La victimisation peut être un tremplin pour accéder au pouvoir. Macky Sall a gagné dans sa bataille contre Wade et le Pds. Même si Idrissa Seck avait raté le coche en 2007. Qu’en sera-t-il pour Khalifa Sall et Karim Wade, dans une moindre mesure, qui se présentent comme des «victimes» de l’actuel régime ?
Si Macky Sall a été élu en grande partie par son fameux «tour du Sénégal», il a également, à certains égards, pu exploiter son statut de «martyr» du régime de Abdoulaye Wade. En effet, les armes de ses frères libéraux contre lui pour le démettre du Perchoir ont servi de flamme à sa carrière politique déjà ascendante et supersonique entre 2000 et 2008 : directeur général, ministre (Energie, Intérieur), Premier ministre, président de l’Assemblée nationale. Et en 2012, le sacre est ainsi tombé entre ses mains. Avec surprise puisque d’autres voyaient un Idrissa Seck plus proche du fauteuil après son test de 2007 qui l’a placé 2ème derrière Abdoulaye Wade, et devant des partis et des leaders plus coriaces : Ps et Tanor, Afp et Moustapha Niasse. Cependant, l’ancien maire de Thiès, bien qu’étant 2ème, n’a pu accéder au pinacle. Au deuxième test de 2012, Seck a plutôt dégringolé, comme Niasse en 2007, après son score de 2000. C’est que l’ascenseur de la victimisation ou de l’emprisonnement est aléatoire par rapport au destin présidentiel. Quoique certains croient encore à la fameuse formule : «La prison est un raccourci vers le Palais.»
Karim et le «marketing» de la Crei ?
En tout cas, le Parti démocratique sénégalais en fait une religion avec le choix de Karim Wade, en prison pour enrichissement illicite, pour affronter Macky Sall en 2017. Ou après. Mais qui sait ? «Karim a acquis sa légitimité en prison. Les Sénégalais l’ont aimé en prison. Il a gagné leur sympathie en prison parce que les Sénégalais savent qu’il n’a rien fait et que c’est un prisonnier politique de Macky Sall», déclarait Babacar Gaye, porte-parole du Pds, le 21 mars dernier lors de l’investiture de Wade-fils comme candidat. Egalement, la longueur du procès de Karim a semé le doute chez certains Sénégalais sur sa culpabilité. Un possible capital-sympathie qu’il aurait tiré de son emprisonnement, selon son père. Lors d’une visite le 14 février dernier à son fils à Rebeuss, Abdoulaye Wade aurait réconforté Karim en déclarant : «Je suis fier de toi. En t’emprisonnant, ils t’ont mis dans le cœur des Sénégalais.» Pour les Libéraux, plus Karim reste en prison, plus il devient un martyr du pouvoir. Par conséquent, pensent-ils, ses chances de se retrouver à l’avenue Léopold Sédar Senghor se multiplient.
Khalifa Sall récupère les attaques de l’Apr
Khalifa Sall, lui, n’a pas fait la prison, mais recycle les attaques du parti au pouvoir en gain politique. En plus de son bilan qualifié de «bon» par les Dakarois, le maire socialiste de la capitale bénéficie là d’un «appui» apériste qui l’a déjà aidé dans sa reconduction. Et tout est parti de Mbaye Ndiaye qui avertissait le maire sortant en ces termes : «Si Khalifa Sall veut rester maire, il doit rejoindre l’Apr.» Et depuis, son score aidant, son «cas» est davantage pris au sérieux pour l’Apr et, sans doute, par son leader, Macky Sall. Même si, face à la presse à Kaffrine, le Président a semblé minimiser le poids du Socialiste. «(…) Je crois au travail fondamentalement et même en politique, je pense que c’est par le travail qu’on fera des résultats. Ceux qui travailleront plus que moi arriveront peut-être à convaincre les Sénégalais de voter pour eux. Je ne suis pas dans des projections absolument aériennes, qui ne reposent sur rien du tout sinon des effets de médias, de manipulation d’opinions. Le moment venu, on le fera et on fera ce qu’il faut. Et je sais le faire parce que ce n’est pas un hasard qui m’a mis là où je suis», avait-il dit. Puissant Premier ministre, Aminata Touré est appelée pour casser cet élan aux Locales à Grand Yoff. Mimi y laissera son fauteuil de chef du gouvernement, même avec ses propos de campagne limitant le bilan de Khalifa Sall au «pavage» et au «lait pour les enfants». Evidemment, il est tout à fait légitime que le parti au pouvoir veuille avoir la mainmise sur toutes les collectivités locales, en particulier la capitale. Donc, à force de tirer sur Khalifa Sall, les responsables apéristes ont «légitimé» une confrontation quasi inéluctable entre Macky Sall et Khalifa Sall.
Le maire de Dakar a tiré les dividendes électoraux de sa campagne de «victime» du nouveau régime. L’Acte 3 de la décentralisation a été considéré comme une façon de lui mettre les bâtons dans les rues, tout comme la bataille de l’opinion sur l’emprunt obligataire raté de la mairie de Dakar et récemment la baisse de son budget qui est passé de 59 à 40 milliards. D’ailleurs, le maire des Parcelles Assainies, Moussa Sy, et proche de Khalifa Sall, est convaincu que «les gens (du pouvoir) ont peur (du maire de Dakar) et sont dans la panique totale».