours du 31 décembre 1990
«Le sens de ma décision d’envoyer un contingent»
«La raison de gravité particulière, je ne l’évoquerai pas en détail, elle vous est devenue familière. J’insisterai plutôt sur le fait qu’elle concerne tous les pays et, en particulier, les pays faibles comme le nôtre. C’est qu’elle vient de la violation des principes sans le respect desquels l’existence indépendante des petits pays serait constamment menacée. Voilà pourquoi nous avons tout naturellement apporté notre appui total aux résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Tel est le sens de ma décision d’envoyer un contingent militaire en Arabie Saoudite, participer à la défense des valeurs universelles, aider le gouvernement et assurer la sécurité des lieux saints de l’islam (…).»

Coalition internationale contre Saddam Hussein
L’armada américaine
La guerre du Golfe a été une occasion pour les Etats-Unis de montrer au monde leur superpuissance militaire adossée à l’évolution de la technologie. Près de 500 mille militaires ont été engagés dans cette guerre. Là où la Syrie a participé avec 20 mille militaires, à côté du Maroc, l’Egypte a envoyé autant en Arabie Saoudite. En Europe, la France a contribué à hauteur de 12 mille soldats, devant la Belgique (trois navires faisant 400 hommes), l’Espagne (500 soldats), les Pays-Bas (400 hommes), la Tchécoslovaquie (unité militaire de lutte antichimique). Elle est néanmoins derrière la Grande Bretagne qui avait déployé 15 mille soldats.
En Afrique subsaharienne, seuls le Sénégal et le Niger avaient envoyé des contingents de 500 hommes chacun. En Asie, le Bengladesh avait mobilisé plus de 2 500 soldats. Le Pakistan avait fait de même avec 2 000 soldats. Le continent américain a marqué la coalition avec les 270 mille soldats, 40 bâtiments, trois porte-avions, 1 200 avions de combat et hélicoptères, 700 chars et 500 autres avions réservés mobilisés par les Etats-Unis. Georges Bush père devançait de loin l’initiateur de la coalition, à savoir l’Arabie Saoudite (67 mille 500 soldats), le Canada (1 700 soldats), l’Australie (600 hommes) et l’Argentine avec son millier de combattants.
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